Deux ONG européennes plaident pour plus de contrôle sur les « minerais du conflit » en RDC
EURAC et Fatal Transaction demandent à l’UE de renforcer son engagement sur la question des « minerais du conflit » en RDC
En juillet 2010, le Congrès des Etats-Unis a adopté la loi Dodd Frank qui comporte des dispositions relatives aux « minerais du conflit » provenant de la région des Grands Lacs. Cette loi est entrée en vigueur 10 ans après que le conseil de Sécurité de l’ONU ait exprimé pour la première fois sa préoccupation sur le lien entre l’exploitation minière et le conflit en République Démocratique du Congo (RDC). Pendant cette période, plusieurs rapports du groupe d’experts de l’ONU sur la RDC et de nombreuses ONG ont explicité l’impact des ressources naturelles sur le conflit à l’est de la RDC.
Divers groupes armés, y compris l’armée nationale (FARDC), continuent de contrôler l’exploitation et le commerce des minerais – à savoir la cassitérite, le wolframite, le coltan et l’or – dans certaines régions du Kivu, Maniema, Katanga et de la province orientale, avec la complicité de pays voisins ainsi que celle de nombreux acteurs économiques à travers le monde. Cette dynamique, qui s’étend au-delà des frontières de la RDC , complexifie les efforts menés pour la consolidation de la paix ainsi que ceux mis en œuvre pour la réforme du secteur de la sécurité dans l’est du pays.
La réponse de l’UE doit être à la fois ferme et appropriée. Les compagnies européennes ne peuvent pas continuer à importer sans discernement des minerais dont l’extraction et le commerce contribuent à alimenter les conflits, l’instabilité et l’insécurité.
Cependant, il faut réaliser que, l’exploitation minière artisanale représente un moyen de subsistance pour des millions de congolais, et si les efforts visant à formaliser ce secteur portent leurs fruits, cela représenterait donc une opportunité non négligeable pour le développement économique de la région. L’objectif de la politique de l’UE ne doit pas être un embargo sur les minerais congolais, mais une incitation à instaurer un commerce légal, formalisé et sous le contrôle des autorités civiles.
Depuis de nombreuses années, les organisations membres d’EURAC et de Fatal Transaction s’intéressent, en partenariat avec des organisations de la société civile congolaise, aux questions que soulève l’exploitation minière artisanale à l’Est de la RDC.
EURAC et Fatal Transaction pensent que les institutions de l’UE ainsi que celles des Etats membres, doivent intensifier leurs efforts pour accroître la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur de l’exploitation minière artisanale dans l’Est de la RDC. Dans cette perspective, il est nécessaire d’intervenir à plusieurs niveaux : en encourageant les entreprises de l’UE qui commercialisent les « minerais du conflit » à adopter des mesures de diligence raisonnable, en soutenant les efforts de certification et de cartographie sur le terrain dans l’Est de la RDC , en renforçant les capacités de l’Etat congolais à réglementer le secteur minier et en soutenant également les programmes visant à accroître les avantages socio-économiques de l’exploitation minière au niveau communautaire.
EURAC et Fatal Transaction exhortent l’UE et les Etats membres à prendre les mesures suivantes :
· Comme l’exige le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans sa résolution 1952, l’UE devrait adopter une législation qui oblige les entreprises européennes qui commercialisent ou utilisent la cassitérite, le wolframite, le coltan ou l’or ainsi que leurs dérivés, à faire un rapport sur les mesures de diligence raisonnable mises sur pied pour connaître l’origine des minerais et s’assurer que les minerais ne bénéficient pas à des hommes en armes, y compris ceux appartenant à l’armée congolaise. Une telle législation pourrait être proposée dans le cadre de la procédure législative ordinaire et devrait s’inspirer de la section 1502 de la loi Dodd Frank. Elle doit aussi être compatible avec le guide de l’OCDE sur la diligence raisonnable pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant des zones de conflit ou à haut risque. Les mesures récentes de l’UE concernant l’exploitation illégale du bois (règlement 995/2010) constituent un précédent utile pour une réglementation de l’UE encourageant les compagnies européennes à faire preuve de diligence raisonnable. L’UE doit impliquer les principales parties prenantes de la RDC dans le processus législatif dans afin d’atténuer les effets économiques négatifs sur les communautés locales.
