L’hypertrophie et le caractère monoethnique de l’armée rwandaise: mythe ou réalité?
Bonjour Monsieur Emmanuel Neretse,
Je reviens sur les deux éléments sur lesquels vous avez bien voulu répliquer : (1) l’ « hypertrophie » et (2) le « caractère monoethnique » des Forces Rwandaises de Défense (RDF).
Hypertrophie
Votre estimation, se basant sur la structure actuelle des RDF, ne tient pas la route. Car non seulement vous vous basez sur cinq divisons d’infanterie alors que les RDF n’en comptent que quatre (Kigali, Byumba, Gisenyi et Butare) mais surtout, vos estimations des effectifs d’une division d’infanterie sont fausses. En effet, vous affirmez qu’une « division d’infanterie compte de 12 à 15.000 hommes », alors que vous savez que cela n’est pas nécessairement vrai, surtout pour « petites » armées. Une simple recherche sur Internet m’a d’ailleurs fait découvrir des divisions d’infanterie de 10.000 hommes, de 8.000 hommes, de 6.000 hommes et même de 4.000 hommes !
En outre, vous affirmez : « Vous oubliez d’indiquer que plus de la moitié des gens en armes au Rwanda n’émergent pas du budget de la défense et que cela a été décidé en connaissance de cause : la Police émerge sur le budget du Ministère de la Sécurité tandis que les LDF sont sur celui du ministère de l’Administration territoriale ». Ici, je dois avouer que je suis vraiment sidéré par une telle remarque, venant d’un Breveté d’Etat Major !
Monsieur Neretse, êtes-vous entrain de nous expliquer que le Gouvernement français a aussi « décidé en connaissance de cause » de créer la police nationale et les polices municipales, afin que « plus de la moitié des gens en armes en France n’émergent pas du budget de la défense » ? Etes-vous entrain de nous dire que le Gouvernement Habyarimana avait aussi créé les policiers communaux (les fameux hommes en vert) afin d’éviter que ces hommes en armes soient comptabilisés dans le budget de la défense ?
Cher ami, ici vous faites une confusion terrible entre (1) une armée, placée sous la tutelle du Ministère de la Défense et ayant la mission de défendre le pays contre des agressions extérieures ; (2) une police nationale, placée sur la tutelle du Ministère de l’Intérieur et ayant la mission d’assurer la sécurité quotidienne des personnes et des biens; et (3) les Forces Locales de Sécurité (LDF), placées sous l’autorité des Cellules administratives et du Ministère de l’Administration Locale et qui sont des ilotiers ou des policiers de proximité chargés de la sécurité dans les quartiers.
Ces trois (3) structures concernant la défense et la sécurité existent dans pratiquement tous les pays de ce bas monde et il est bien dommage que vous vouliez en faire une exploitation politicienne, prétendant qu’il ne s’agit que d’une ruse budgétaire de la part du Gouvernement rwandais !
Caractère monoethnique
Vous écrivez ceci : « Je tenais seulement à souligner ce fait : l’armée actuelle du Rwanda est monoethnique du moins au niveau de son commandement. D’ailleurs, vous en convenez avec moi que l’hiérarchie de l’armée de Paul Kagame est exclusivement tutsi. Inutile de vous étaler dans des tentatives de le justifier par l’histoire. Moi je ne faisais que faire le constat que par ailleurs vous approuvez ».
Ici aussi vous peinez à convaincre, surtout de la part d’un officier ayant fait partie d’une armée opérant ouvertement la discrimination ethnique et régionale dans le du recrutement. Car je vous rappelle que vous avez avancé cet élément du caractère monoethnique des RDF en nous expliquant que « partout où un régime a cru bon de s’appuyer sur une armée « pure, monoethnique » pour asseoir sa domination, cela n’a pas marché », et en prenant même exemple sur le Burundi, disant que « depuis les années 60, les régimes tutsi successifs ont construit une armée monoethnique croyant se prémunir du périr [sic] hutu ».
