RDC : Hommage à Floribert Chebeya
Les limites de notre impact
Jamais je n’oublierai le moment où on m’a confirmé que le corps qu’ils avaient trouvé la matinée du 2 juin 2010 dans une mise-en-scène érotique épouvantable était bien celui de mon ami Floribert Chebeya. Un an plus tard, je suis sur la Bebel Platz à Berlin, dans une manifestation organisée par les ONG allemandes. Nous commémorerons Flory et nous réclamons lors du premier anniversaire de sa mort plus de respect pour les droits humains en Afrique, et une meilleure protection de leurs défenseurs.
Quelques semaines avant à Kinshasa, j’avais appris qu’au moment où Chebeya a été assassiné, les différentes ambassades et délégations européennes sur place venaient de définir leur stratégie de défense des activistes des DH sous la présidence espagnole de l’UE. Dix ambassades étaient impliquées, généralement représentées par leur n° 2, et une semaine après leur première réunion pour mettre en place la nouvelle stratégie, Chebeya a été assassiné. La mort de Floribert a accéléré la mise en application de cette stratégie, ce qui a permis à la communauté internationale de raffiner les procédures et de réagir de façon plus rapide et plus efficace dans des cas ultérieurs de violence contre des journalistes et des défenseurs de droits humains.
Entre-temps, nous sommes en pleine période pré-électorale au Congo. On sent une contradiction entre d’un côté la machinerie lourde du régime qui se met en route vers les élections dans une logique de les contrôler entièrement dans chaque aspect, et de l’autre côté l’extrême fragilité de l’Etat et le manque de cohésion du régime. Nous allons vers des élections que le pouvoir organisera seulement s’il a la certitude de les gagner. Il y a une chance réelle que les résultats seront contestés et je trouve qu’il y a un potentiel de violence non négligeable dans le processus électoral. Tout le monde se rend compte de ce potentiel et du fait que le caractère libre et transparent des élections sera compromis par l’obsession de contrôle et l’orgueil de la victoire du pouvoir en place. La communauté internationale aura des difficultés à trouver un ton et un contenu à ses éventuels messages critiques sur la suite du processus. Il n’est pas facile à réagir sur la loi électorale, le fonctionnement de la CENI ou du Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou encore sur le manque d’espace politique pour l’opposition et les autres enjeux d’aujourd’hui et de demain, si vous avez décidé de ne pas réagir sur la révision constitutionnelle de janvier 2011.
La communauté internationale, et l’Union européenne et ses Etats membres d’abord, a dépensé des sommes gigantesques au Congo, pour une bonne partie pour financer des paquets standardisés pour accompagner des pays en phase post-conflit, même si au Congo et en Afrique centrale, la page du conflit n’a pas encore été durablement tournée. Aujourd’hui, cette communauté internationale se trouve devant les limites de son impact. Elle aura des difficultés à exprimer ses inquiétudes et à définir la ligne rouge : «jusque là on vous accompagne, mais à partir d’ici, on ne suit plus .» La seule chose que nous pouvons faire en tant qu’ONG européennes est écouter la population, l’encourager et l’aider à s’exprimer.
Kris Berwouts
Directeur EurAc
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