Rwanda : L’aveuglement des activistes du FPR (suite)

Des enfants affamés dans un camp de réfgiés hutu au sud de Kisangani (RDC) en avril 1997 / photo K. Miller/Gazetta

Des enfants affamés dans un camp de réfugiés hutu au sud de Kisangani (RDC) en avril 1997 - photo K. Miller/Gazetta

Des enfants affamés dans un camp de réfugiés hutu au sud de Kisangani (RDC) en avril 1997 - photo K. Miller/Gazetta

II. Le FPR n’a fait qu’exercer son droit de légitime défense.

Cette prétendue légitime défense repose sur des spéculations, des faits non pertinents et des interprétations en contradiction avec la réalité.

1. L’ONU n’a pas respecté les règles en matière de réfugiés et les autorités congolaises se sont montrées complaisantes envers les ex-FAR.

Il est vrai que les réfugiés rwandais se sont installés, comme en Tanzanie et au Burundi, tout près de la frontière rwandaise avec la RDC. Mais, en réalité, ni le FPR et ses mentors, ni les autorités congolaises ne voulaient le déplacement des réfugiés hutu vers l’intérieur de ce pays. Quel aurait été l’intérêt du régime de Kagame dans une telle opération ? Aucun. L’éloignement de près deux millions de réfugiés hutu de la frontière ne lui aurait pas permis de les rapatrier par la force pour assurer sa consolidation et d’en prendre prétexte pour envahir le Zaïre. Si ces réfugiés avaient été installés loin de la frontière du Rwanda, ils auraient continué à exercer une pression sur le pouvoir rwandais pour l’amener à négocier. Or une solution pacifique du problème des réfugiés était incompatible avec la volonté de domination du FPR et la nécessité d’accomplir la mission de ceux qui l’instrumentalisaient. N’est-ce pas, d’ailleurs, pour ces motifs qu’il avait, deux ans avant, torpillé l’Accord d’Arusha ? C’est donc la volonté du FPR et de ses parrains d’éliminer toute opposition aux nouvelles autorités rwandaises et d’introniser en RDC un pouvoir favorable à leurs intérêts qui explique l’attaque des camps et la traque, à des milliers de kilomètres du Rwanda, de ceux qui avaient pu échapper au rapatriement forcé. D’ailleurs, cette politique de rapatriement forcé des réfugiés hutu se poursuit, par diverses tactiques, partout à travers le monde comme il sera montré plus loin.

La position des autorités zaïroises, compréhensible et raisonnable, au regard des dégâts environnementaux et économiques causés par ce nombre considérable de réfugiés, était que ceux-ci rentrassent chez eux le plus rapidement possible. Aussi se sont-elles investies activement dans la recherche d’une solution négociée sans succès parce que le FPR et ses sponsors refusaient tout pourparler avec les réfugiés.

L’accusation selon laquelle elles auraient apporté leur concours aux ex-FAR en vue de reformer une armée, de préparer l’attaque contre le Rwanda en leur fournissant des armes et des munitions semble peu crédible. L’armée congolaise en déliquescence, mal payée, mal organisée, mal équipée n’était pas en mesure d’assister les ex-FAR en quoi que ce soit. Au contraire. Les armes que les FAR avaient emportées dans leur fuite ont été saisies et vendues, à leur insu, par les militaires congolais.

Mais à supposer même que les autorités congolaises aient été capables de contribuer à la réorganisation et au réarmement des ex-FAR afin qu’elles puissent contraindre le régime illégitime et antidémocratique du FPR à négocier pour faciliter le retour des réfugiés dans leur pays, en quoi leur attitude aurait été différente de celle des dirigeants ougandais qui ont soutenu  le FPR dont les objectifs déclarés étaient supposés être le retour des réfugiés tutsi et l’instauration d’une démocratie ? Les responsables ougandais, en dépit d’un accord tripartite Réfugiés-Gouvernement ougandais-HCR pour le retour pacifique des réfugiés tutsi, ont aidé le FPR à envahir le Rwanda, lui ont permis de reconstituer son armée après sa défaite du 30 octobre 1990 et ont continué, après la reprise de la guerre, à l’équiper et à l’appuyer militairement, médiatiquement et diplomatiquement. Rien ne justifie que le soutien réel et considérable de l’Ouganda au FPR soit passé sous silence tandis que l’aide imaginaire ou au plus insignifiante des autorités zaïroises soit invoquée comme une justification de la destruction des camps des réfugiés et de ses conséquences en termes de pertes humaines.

