Burundi: Tradition de dialogue, besoin d’une médiation
Le 2 juillet dernier, j’étais encore à Gatumba. Vous quittez la route pour Uvira à gauche, quelque part entre le delta de la Rusizi et la frontière congolaise, vous arrivez sur une plaine entièrement composée de restaurants mobiles et démontables en trois minutes. Juste un écran de paille et des nattes qui vous permettent de dévorer à l’aise votre brochette et votre bugari (pâte). Mais le 18 septembre, le souvenir paisible que j’avais sur Gatumba a été cruellement bousculé par une attaque brutale dans un bar, faisant plus de quarante morts et encore plus de blessés. D’ailleurs, la première fois que j’ai visité Gatumba était en juin 2004, sept semaines avant un autre massacre dans les camps de réfugiés congolais.
Ne nous trompons pas : le Burundi n’est pas paisible. Le pays a vécu des générations de conflit et une décennie de guerre ouverte, mais depuis lors, il a fait un parcours remarquable pour tourner la page du conflit. Maintenant, il devrait entamer la lutte contre les causes profondes de ce conflit, en commençant par la pauvreté et la mauvaise gouvernance. La violence dans tout le pays, qui restait jusqu’au 17 septembre peut-être en dessous du radar de la presse internationale, montrait quand même quotidiennement que la page n’était pas tournée. Comme je l’ai expliqué dans l’éditorial de ce bulletin en juillet dernier, la situation devenait plus compliquée parce que, aussi bien du côté du pouvoir que du côté de l’opposition, les radicaux semblaient en train de prendre le devant par rapport aux modérés, ceux qui sont ouverts au dialogue. Dans ce contexte précaire, l’attaque du 18 septembre 2011 tombe comme une vraie déclaration de guerre.
Le Burundi n’est pas un pays avec des richesses minérales spectaculaires, mais le pays a des atouts à ne pas sous-estimer. Pour moi, le fonds d’investissement le plus important pour le futur du pays est le fait que la population se rend compte qu’une guerre n’est pas gagnable. Qu’aucun parti dans aucun conflit ne pourra détruire définitivement son adversaire par la force. Qu’ils sont condamnés à vivre ensemble et de chercher l’équilibre dans le dialogue. Les Burundais savent que leurs guerres n’ont eu que des perdants. C’est la première leçon à tirer de l’histoire récente du pays.
Mais l’histoire nous apprend aussi que le pays a toujours eu besoin d’un encadrement tiers avant de matérialiser le dialogue. EurAc et Forsc viennent de publier une déclaration dans laquelle nous exprimons qu’un désinvestissement des partenaires internationaux serait désastreux pour le processus de paix et pour les perspectives de développement. Mais j’utilise cet espace qu’un éditorial me donne pour rappeler que le Burundi a pu compter sur la médiation, fournie par des personnalités de la sous-région, du continent ou d’ailleurs. C’est pourquoi, aujourd’hui, le Burundi a besoin d’une initiative de haut niveau, portée par les Nations Unies et les Unions africaines et européennes pour encadrer les acteurs politiques et militaires à entamer le dialogue sans lequel le pays glissera de nouveau dans une guerre qui, une fois de plus, n’aura pas de gagnants.
Kris Berwouts
Directeur
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