De Kamuzu Banda à Mouammar Kadhafi, deux dictateurs, deux façons de faire

Kamuzu-Memorial-Lilongwe-Malawi

Je me suis souvenu, ce matin, du joli mausolée d’Hastings Kamuzu Banda, à Lilongwe, la capitale du Malawi. A deux pas du nouveau Parlement du pays, dont la construction a été entreprise par les Taïwanais et achevée par les Chinois « populaires », se trouve ce monument à l’architecture simple mais harmonieuse. Là repose le père de l’indépendance du pays. Le Dr Banda dirigea le Malawi de manière despotique de 1963 jusqu’à 1994. Son régime prit fin avec la vague démocratique qui, après avoir balayé toute l’Afrique subsaharienne, finit par atteindre ce petit pays d’Afrique australe. Après avoir perdu son titre de « président à vie », le quasi centenaire Kamuzu Banda fut battu lors des premières élections présidentielles libres organisées au Malawi. Ses dernières années furent bien tristes : vilipendé par le nouveau pouvoir, placé en résidence surveillée, jugé pour le meurtre d’opposants, il acheva sa longue existence dans l’opprobre, en 1997, rejeté par la majorité de la population du pays.

L’actuel président du Malawi, dans un souci de réconciliation nationale, lui fit construire un mausolée, près de dix années après son décès. Cet endroit, ouvert au public, voit défiler chaque jour des groupes d’écoliers ou d’étudiants, qui tentent de découvrir une époque révolue qu’ils n’ont pas connue. Il n’y a pas de nostalgie déplacée dans la démarche des visiteurs, mais plutôt une reconnaissance de la place que Kamuzu Banda occupe dans l’histoire du pays. On n’ignore pas la répression, le culte de la personnalité, la peur, qui caractérisèrent les trois décennies du règne du Dr Banda, mais on sait aussi reconnaître le rôle éminent joué par ce dernier dans l’histoire de cette jeune nation.

Pourquoi évoquer le « Kamuzu Memorial », en cette pluvieuse matinée d’octobre ? Parce que, en me réveillant, ce matin, j’ai appris que le colonel Mouammar Kadhafi venait d’être enterré de nuit, dans un lieu tenu secret, au milieu du désert. Après avoir été sommairement exécuté juste après sa capture, après que son cadavre sanglant eut été outragé et exposé à la vindicte populaire des jours durant, l’ancien « Guide » a donc été enterré comme un chien, en contravention avec les préceptes de l’Islam. Même Ceausescu avait eu le droit à une sépulture décente, après une fin pourtant presque aussi ignominieuse et expéditive que celle de Kadhafi.

Mouammar Kadhafi appartient à l’histoire de la Libye, pour le meilleur et pour le pire. Je ne parviens pas à oublier le jeune officier idéaliste qu’il fut, à son arrivée au pouvoir en 1969. Certes il est ensuite  devenu un tyran de plus en plus mégalomane, durant son trop long règne de 42 années. Mais il a su redonner une certaine fierté aux Libyens en fermant les bases militaires étasuniennes et britanniques, en imposant sa volonté aux grandes compagnies pétrolières et en modernisant son pays, en donnant accès à l’éducation à tous et à toutes. L’argent du pétrole lui a aussi permis de jouer un rôle démesuré sur la scène internationale.

Pour toutes ces raisons, je persiste à penser que Mouammar Kadhafi aurait dû être inhumé dignement, dans un lieu connu de tous, dans sa ville natale de Syrte. Les nouveaux dirigeants libyens ne parviendront pas à effacer 42 années de l’histoire de leur pays, d’autant que nombre d’entre eux jouaient déjà un rôle important sous le régime kadhafiste. Les générations futures devront savoir ce que fut cette époque, elles devront avoir conscience des réussites du régime Kadhafi mais aussi de ses errances et de ses excès, afin de parvenir à en tirer les leçons pour l’avenir.

Kadhafi est mort, son régime n’est plus, mais le « bouillant colonel » appartient désormais à l’Histoire, qui, n’en doutons pas, saura le juger.

Hervé Cheuzeville, 25 octobre 2011

 

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