Pourquoi un Etat palestinien ne devrait pas être reconnu en septembre

Palestine / photo www.tlfq.ulaval.ca

Je sais que mon propos sera susceptible de heurter bien des gens. Ceux, par exemple, qui soutiennent le processus engagé pour la reconnaissance d’un Etat palestinien en septembre prochain, à l’Assemblée Générale des Nations Unies ; nombre de ces personnes croient d’ailleurs sincèrement qu’une telle reconnaissance serait un acte de justice à l’égard des Palestiniens, dont beaucoup ont été dépossédés de leurs maisons et de leurs terres ancestrales depuis la création de l’Etat d’Israël, en 1948. D’autres encore appuient ce processus par hostilité viscérale à l’égard de l’Etat juif, voire même à cause de sentiments mêlés de relents d’antijudaïsme non avoués.  Depuis quelques années, il est devenu de plus en plus difficile, en France et en Occident, d’exprimer des opinions qui ne soient pas hostiles à Israël.

Il y a 66 ans, les Juifs d’Europe étaient pourtant les victimes absolues : après avoir été persécutés, spoliés, marginalisés, avant d’êtres déportés et massacrés, les survivants, incommensurablement traumatisés, erraient parmi les ruines du vieux continent. Leurs pays d’origine, lieux d’années de persécutions et de souffrances sans nom, leur étaient devenus étrangers. Aujourd’hui, par un hideux retournement des rôles, certains milieux voudraient nous présenter ces mêmes Juifs – devenus Israéliens – comme étant la personnification du mal absolu, c’est-à-dire du racisme et du colonialisme. Ces milieux « bien pensants » remettent même en cause la légitimité de l’Etat d’Israël.

S’il est un conflit qui déchaîne les passions, c’est bien celui du Moyen-Orient.   Il est bien difficile de rester objectif. Pour les uns, les autres sont des terroristes, alors que pour ces derniers et leurs soutiens en Occident, les premiers ne sont que des colons racistes. Pourtant, la vérité n’appartient ni aux uns ni aux autres. Elle se situe quelque part entre la version des uns et celle des autres.

Est-il donc si difficile d’accepter que cette terre, située entre Jourdain et Méditerranée, est la patrie ancestrale et spirituelle des Juifs ? Faut-il absolument être un Juif orthodoxe ou un Chrétien fondamentaliste pour accepter le caractère hébraïque de Jérusalem, de Jéricho ou de Nazareth ? Peut-on vraiment nier l’histoire de cette terre, quel que soit le nom que l’on veuille bien lui donner ? Certes, au fil des siècles, cette même terre est aussi devenue la patrie d’autres peuples, venus plus tardivement. Il n’en reste pas moins que ce pays a un passé juif, lointain et proche. Depuis Jésus, cette contrée a également une grande importance spirituelle pour les Chrétiens de toute obédience. Bien des siècles après Jésus, le prophète de l’Islam rêva de Jérusalem. Pour cette raison, cette ville est également devenue un lieu saint pour les centaines de millions de croyants musulmans. Tout cela devrait être pris en compte et respecté, même par les athées et autres agnostiques de tous bords. Nul ne pourra comprendre la complexité du problème s’il n’accepte de prendre d’abord en considération le lien très fort, parfois même irrationnel, qui lie les Juifs à la cette terre que les plus croyants d’entre eux pensent avoir reçu de Dieu. Pendant des siècles et des siècles, des générations de Juifs de la diaspora ont répété « l’an prochain à Jérusalem ». Depuis plus d’un siècle, nombre d’entre eux ont fait leur alia et, de nos jours, des millions de Juifs sont des citoyens de l’Etat d’Israël, avec leur chère Yerushalaïm pour capitale. Peut-on décemment leur dire, 63 ans après la renaissance de leur Etat, que cette terre n’est pas la leur et que la partie orientale de Jérusalem, où se trouvait le temple de leurs pères, celui qui abritait l’Arche d’Alliance, doit devenir la capitale d’un Etat arabe et qu’ils doivent cesser d’y vivre et d’y construire ? De la même manière, comment peut-on dire aux Chrétiens qu’ils n’ont aucun droit sur cette contrée, lieu de la naissance, du ministère public, de la Passion et de la Résurrection de leur Sauveur ? Il serait également inacceptable de prétendre que les Arabes musulmans et chrétiens, nés sur cette terre, soient des étrangers qui devraient céder la place à d’autres : leurs ancêtres ont travaillé cette terre, ils y ont planté des oliviers dont ils ont récolté les fruits pendant des générations, ils y ont été enterrés. Ce pays est incontestablement le leur, à eux aussi !