L’échec d’une solution pacifique au problème des réfugiés tutsi en 1994 et hutu en 1996 et la défaillance de l’ONU lors des divers massacres des civils dans la région des Grands Lacs africains ne sont imputables ni au Secrétariat Général de l’ONU, ni aux autorités zaïroises ni aux ex-FAR mais au FPR, à ses alliés qui ont fait le choix de sacrifier des millions de Rwandais, de Burundais et de Congolais à leurs intérêts politiques, économiques et financiers. En effet, si, au Rwanda, en avril-juillet 1994, et en RDC en 1996-1997 et en 1998-2003, l’ONU a manqué à son devoir d’assistance à personnes en danger, c’est parce que le FPR, l’AFDL et leurs sponsors anglo-saxons se sont opposés à toute intervention d’une force d’interposition ou d’imposition de paix.

Seuls les Hutu ont demandé le concours de la communauté internationale pour mettre fin aux conflits et préserver les vies humaines. Mais personne n’a voulu les écouter. En avril 1994, l’armée rwandaise a proposé un cessez-le-feu et une force d’interposition mais le FPR a rejeté ses propositions. Au contraire, le 9 et le 10 avril, il a sommé tous les étrangers de quitter le Rwanda dans un délai de vingt quatre heures et a poursuivi la guerre en dépit de ses conséquences sur l’expansion de la violence. De plus, la thèse très répandue selon laquelle Paul Kagame a sauvé les Tutsi du génocide est contredite par son comportement pendant la guerre. Il a ignoré l’avertissement d’une délégation de Tutsi de l’intérieur, conduite par Charles Shamukiga, qui lui faisait remarquer le risque de mort qu’il leur faisait courir s’il s’en prenait au président Habyarimana d’ethnie hutu. En commanditant son meurtre, il a décidé consciemment de sacrifier ses congénères pour accéder au pouvoir et aux richesses de la RDC. Ensuite, après avoir déclenché les massacres des Tutsi, il a rejeté tout cessez-le-feu et toute intervention d’une force étrangère et il ne s’est pas empressé de les secourir d’après le lieutenant Abdul Ruzibiza[1].

En 1996-1997, lorsque les réfugiés rwandais ont supplié la communauté internationale de leur porter secours, une « certaine communauté internationale », en complicité avec le FPR, a affirmé mensongèrement qu’il n’y avait plus de réfugiés rwandais au Zaïre alors qu’ils étaient en train d’être chassés et abattus comme des animaux à travers le pays. Leur priorité était d’écarter toute intervention et d’assurer la victoire du FPR et de son allié l’AFDL quoi qu’il en coûtât en vies humaines.

A l’évidence, ni la proximité des camps de réfugiés de la frontière rwandaise, ni la complaisance éventuelle des autorités zaïroises envers les ex-FAR ni l’ aide qu’elles auraient fournie aux ex-FAR ne pouvaient légitimer l’attaque des camps des millions d’individus innocents et les massacres de ceux qui ont échappé au rapatriement forcé. L’allégation selon laquelle les camps étaient contrôlés par les génocidaires, même si elle était prouvée, ce qui n’est pas le cas, ne pouvait pas non plus justifier la destruction des camps des réfugiés à l’arme lourde. Rappelons que ce genre d’argument a également été utilisé lors des massacres de Kibeho. Cette logique selon laquelle il serait permis de massacrer des innocents pour pouvoir tuer ceux qu’on juge coupables est absurde et dangereuse. Tous ceux qui ont tué des gens qui se sont regroupés dans un endroit peuvent y recourir pour se disculper.

2. Les camps étaient contrôlés par les génocidaires qui empêchaient la majorité des réfugiés de retourner au pays et massacraient ceux qui manifestaient la volonté de rentrer.