En d’autres termes, dans votre message initial, la composition ethnique des RDF n’était pas, comme vous semblez l’affirmer maintenant, une composition subie, issue d’une réalité historique mais était une composition choisie, issue d’une discrimination ethnique au recrutement, afin « d’asseoir la domination Tutsi » et « se prémunir contre le péril hutu ». Il ne convient donc pas de modifier vos propos !
Bonne journée.
Rwemalika Théoneste
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Monsieur Olivier Nduhungirehe,
Je vous propose de clore ce débat non sans réaffirmer ce que j’avais dit sur l’hypertrophie de l’armée de Kagame ainsi que son caractère monoehnique. Dans ma dernière réplique, je n’avais pas jugé bon de revenir sur l’américanisation à outrance comme une arme à double tranchant tellement ça me semblait évident. De même le lourd passé de cette armée qui s’est rendue coupable de multiples crimes de guerre, crime contre l’humanité voire de génocide largement documentés et restés impunis (Gakurazo, Kibeho, Ruhengeri-Gisenyi, RDC…) ne serait être gommé par le propagande aussi intense soit-elle.
Vous réfutez l’hypertrophie de l’armée actuelle du Rwanda qui fait que ce pays soit l’un des plus militarisés d’Afrique et cela sur base, comme vous l’avouez, aux recherches que vous avez faites sur le Net pour connaitre les effectifs d’une division ! Quant à moi, mes estimations se basent sur les normes enseignées en technique d’Etat-Major auxquelles je me suis familiarisées pendant quatre ans d’Ecole Militaire et deux ans d’Ecole de Guerre. Entre l’internaute et le BEM, chacun jugera qui est le plus habilité à décrire une grande unité militaire dénommée « division ».
Vous me reprochez d’inclure la Police et les Local Defense Force parmi les hommes armés dont dispose le régime. Même s’ils n’émargent pas du budget du ministère de la défense, ils sont bel et bien armés et dans le cas d’espèce, ils proviennent tous des rangs de l’APR, l’armée qui a conquis le pays à partir de l’Ouganda en 1994.
Enfin, sans nier le caractère monoethnique de cette armée, vous voulez faire admettre que cet état de fait est le produit du pur hasard contrairement à ce qui se passait avant la conquête du pays en 1994 quand il existait une discrimination institutionnalisée dans les recrutements à l’armée. Ceci est une idée reçue mais qui ne résiste pas aux faits réels. Plusieurs auteurs, dont votre serviteur dans son livre Grandeur et décadence des Forces Armée rwandais, Ed. Sources du Nil, 2010 ou l’ancien ministre de la défense James Gasana ont montré que les Forces armées Rwandaises étaient le reflet de la société rwandaise. Dans son livre Du Partri Etat à l’Etat Garnison, Paris, l’Harmattan, 2002, James Gasana écrit en effet à la page 33 « …les FAR comptaient parmi elles plusieurs officiers tutsi :1 colonel, 2 lieutenant- colonels, 7 majors dont 2 gendarme et un pilote, 1 commandant, 6 capitaines dont 2 gendarmes, plus ou moins 20 lieutenants et sous-lieutenants ». Quand on sait que le corps des officiers des FAR (armée et gendarmerie) n’atteignait pas l’effectif de 300 en 1990, on comprend que le FPR ne peut pas afficher un tel bilan, lui dont le nombre des seuls généraux et colonels atteint les 300 parmi lesquels on compte moins de 10 hutu !
Voilà Monsieur Olivier Nduhungirehe, mon mot de la fin pour redire que l’armée actuelle du Rwanda , qui de part sa disproportion fait du Rwanda une garnison qu’un pays, en qui la majorité de la population ne se retrouve pas et qui par conséquent se comporte en armée d’occupation, qui défend plus les intérêts américains dans la région( pillage du Congo, démembrement du Soudan…) que ceux de l’Afrique, ne peut pas être pris comme modèle.
Je vous remercie pour la qualité des échanges.
A la prochaine occasion
Emmanuel Neretse
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