A ce point de mon propos, je tiens à faire un rapide rappel historique, souvent méconnu. Contrairement à l’Etat d’Israël ou la Palestine moderne, le pays des Hébreux, ainsi que la Palestine romaine, s’étendaient sur les deux rives du Jourdain, et non sur la seule rive occidentale de cette rivière. Durant les périodes arabes et ottomanes, la Palestine n’existait pas. Elle constituait une partie de la province de Syrie. La Palestine fut « ressuscitée » après la Première Guerre Mondiale, lors de l’établissement du mandat britannique. C’est alors que la Palestine perdit la rive orientale du Jourdain et qu’elle prit sa dimension moderne, à savoir celle d’un territoire limité par la Méditerranée à l’ouest et par le Jourdain et la mer Morte à l’est, et qu’une nouvelle entité apparut sur la carte du monde : la Transjordanie, c’est-à-dire la Jordanie actuelle. Cette dernière est  constituée d’une partie de l’antique pays des Hébreux, ou de la Palestine romaine. Il est donc possible d’affirmer que, lors de l’établissement du mandat britannique, un premier partage de la Palestine historique avait été effectué, et que ce partage permit à un Etat arabe de voir le jour : le Royaume Hachémite de Jordanie. Aucun gouvernement israélien n’a jamais revendiqué la portion de l’ancien royaume de Salomon située à l’est du Jourdain. Ce que l’on a tenté de faire en 1948 et ce que les partisans de l’Etat palestinien vont tenter de faire en septembre prochain constituerait donc un second partage de la Palestine historique, afin de créer sur son sol un second Etat arabe.

Ce n’est que lorsque ces réalités auront été comprises et acceptées par les uns et par les autres qu’un modus vivendi, acceptable par tous, pourra être recherché. On ne répare pas les injustices du passé en en créant de nouvelles dans le temps présent.

Une certaine propagande militante, de plus en plus insistante, cherche à réécrire l’histoire et à faire porter tous les torts aux seuls Juifs. Or, ceux qu’il est convenu d’appeler les « Palestiniens », ainsi que leurs voisins des autres pays  de la région, ne sont pas exempts de reproches, eux non plus. Non, les Israéliens n’ont pas brutalement chassé des « millions » de Palestiniens en 1948, comme on veut bien nous le laisser croire. Pourquoi oublier de rappeler que le plan onusien de partage de la Palestine fut accepté par les autorités sionistes et rejeté par le monde arabe, et que ce rejet fut la cause du premier conflit israélo-arabe (15 mai 1948 – 10 mars 1949) ? Ce conflit, qui fit des milliers de victimes de part et d’autre, causa l’exode de moins de 700 000 habitants arabes de Palestine. Une partie de cette population quitta ses villes et ses villages de leur propre initiative, intoxiquée par les radios arabes leur annonçant que les Juifs allaient les massacrer et leur promettant que les armées arabes allaient rapidement rejeter les Juifs à la mer. Mais il est également vrai que de nombreux civils palestiniens furent contraints de prendre la route par des militaires de la jeune armée israélienne, ou par des groupes armés juifs extrémistes.  Aujourd’hui, en 2011, les descendants de ces 700 000 Palestiniens se comptent effectivement par millions. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ceux qui trouvèrent refuge dans les pays arabes voisins (Liban, Syrie et Jordanie principalement) ne furent jamais intégrés, malgré la communauté de langue, de culture et, pour la plupart, de religion. 63 années après l’exode, ces réfugiés, pourtant pour la plupart nés dans ces pays, continuent à être assistés par une agence des Nations Unies spécialement créée pour eux en 1948 ! Il s’agit là d’un exemple unique au monde de non intégration. Les millions d’Allemands de Silésie, de Prusse Orientale et des Sudètes ont tous été intégrés dans l’Allemagne post Seconde Guerre Mondiale, pourtant dévastée, ruinée et divisée, sans l’assistance de l’ONU. La France de 1962, dans l’urgence et la désorganisation, a su, elle aussi, intégrer son million de Français d’Algérie, sans aide onusienne ; elle a même – souvent mal – accueilli des milliers de Français musulmans qui s’étaient battus pour elle durant cette sale guerre d’Algérie, ainsi que leurs familles. Dans des temps plus reculés, l’Afrique du Nord avait su intégrer les Musulmans chassés d’Espagne par la « Reconquista ». De nombreux pays d’Europe, ainsi que ce qui n’était pas encore appelé l’Afrique du Sud, accueillirent au XVIIe siècle les Protestants français chassés de leur patrie par l’intolérance religieuse du « Roi Soleil ». On pourrait multiplier les exemples historiques d’intégrations de populations contraintes de quitter leurs terres ancestrales.