Camp de réfugiés Lac VertLe FPR aurait attaqué les camps pour délivrer les bons hutu de leurs congénères extrémistes qui les retenaient de force. Quelle manipulation ! Continuer à laisser penser que les Hutu ont pris le chemin de l’exil devant l’avancée du FPR et n’ont pas voulu retourner dans leur  pays après sa victoire parce qu’ils étaient sous l’influence des génocidaires, c’est oublier que, avant 1959, pendant des siècles,  les Hutu ont subi, de la part des Tutsi, des traitements inhumains et humiliants, que, à partir d’octobre 1990, au Nord du pays, ils ont été massacrés ou chassés de leurs terres au point où, en avril 1994, un million avaient déjà fui cette organisation et vivaient, privés de leurs biens et de leurs droits, dans une situation de misère et promiscuité indicibles, que, à la reprise de la guerre, ils ont détalé devant les soldats du FPR qui tiraient indistinctement sur eux et, que, le 22 avril 1995, 8000 hutu ont été liquidés  à Kibeho sous l’œil de la MINUAR II.

Ces souvenirs ancrés dans la mémoire collective et ces faits récents suffisaient à les persuader de ne pas regagner immédiatement leur patrie d’autant plus qu’ils croyaient ingénument que la communauté internationale allait imposer une négociation et non un pouvoir non-démocratique et ethniste alors qu’elle affirmait aider le FPR à combattre la dictature et la discrimination du régime Habyarimana. Que les anciens dirigeants, qualifiés abusivement tous de génocidaires, aient pu aussi leur conseiller de ne pas rentrer sans condition n’était que normal mais ils n’avaient pas besoin de les contraindre à rester dans les camps car ils prêchaient les convertis. Dans tous les cas, aucun réfugié n’avait appelé le FPR à son secours.

Et puis, la suite a montré qu’ils avaient raison de refuser de retourner au pays sans application de l’Accord d’Arusha qui avait défini les principes fondamentaux du système politique à instaurer au Rwanda et la répartition des postes clefs à l’armée, à l’assemblée législative et au gouvernement pendant la période de transition. Le rapatriement forcé des réfugiés hutu a enterré définitivement l’esprit de l’Accord d’Arusha et a permis au FPR de soumettre la population rwandaise à son pouvoir et de la traiter comme des citoyens de seconde zone. La discrimination dont elle fait l’objet est telle que les Tutsi, qui représentent moins de 20% de la population rwandaise, occupent plus de 80% dans plusieurs secteurs notamment dans l’administration, l’économie et l’armée. Les opposants réels ou supposés d’ethnie hutu sont injustement accusés de génocide, d’idéologie génocidaire et de divisionnisme et arbitrairement emprisonnés s’ils ne sont pas tout simplement liquidés.

Le régime du président Kagame, conscient de sa fragilité en raison de son caractère minoritaire et dictatorial, est obsédé par l’idée d’une opposition de la majorité hutu. Cette obsession le pousse à s’en prendre même aux Hutu qui vivent en exil parce qu’il les considère tous comme des opposants sinon réels du moins potentiels. Pour miner cette opposition extérieure qu’il ne peut museler comme celle de l’intérieur, il use de plusieurs moyens. Il essaie d’abord d’accuser de génocide les opposants les plus influents mais ces accusations n’aboutissent pas toujours parce qu’elles ne sont toutes fondées et, en plus, elles ne peuvent que concerner quelques individus. Aussi est-il obligé de procéder, parallèlement, à une politique de séduction de la diaspora, qui ne semble pas avoir plus d’effets car rares sont ceux qui sont assez bêtes pour ajouter foi à son discours sur la paix et le respect des droits de l’homme alors que les Rwandais y compris des Tutsi continuent à fuir le pays.

La troisième méthode consiste à tenter de convaincre les autorités de certains pays, en particulier africains, d’expulser des Hutu auxquels elles ont accordé asile. Il leur explique qu’il y a maintenant de la sécurité au Rwanda comme si celle-ci impliquait forcément le respect des droits de l’homme et donnait au gouvernement le droit de décider où doit résider chaque Rwandais. Dans les pays démocratiques où une telle méthode ne peut fonctionner, il recourt au noyautage des partis de l’opposition extérieure et à la diabolisation de ses membres importants tout en créant des structures destinées à y manipuler l’opinion. Malheureusement, l’opposition lui facilite la tâche par l’absence d’objectifs communs, les divergences d’interprétations de l’histoire récente du Rwanda, la tendance à créer une multitude de partis à coloration régionale et ethnique ou motivés par des ambitions personnelles ou la nécessité de s’assurer l’impunité par la prise du pouvoir.

