Panique dans la communauté rwandaise et congolaise du Canada

Ingando-juillet 2011 au Rwanda

Une activité dénommée « Itorero » que le Haut Commissariat du Rwanda au Canada envisage d’organiser du 4 au 9 août 2011 au « Centre des retraites Temple Pastures » sis au 286 Route Fogarty à Gatineau provoque une panique chez des Canadiens d’origine rwandaise et congolaise.

Ceux-ci citent beaucoup d’éléments qui montrent que, bien qu’elle soit présentée comme ayant des objectifs purement culturels, cette activité pourrait être le début d’un processus de recrutement et de formation de jeunes susceptibles d’être enrôlés dans des activités de nature à perturber la sécurité des opposants au régime de Kigali et les témoins de ses crimes . En voici certains :

D’abord, une telle activité devait se dérouler en Grande-Bretagne du 17 au 24 juillet 2011, mais elle a été annulée après que, comme révélé par le journal rwandais Umuvugizi du 27 juin 2011, les services de renseignement britanniques aient découvert qu’elle était destinée à former des jeunes susceptibles d’être enrôlés dans des activités de terrorisme visant des exilés rwandais. Ces services ont également émis une note d’alerte avertissant deux ressortissants rwandais vivant à Londres que « des informations crédibles attestent que le gouvernement rwandais pose une menace imminente à [leur] vie. Le danger peut prendre n’importe quelle forme ».

Ensuite, dans le Rwanda ancien, Itorero était une « troupe de cadets », et « outre les danses guerrières, les cadets apprenaient les techniques de combat. » 1C’est sous cette forme que cette activité, qui n’était plus pratiquée depuis la fin des années 1950, est en train d’être réintroduite par le régime de Paul Kagame. L’article du journal gouvernemental New Times du 20 juillet 2011 est sans équivoque à ce sujet : les jeunes rwandais qui étudient à l’étranger et qui sont actuellement dans l’Itorero au Rwanda sont en tenue militaire et suivent leur formation dans l’Académie militaire de Gako dans le district de Bugesera.

Enfin, la période au cours de laquelle ces activités sont en train d’être organisées est doublement suspecte. Premièrement, elle coïncide avec la recrudescence des assassinats et des tentatives d’assassinat des opposants, tant à l’intérieur du Rwanda qu’à l’étranger.

À ce sujet, il y a lieu de mentionner notamment la décapitation au Rwanda du vice-président du Parti-Vert, Kagwa Rwisereka, la tentative d’assassinat en Afrique du Sud du Général Kayumba Nyamwasa ainsi que la tentative d’assassinat en Grande-Bretagne ci-dessus mentionnée de deux ressortissants rwandais, Jonathan Musonera et René Mugenzi.

Deuxièmement, elle suit la publication du rapport Mapping des Nations Unis (2010) qui accuse l’armée rwandaise d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et possiblement un génocide en République démocratique du Congo.

La Coalition des associations de ressortissants rwandais en Grande-Bretagne qui a alerté les services de sécurité britanniques au sujet des dangers de cette activité mentionne dans sa lettre que, selon les informations venant des services de sécurité rwandais, une fois que les jeunes qui participent à l’Itorero « auront été formés idéologiquement et militairement, le régime n’aura plus besoin d’envoyer des escadrons pour éliminer des opposants à l’étranger ».

La BBC News vient de révéler ce 2 août 2011 que le signataire de ladite lettre, M. Noble Marara, a lui aussi reçu une note des services de sécurité britanniques l’avertissant que sa sécurité est menacée par le gouvernement rwandais.

Les Canadiens d’origine congolaise craignent que les jeunes formés dans Itorero soient également utilisés dans l’élimination des témoins des horribles crimes de l’armée de Kagame au Congo.

Tous ces éléments ont été portés à la connaissance du gouvernement du Canada. Les organisations de Canadiens d’origine rwandaise et congolaise qui sentent la sécurité de leurs membres menacée demandent que le Canada prenne les mêmes mesures que la Grande Bretagne et empêche que l’Itorero se déroule sur son territoire.

Les organisations politiques rwandaises de l’opposition ont elles aussi écrit aux autorités canadiennes leur demandant de ne pas permettre que le Canada devienne un territoire de recrutement de milices à travers l’itorero.

De fait, pourquoi le Canada prendrait-il le risque d’autoriser une activité bannie ailleurs, organisée de surcroit par des représentants d’un régime accusé par l’ONU et d’autres grandes organisations de commettre les plus graves violations des droits de la personne?

04 août 2011

Emmanuel Hakizimana et Jean Marie Mousenga

Emmanuel Hakizimana, Ph.D., président du Congrès rwandais du Canada
Jean Marie Mousenga, président de la Communauté congolaise de Montréal métropolitain

 Publié aussi dans lautjournal

1 Coupez, André, Thomas Kamanzi, Simon Bizimana, Gaspard Sematama, Gaspard Rwabukumba, Charles Ntazinda et collaborateurs. 2005. Inkoranya y íkinyarwaanda mu kinyarwaanda nó mu gifaraansá. Dictionnaire rwanda-rwanda et rwanda-français. Tervuren : Musée royal de l’Afrique centrale, pp. 2580-2581.

 

 

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