Pourquoi parle-t-on tant des « réfugiés » palestiniens alors que l’on ne parle jamais des réfugiés juifs ? Lorsque j’évoque les « réfugiés juifs », je ne pense pas seulement aux centaines de milliers de Juifs qui durent fuir l’Europe, que ce soit à l’époque des tsars, à celle du nazisme ou à celle du communisme. Je pense aussi aux centaines de milliers de Juifs qui durent quitter les pays arabes après la création de l’Etat d’Israël. Nombre de ces Juifs auraient bien voulu continuer à vivre paisiblement au Yémen, en Irak, en Egypte, en Algérie ou ailleurs, comme ils le faisaient depuis des siècles. Mais l’hostilité des autorités de ces pays à l’égard d’Israël et la propagande incessante qui y était associée finit par rendre leur vie dans ces pays impossible, et ils furent contraints à tout abandonner pour démarrer une nouvelle vie en « terre promise ». Ces Juifs furent eux aussi spoliés, comme les Arabes de Palestine qui durent s’exiler en 1948. Mais, à la différence de ces derniers, ils furent rapidement intégrés dans leur nouveau pays, sans aucune assistance de l’ONU.

Par ailleurs, 20% de la population d’Israël (en excluant la Cisjordanie et Gaza) est issue de cette population non juive qui vivait en Palestine avant la création de l’Etat juif. Ces Arabes israéliens, musulmans ou chrétiens, sont des citoyens à part entière, et ils élisent des représentants à la Knesset. Certains ont même fait partie de gouvernements israéliens. Leur niveau de vie est certainement supérieur à celui des habitants des pays arabes de la région. Certes, tout n’est pas rose dans leur vie quotidienne, mais cela est également le cas pour nombre d’Israéliens juifs défavorisés, comme on l’a vu lors des récentes manifestations qui ont occupé les rues des grandes villes d’Israël pendant des semaines. En France, le processus d’intégration des minorités juive et protestante a duré des siècles, et l’intégration des populations originaires du Maghreb ne se fait pas sans heurts, encore de nos jours. On ne peut donc pas s’attendre à ce qu’un jeune Etat comme Israël, en situation de guerre continue avec ses voisins depuis sa création, puisse réussir une intégration parfaite de sa population arabe en seulement six décennies. L’intégration ne se décrète pas. Elle est l’aboutissement d’un long processus qui s’étend sur plusieurs générations. Ce fut le cas en France, ce sera aussi le cas en Israël.