Tous ces éléments ne sont pas de nature à favoriser l’union de l’opposition, indispensable pour déjouer les pièges du FPR et faire entendre sa voix. Pour réaliser cette union, il faudrait que la majorité des opposants tant hutu que tutsi se rassemblent, avec conviction, autour de quelques principes, stratégies, objectifs et faits historiques essentiels tels que la réalité des ethnies, la reconnaissance et la condamnation de l’usage de la violence des Hutu et des Tutsi dans leur lutte pour le pouvoir , l’existence des victimes des deux côtés de ces guerres, l’obligation de rendre justice à toutes les victimes, la nécessité de changer le système dictatorial qui a marqué tous les régimes rwandais y compris celui du FPR.

Ce changement doit viser la transformation de la société rwandaise en une démocratie respectueuse des droits de l’homme et caractérisée par l’indépendance de la justice, la bonne gouvernance, la méritocratie, un système efficace de contrôle de l’exécutif pour limiter la corruption et la coexistence pacifique et neutre à la suisse avec tous les pays de la région des Grands Lacs africains. Ce contexte de liberté, de paix durable avec les pays voisins et de participation de la population à leur destin créerait les conditions indispensables pour l’accomplissement d’un progrès économique partagé.

La difficulté de l’opposition à s’entendre pour mener un combat commun contre la dictature du FPR est liée au fait que tous les opposants n’ont pas la même conception de la métamorphose politique et sociétale à opérer au Rwanda. Certains voudraient seulement prendre la place des autorités actuelles comme l’a fait le FPR en écartant le président Habyarimana et le MRND avec le concours de l’opposition intérieure alors que d’autres, les vrais politiques, s’intéressent à la transformation de la société rwandaise pour assurer à tous ses membres le respect de leurs droits, une coexistence pacifique et un développement économique  équitablement réparti.

Une partie du premier groupe est composée des gens qui ont tendance à interpréter tout en fonction de ce qui arrange leur ethnie, leur clan ou leur région et à refuser d’intégrer la structure existante de coopération entre les principaux partis de l’opposition (FDU). Une autre partie comprend ceux qui ne se préoccupent que de leur ventre et sont prêts à trahir leurs « convictions » si le FPR leur offre un poste dans l’administration ou quelques euros.

Face à la cupidité des uns et à l’ethnisme et au régionalisme viscéraux des autres, l’opposition démocratique se doit d’être vigilante et de renforcer sa structure de coordination pour mieux contrecarrer les plans de sape du FPR. Il serait idiot d’être encore dupe comme dans les années 1990, faute d’analyse pertinente des objectifs et des motivations des partenaires.

Mais la prudence inspirée par l’expérience ne doit conduire ni à stigmatiser ni à exclure un groupe régional ou ethnique par globalisation abusive comme le fait le FPR qui affirme que tous les ex-FAR et tous les Interahamwe sournoisement assimilés à la majorité des Hutu voulaient revenir au Rwanda pour massacrer les rescapés du génocide des Tutsi. Cette thèse dont se sert également M. Aldo Ajello et d’autres activistes pour légitimer l’attaque des camps de réfugiés en RDC ne constitue pas un argument plus fondé que les deux précédents.

3. Les ex-FAR et les Interahamwe avaient l’intention d’envahir le Rwanda pour y poursuivre leur œuvre d’extermination des Tutsi.

Le FPR et ses activistes justifient toutes les guerres que cette organisation a initiées dans la région des Grands-Lacs africains par une même raison principale : protéger les Tutsi des génocidaires hutu. Expliquer l’invasion du Rwanda en octobre 1990 et la reprise des hostilités en avril 1994 par la nécessité de sauver les Tutsi du génocide ne repose sur aucun fait. Avant l’invasion du FPR, les Tutsi n’étaient menacés par aucun génocide. Depuis la prise du pouvoir par le président Habyarimana en 1973, les Hutu et les Tutsi vivaient en paix. Les rancœurs ethniques, nées à l’époque féodale, avaient fortement diminué sous le régime Habyarimana après être montées d’un cran à la révolution de 1959. C’est le FPR qui, à la suite de l’attaque d’octobre 1990, et surtout de l’assassinat du président Habyarimana et de la volonté manifeste de s’approprier le pouvoir par les armes, a ravivé l’animosité ethnique parmi les Rwandais. A force de l’entretenir par une politique de deux poids deux mesures, de vendetta et de ségrégation outrancières, la haine entre les deux ethnies est devenue vive et générale sous le régime actuel. Elle a atteint son niveau le plus élevé depuis la monarchie.