· L’UE devrait soutenir le guide de l’OCDE sur la diligence raisonnable pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant des zones de conflit ou à haut risque. Elle devrait également continuer à soutenir l’OCDE dans ses efforts actuels visant à mettre en œuvre et à diffuser ses recommandations auprès des différents acteurs impliqués dans l’exploitation et le commerce de minerais dans les zones de conflits.
· L’UE devrait soutenir les efforts de certification en cours d’élaboration en RDC et dans la région des Grands Lacs. Un système de certification représenterait un complément aux initiatives législatives, car il pourrait faciliter les efforts que font les entreprises pour la diligence raisonnable et créerait un circuit commercial et juridique efficace et utile. Cependant le succès de tout système de certification dépend de la volonté et de la capacité à le mettre en œuvre sur le terrain. La Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs (CIRGL) a lancé une initiative visant à certifier et à assurer une traçabilité des exportations et des importations des minerais, ce qui pourrait contribuer à réduire la contrebande. L’UE et les Etats membres devraient apporter un soutien politique et financier à cette initiative afin de favoriser une mise en œuvre effective du système de la CIRGL. L ’UE et les autres bailleurs de fonds doivent encourager la coordination et l’adhésion à ces initiatives existantes, de manière à parvenir à une approche cohérente et globale. La CIRGL devrait être encouragée à promouvoir son système de certification au-delà de la région pour s’assurer de sa prise en compte effective dans toutes les législations non régionales sur la diligence raisonnable.
· Les initiatives de l’iTCSi et de l’EICC/GESI sur les « fonderies sans conflit » sont des contributions importantes des industries pour résoudre le problème tout comme le programme de certification que met en œuvre le BGR/GIZ dans le cadre d’un accord bilatéral entre l’Allemagne et la RDC. Ces initiatives devraient endosser le guide de l’OCDE et participer à sa mise en œuvre. Elles doivent également être en harmonie avec le dispositif de certification développé par la CIRGL.
· L’UE devrait instamment demander à la MONUSCO d’avancer dans la mise en place de Centres de négoce pour le contrôle du commerce des minerais.
· Les bailleurs de fonds européens devraient soutenir les efforts congolais pour la formalisation des activités artisanales du secteur minier, pour la mise en œuvre de leurs propres lois concernant le secteur minier et pour le renforcement de leurs capacités à gérer efficacement le secteur minier sur le terrain. Cela implique la formation, mais également l’augmentation du nombre de représentants de l’Etat déployés dans le secteur minier et la garantie de salaires convenables et réguliers. L’UE devrait faire pression pour que le programme de la Banque Mondiale dénommé « PROMINES » soit mis en œuvre dès que possible : cette mise en œuvre a longtemps été retardée en raison du temps d’arrêt dans les négociations entre la Banque Mondiale et le gouvernement congolais.
· L’UE – avec d’autres acteurs – devrait encourager la mise en place d’un mécanisme indépendant pour l’élaboration d’une cartographie régulière des sites miniers en RDC et l’évaluation des efforts pour la diligence raisonnable. Ces tâches devraient à long terme être effectuées par le gouvernement congolais dont les institutions doivent jouer un rôle actif pour le lancement du mécanisme.
· Les gouvernements européens doivent convaincre le gouvernement congolais d’œuvrer pour le départ des militaires des sites miniers à l’Est. La démilitarisation des zones minières telles que Bisie et Omate serait une avancée significative.
Une plus grande implication de l’UE sur la question des minerais ne doit pas réduire l’accent mis sur les autres causes du conflit en RDC, notamment la situation politique dans les pays voisins, la démobilisation des combattants, la question des réfugiés et du foncier, la réforme du secteur de la sécurité et l’impunité. L’UE devrait nommer un nouveau représentant spécial pour la région des Grands Lacs, dont une partie du mandat devrait être de veiller à une meilleure coordination de la réponse apportée par l’UE pour résoudre le problème des « minerais du conflit ».
For further details:
Kris Berwouts
Director
EURAC
Rue des Tanneurs, 165 B – 1000 Brussels, Belgium
Tel: +32 (0)2 213 04 000
Mobile: +32 485 070852
@: kris.berwouts@eurac-network.org
www.eurac-network.org
Marie Müller
International Coordinator
Fatal Transactions
Tel.: +49 (0)228 91196-64
@: ft@bicc.de
www.fataltransactions.org
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