1948 fut une occasion manquée. Les hommes de paix et de dialogue, de part et d’autre, ne furent pas écoutés. L’opinion arabe avait été montée contre les Juifs par le grand Mufti de Jérusalem, qui, sans doute, croyant en l’adage selon lequel « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », n’hésita pas à s’allier à Hitler durant la Seconde Guerre Mondiale. Certains dirigeants juifs extrémistes n’étaient guère enclins, eux aussi, au dialogue. Par la suite, le nationalisme arabe exacerbé de Nasser et de sa radio chauffaient à blanc la fierté retrouvée des masses arabes, de l’océan au golfe ; cela rendit inconcevables toute possibilité de dialogue entre modérés des deux bords.

Aujourd’hui, on voudrait nous présenter les Juifs d’Israël comme des « colons » spoliateurs de terres palestiniennes. On oublie de préciser qu’une grande partie de ces terres sur lesquelles les Juifs d’Europe s’installèrent de la fin du XIXe siècle jusqu’à la création de l’Etat d’Israël furent en fait achetées par des philanthropes juifs, tels que les Rothschild. Elles ne furent pas volées, mais achetées à leurs propriétaires de l’époque.  On met l’accent sur l’immigration juive de cette période, alors que l’on occulte l’autre immigration qui se déroula durant la même période : celle des dizaines de milliers d’Arabes qui vinrent en Palestine, après la Première Guerre Mondiale, à la recherche de travail. L’installation de ces Arabes-là, qui n’étaient pas Palestiniens, était-elle davantage « légitime » que celle des Juifs d’Europe ?

Autre chose que les partisans d’un Etat palestinien oublient de nous préciser. Ils nous affirment que cet Etat devra s’étendre sur la Cisjordanie et la bande de Gaza. Pourquoi ne pas nous rappeler que ces deux territoires étaient sous administration arabe jusqu’en juin 1967 : la Cisjordanie était jordanienne alors que Gaza était égyptienne. Pourquoi, entre 1948 et 1967, n’a-t-on pas eu l’idée de créer un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza ? Cela eut été plus facile à l’époque qu’aujourd’hui.

On reproche souvent  aux Israéliens de refuser le dialogue avec les Palestiniens. Or, le refus de dialogue est surtout venu du côté arabe, depuis 63 années. Aujourd’hui encore, la charte du Hamas, mouvement que certains voudraient nous présenter comme une respectable organisation résistante, prévoient la destruction d’Israël et l’établissement d’un Etat islamique du Jourdain à la mer. Il n’est pas facile de dialoguer avec quelqu’un qui souhaite votre destruction ! Il ne faut pas non plus oublier la mentalité particulière des Israéliens, faite d’un inconscient collectif construit pendant des siècles de vie ghettoïsée, rythmée par les pogroms, par la marginalisation et par la stigmatisation. Cet inconscient collectif est aussi le résultat de 63 années de vie dans un pays aux frontières non reconnues par ses voisins, par un état de guerre qui perdure et qui fut marqué par cinq guerres meurtrières. Les Israéliens ont donc sans doute développé une mentalité d’assiégés, faite de méfiance à l’égard de leur environnement immédiat. Peut-on réellement le leur reprocher ?

Les Israéliens ont aussi le sentiment que le monde entier refuse de les comprendre, et qu’il est toujours prompt à les accuser. La mort filmée du petit Mohammed al-Doura à Gaza, en septembre 2000, a suscité, avec raison, une vague d’indignation mondiale. Cependant, il n’a toujours pas été prouvé que cet enfant fût la victime de tirs de soldats israéliens. Par contre, le massacre d’Itamar n’a eu aucun écho médiatique en dehors d’Israël. De quoi s’agissait-il ? Dans la nuit du 11 au 12 mars 2011, cinq membres de la famille Fogel ont été assassinés à l’arme blanche par deux jeunes Palestiniens de 18 et 19 ans. La plus jeune de leurs victimes était un bébé de 3 mois. Les autres étaient les parents et leurs deux autres enfants, âgés de 11 et 4 ans. Les deux assassins, arrêtés le mois suivant, n’ont exprimé aucun remord et ont déclaré avoir voulu mourir en martyr. Devient-on un « shahid » en égorgeant des enfants ? Pourquoi ce drame n’a-t-il eu aucune couverture médiatique en Occident et dans le reste du monde, alors que la mort du petit Mohammed fut surmédiatisée ? Ne s’agit-il pas d’un cas de « deux poids, deux mesures » flagrant ? On pourrait multiplier les exemples de ce genre. Et souvent, les auteurs d’actes aussi odieux que celui d’Itamar sont glorifiés et présentés à l’opinion palestinienne comme des héros, voire des martyrs de la cause.