De même prétendre que le FPR a attaqué les camps des réfugiés rwandais en ex-Zaïre en 1996 pour éviter la reprise du génocide des Tutsi au Rwanda relève de la pure spéculation. Jusqu’à présent, aucune preuve n’a été apportée quant à l’intention prêtée aux ex-FAR « d’avoir voulu achever leur œuvre de génocide » Cette affirmation paraît d’autant plus infondée que la  thèse de la planification des massacres des Tutsi par les extrémistes Hutu parmi lesquels sont abusivement rangés tous les ex-FAR n’a jamais été établie par le TPIR. Le régime du FPR, lui-même, ne semble pas y croire puisqu’il n’hésite pas à intégrer ceux qu’il considérait hier comme planificateurs du génocide ou étaient censés être des extrémistes hutu dès lors qu’ils acceptent de le servir loyalement et aveuglement.

La guerre que le FPR a menée contre les réfugiés rwandais en RDC n’a rien à voir avec la protection des Tutsi. Remarquez que ceux qu’on a appelés les infiltrés n’ont attaqué le régime du FPR qu’en fin 1997 après la destruction des camps des réfugiés. La théorie de guerre préventive à la Bush que le FPR et ses activistes s’ingénient à légitimer vise seulement à atténuer les atrocités perpétrées par l’APR en RDC et à justifier les attaques permanentes contre les opposants hutu au régime criminel et autocratique de Kigali, qui se plait à les qualifier tous de génocidaires ou d’extrémistes devant être combattus pour prétendument parer à tout risque d’un nouveau génocide des Tutsi. Ceux qui cautionnent cette politique de guerre préventive oublient que, en appliquant la même logique, les Hutu pourraient aussi prétexter que les massacres des Tutsi, après l’attentat contre le président Habyarimana, étaient motivés par une légitime défense dans la mesure où ils auraient imaginé qu’une organisation tutsi, en assassinant un président hutu, voulait les exterminer.

L’idée de la guerre préventive est très dangereuse parce que la guerre n’est plus considérée comme une mesure de dernier ressort, ce qui ne peut que multiplier les conflits. La preuve est que ceux-ci se succèdent les uns aux autres dans la région depuis octobre 1990 sans qu’il en résulte une véritable stabilité à ne pas confondre avec une accalmie avant la tempête. Après l’invasion du Rwanda par le FPR, la région a connu la guerre du Burundi après l’assassinat du président Melchoir Ndadaye par des militaires tutsi, la 1ière et la 2ème guerre du Congo, celle de Laurent Nkunda et celle de l’opération ‘Umoja Wetu’ dans lesquelles les autorités rwandaises actuelles ont joué un rôle néfaste. Tous ces conflits n’ont fait que déstabiliser, de façon permanente, la région du Kivu et apporter la souffrance aux peuples rwandais, ougandais, burundais et congolais.

Aucun recours à la force ne garantira une protection définitive à qui que ce soit et  n’apportera une solution à long terme aux problèmes de partage du pouvoir et de coexistence pacifique entre les peuples de la région. Seul un débat dans le cadre d’une commission « Vérité et Réconciliation » à la sud-africaine permettrait de trouver des remèdes adéquats à la lutte pour le pouvoir entre les divers protagonistes. Si non, un jour ou l’autre, les peuples n’auront d’autre choix que de se révolter contre leurs oppresseurs en vue de conquérir leur liberté, chère à tout être humain, ce qui engagera la région dans un autre cycle de conflits armés.

Il ressort de l’analyse ci-dessus que les éléments présentés pour tenter de crédibiliser les thèses de la planification des massacres des Tutsi et de l’assassinat du président Habyarimana par les extrémistes hutu ont été démentis par différentes enquêtes indépendantes et divers jugements du TPIR et que les arguments avancés pour légitimer la destruction des camps des réfugiés en RDC et réduire à de simples homicides involontaires les massacres massifs et systématiques des réfugiés rwandais et des civils congolais auxquels s’est livrée l’APR reposent sur des suppositions et des interprétations sujettes à caution.