Autre exemple de la partialité de la couverture médiatique lorsqu’il s’agit du conflit israélo-palestinien : pourquoi toujours évoquer ces territoires occupés (Cisjordanie et Gaza) alors qu’il n’est jamais fait mention de territoires occupés par d’autre nations ? Qui, parmi mes lecteurs, a entendu parler de la Nouvelle-Guinée Occidentale ? Cet ancien territoire néerlandais presque aussi vaste que la France fut occupé et annexé illégalement par l’Indonésie en 1963, et rebaptisé « Irian Jaya ». Depuis, des centaines de milliers de colons javanais y ont été installés, et de nombreux autochtones papous ont été dépossédés de terres qui étaient les leurs depuis des dizaines de milliers d’années. La grande forêt néoguinéenne est peu à peu défrichée, afin de faire de la place pour les plantations de palmiers à huile. Qui s’est ému, en Occident ou ailleurs, du sort des malheureux Papous ?

Plus près de nous, il y a l’île de Chypre. En 1974, ce pays indépendant a été envahi militairement par la Turquie. Depuis, le tiers nord de cet Etat membre de l’Union Européenne est toujours occupé. Les Turcs ont été jusqu’à y proclamer une soi-disant « République Turque de Chypre du Nord », qui n’est reconnue par aucun pays au monde, mis à part la Turquie, bien sûr. Des dizaines de milliers de paysans d’Anatolie y ont été envoyés afin de coloniser des terres qui appartenaient aux Chypriotes grecs chassés en 1974 par l’armée turque. Pourquoi l’action de la Turquie à Chypre est-elle aussi rarement dénoncée ? Pourquoi se solidarise-t-on aussi peu des dizaines de milliers de Chypriotes grecs originaires du nord qui ont dû abandonner maisons et terres pour aller se réfugier au sud de l’île ?

La demande du premier ministre Netanyahou d’une reconnaissance du caractère « juif » de l’Etat d’Israël par l’Autorité Palestinienne est régulièrement dénoncée. Par contre, le fait que les constitutions des 21 pays qui forment le « Monde arabe » définissent ces pays comme des Etats « arabes » ne semble choquer personne. Presque toutes ces constitutions reconnaissent même l’Islam comme « religion d’Etat », alors que certains de ces pays, comme l’Egypte, l’Irak ou la Syrie, ont de fortes minorités chrétiennes. Là encore, n’assiste-t-on pas à la manifestation d’une certaine indignation sélective, de la part de ce qu’il est convenu d’appeler « l’opinion internationale » ?

Je voudrais aussi évoquer ici les manuels d’histoire financés par l’ONU et utilisés dans les écoles palestiniennes, qui incitent les enfants à la haine d’Israël, en leur présentant une version déformée, voire mensongère, du conflit israélo-palestinien. Certes, l’érection d’un mur par Israël – pour des raisons sécuritaires – ne favorise guère les relations entre Juifs et Arabes. Cependant, à l’âge de l’internet, il faut espérer que jeunes Israéliens et Palestiniens intensifieront leurs contacts et apprendront à se connaître, voire même à se respecter, au-delà des clichés véhiculés par leurs aînés.

On ne choisit pas ses voisins. C’est également vrai pour les Israéliens et pour les Palestiniens. Ces deux peuples sont condamnés à vivre ensemble, pour le meilleur et pour le pire. On a déjà vu le pire, il faut donc espérer que le meilleur est à venir. Le meilleur sera peut-être incarné par quelques personnalités, tant israéliennes que palestiniennes. On pourrait citer Mgr Elias Chakour, ce courageux prêtre arabe israélien qui, depuis plusieurs décennies, s’ingénie à faire étudier ensemble des enfants juifs, chrétiens et musulmans. Il faudrait aussi mentionner Josef Avesar, cet avocat israélien qui consacre toute son énergie à la promotion d’un projet de « Confédération Israélo-Palestinienne ». Un tel projet peut paraître utopique. Il l’est certainement moins que le concept de « deux Etats », aujourd’hui soutenu par de nombreux gouvernements à travers le monde. Il suffit de jeter un coup d’œil à une carte pour comprendre que ce concept de deux Etats est parfaitement utopique. Rappelons quelques éléments du problème :

–          La superficie totale d’Israël-Palestine est de 20 770 km², soit l’équivalent de quatre ou cinq départements français.

–          70 km environ séparent le Jourdain de la mer Méditerranée.

–          Il n’y a que 18 km entre la ligne de cessez-le-feu d’avant juin 1967 (qui devrait devenir la frontière séparant les deux Etats) et les plages de Tel Aviv.

–          Une quarantaine de km de territoire israélien séparent la bande de Gaza de la Cisjordanie (ces deux territoires devant constituer le futur Etat palestinien)

–          La quasi-totalité des lieux importants de l’histoire biblique, et donc à forte connotation religieuse et sentimentale pour les Juifs, est située en Cisjordanie et à Jérusalem-Est (dont on voudrait faire la capitale du futur Etat palestinien) : le Kotel (« mur des Lamentations »),  le mont du Temple, le tombeau des Patriarches (qui se trouve à Hébron), le tombeau de Joseph, etc.

–          Ramallah et Bethléem se trouvent aujourd’hui dans la banlieue de Jérusalem.

Les exemples donnés ci-dessus indiquent clairement que la ligne de cessez-le-feu d’avant juin 1967 ne pourra jamais constituer une frontière sûre et viable, tant pour l’Etat d’Israël que pour un éventuel Etat palestinien.  Je crois donc fermement en la solution confédérale d’un Etat d’Israël-Palestine unique, qui comprendrait des cantons arabes et des cantons juifs et où les citoyens juifs, musulmans et chrétiens pourraient vivre et circuler librement. On remarquera que j’insiste sur la dimension chrétienne du problème. On résume trop souvent ce dernier à une question israélo-palestinienne ou, pire, judéo-musulmane. Or, depuis le temps des Apôtres, ce pays a toujours eu une population chrétienne importante. La radicalisation islamiste progressive du mouvement national palestinien remet en cause la survie même de cette vieille communauté. De plus en plus marginalisés, les Chrétiens palestiniens préfèrent souvent tenter de refaire leur vie ailleurs, aux Etats-Unis ou en Europe. Des villes comme Bethleem ou Nazareth, qui avaient une forte proportion chrétienne au sein de leur population, sont à présent largement musulmanes. La rapide disparition des Chrétiens de la terre du Christ ne constitue-t-elle pas un aspect caché de ce conflit, mais néanmoins révoltant ? Un Etat confédéral assurerait certainement l’avenir de cette minorité, aux côtés des communautés juives et musulmanes.

Pour toutes ces raisons, je suis résolument contre la création d’un second Etat en Israël-Palestine. Une telle création ne pourrait que compliquer un problème déjà fort complexe, sans le résoudre, puisque une portion non négligeable de la mouvance nationale palestinienne ne se contentera jamais de la Cisjordanie et de Gaza : les leaders du Hamas et d’autres groupes ne font pas mystère de leur rêve d’établir un Etat palestinien islamique sur la totalité de l’ancienne Palestine sous mandat britannique. Un tel « rêve » constitue précisément le cauchemar des autres, de tous les autres : celui des Juifs, mais aussi celui des Chrétiens !

Hervé Cheuzeville, 7 août 2011

 

(Auteur de trois livres: « Kadogo, Enfants des guerres d’Afrique centrale« , l’Harmattan, 2003; « Chroniques africaines de guerres et d’espérance« , Editions Persée, 2006; « Chroniques d’un ailleurs pas si lointain – Réflexions d’un humanitaire engagé« , Editions Persée, 2010)

 

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