Pourtant, les activistes du FPR continuent de se fonder sur les versions des faits propagées par  cette organisation tutsi, qui est aussi suspectée de crimes contre l’humanité. Leur stratégie manipulatoire consiste à répandre sournoisement l’idée qu’aucun Tutsi ne peut être extrémiste. C’est sur la base de cet à-priori qu’ils estiment impensable que l’armée tutsi du FPR ait pu commettre des crimes de guerre et, pire encore, des actes de génocide.

Mais aucun d’eux ne nous dit, par quel phénomène surnaturel, tous les Tutsi seraient immunisés contre la haine ethnique et l’extrémisme. Sauf à ajouter foi au mythe de peuple élu, il n’existe aucune raison d’exclure la présence des extrémistes tutsi au sein de l’APR et du FPR et la possibilité que, dans le contexte de lutte pour le pouvoir entre les Hutu et les Tutsi, ces enragés aient commis des actes de génocide par haine ethnique et ou par volonté d’asseoir leur régime. Il incombe à un Tribunal Pénal International pour la RDC de confirmer les crimes qu’aurait perpétrés l’APR dans ce pays, de les qualifier et d’identifier les suspects éventuels à poursuivre comme le proposent les experts de l’ONU. Si le FPR n’a rien à se reprocher, il n’a rien à craindre à moins qu’il ne croie pas à l’équité de la justice internationale ? Dans ce cas, pourquoi les Hutu devraient-ils être les seuls à en subir l’iniquité ?

Photo de la manifestation anti-Kagame lors de sa visite à Bruxelles en décembre 2010

Photo de la manifestation anti-Kagame lors de sa visite à Bruxelles en décembre 2010

La solution définitive des conflits dans la région des Grands-Lacs passera obligatoirement par l’établissement de la vérité sur ce qui s’y est passé et par une justice pour toutes les victimes. L’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, l’avait compris même s’il n’a pu rien faire à cause des mentors américains et britanniques du FPR. En 1998, il notait que l’une des causes profonde des conflits dans la région des Grands-Lacs résidait dans un cycle vicieux de violations des droits de l’homme et de vengeances, alimenté par l’impunité. La seule façon d’y mettre fin est de lutter contre l’impunité quelle que soit l’ethnie ou la tribu du criminel et de sortir de la culture du mensonge et de la haine pour entrer dans celle de la vérité et du pluralisme où les Rwandais affrontent, le plus objectivement possible, toute leur histoire, l’assument courageusement et trouvent un modus vivendi dans leur diversité.

Nier l’existence des problèmes réels tels que la réalité des ethnies (Hutu, Tutsi et Twa), les massacres et les humiliations des uns par les autres, le caractère dictatorial et ethniste, bien qu’à des degrés divers, des différents régimes rwandais qu’a connus le Rwanda depuis l’époque féodale, procède de la même attitude que celle d’un toxicomane qui, incapable de faire face à la réalité, se réfugie dans l’illusion jusqu’à sa déchéance. Si les régimes ethnistes, tribalistes, répressifs, liberticides, antipatriotiques et corrompus continuent à se voiler la face, à ignorer le besoin de démocratie et de liberté pour tous les peuples de la région et à s’accrocher au pouvoir en fermant toute possibilité d’alternance pacifique, il ne restera que la voie de la révolution.

L’histoire du monde nous apprend que tout peuple finit par se trouver un véritable héros capable de l’aider à se débarrasser de son oppresseur et à conquérir sa liberté, chère à tout être humain. Le vent de démocratie a soufflé successivement sur l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Asie à l’exception de la Chine et de la Corée du Nord, l’Europe de l’Est et maintenant sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Même si l’Afrique noire, est à la traîne comme toujours, ce vent de liberté finira par y arriver et y balayer tous ces oppresseurs des peuples. Le président Kagame 1er, le visionnaire, ou plutôt le sanguinaire, ne semble pas, comme d’autres dictateurs africains, avoir conscience de cette évolution inéluctable. Peut-être se dit-il qu’à long terme il sera mort- tant pis pour ses enfants et à ses partisans-ou que, le moment venu, il s’envolera, avec son Akazu, en Ile Maurice pour y couler des jours « heureux »! pendant que ses courtisans affronteront seuls la colère populaire et que ses sponsors et activistes étrangers se morfondront en excuses en affirmant qu’ils ont été abusés par le dictateur.

Jean Charles Murego
EdA Press

 

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[1] Ruzibiza Abdul, Rwanda : L’histoire secrète, éd. Panama, 2005

 

 

 

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