Actualité des Grands-Lacs – Semaine du 24 au 30 décembre 2011
En RDC, alors que l’on note une reprise de travail dans l’administration centrale, la situation politique est loin d’être normalisée. Etienne Tshisekedi, pratiquement assigné à résidence, bien qu’en fin de semaine le ministre de l’Intérieur annonçait une levée du dispositif sécuritaire autour de sa résidence, a prêté serment à son domicile en présence d’une centaine de ses militants. Peu après, la représentation de son parti aurait été saccagée par des policiers selon les dire du secrétaire général de l’UDPS.
Au Kasaï Occidental, où l’on assiste à des affrontements entre Lulua et Bakuba en territoire de Mweka et à des luttes tribales en territoire de Dimbelenge, un sous commissariat de police aurait été détruit, dans la foulée de la prestation de serment, par des hommes armés se disant être des « combattants de l’UDPS ». Dans une localité proche de Mbuji-Mayi, où les bureaux administratifs, les écoles et les marchés sont fermés, un autre sous commissariat de police a été saccagé dans ce contexte. L’UDPS et ses alliés demandent à la MONUSCO de « protéger les populations », en particulier les Baluba, contre ce que l’UDPS prétend être des « escadrons de la mort ».
En ce qui concerne la publication des résultats des élections législatives, le comportement de la CENI paraît erratique. La compilation des résultats a été dans un premier temps suspendue, ce qui devrait entraîner un report des résultats au-delà du 12 janvier. Cette suspension est liée à des consultations entre la CENI et des experts anglais et américains qui devraient l’assister dans la compilation, mais sans doute pas avant le début janvier 2012 pour ce qui regarde les Américains, une intervention que la majorité présidentielle juge inopportune, tandis que la nouvelle société civile menace de traduire la CENI en justice si elle ne « revoie pas sa façon de travailler ». Quant à la MONUSCO, contactée par la CENI pour assister à la supervision des élections législatives, elle a fait savoir que cette demande ne rentrait pas dans le cadre de son mandat qui vise avant tout à la protection des populations avec des moyens qui sont cependant limités.
Dans un second temps, la CENI, qui a fait arrêter une dizaine de ses agents électoraux pour infractions aux règles des scrutins et dont les chefs de centre dans les deux Kasaï réclament leurs primes, a repris les compilations dont les résultats ne seraient pas contestés par les intéressés, sans attendre l’arrivée des experts étrangers. Les nouveaux résultats publiés sur le site de la CENI indiquent que le Premier ministre a été élu à la députation, mais que trois ministres dont celui des Affaires Etrangères, des Sports et de l’Environnement n’ont pas été élus. (Les calculs que nous avons pu effectuer sur les 146 députés déclarés élus jusqu’ici sur le site de la CENI, mais qui ne portent pas sur les grandes villes, indiquent toujours une poussée des partis liés à la majorité présidentielle (83 députés dont 22 seulement du PPRD, ce qui indique que la stratégie d’ « attrape tout » de la part du pouvoir a été payante). L’opposition ne représente à ce stade que 46 membres dont 16 relevant du groupe UDPS et alliés. Quant au renouvellement, il est toujours significatif : 38 députés seulement ont été reconduits – NDA).
La période post-électorale s’accompagne, on l’a vu, de plusieurs accusations sur les atteintes graves aux droits humains. Pour ce qui regarde celle d’Amnesty International (voir notre précédente livraison), le ministre de la Justice réclame que l’organisation lui présente des preuves. Par ailleurs, « Journaliste en Danger », qui demande la dissolution du Conseil supérieur de l’audiovisuel lequel promet des changements d’ici quatre ans, évoque une répression sans précédent contre la presse dont la moitié a eu lieu en période électorale) : cette semaine, une radio partenaire de Radio Okapi, accusée de véhiculer des « propos incendiaires », a été interdite d’émettre.
En matière d’information, le gouvernement a finalement levé sa mesure de blocage des SMS lequel a fortement perturbé la vie économique et sociale : le ministre de la Justice rappelle aux opérateurs qu’ils doivent identifier tous leurs abonnés pour faciliter les enquêtes sur les « délits sécuritaires ». Dans le domaine de la justice militaire, le tribunal de grande instance de Bukavu a acquitté onze manifestants de l’opposition accusés de « participation criminelle à la rébellion ». Enfin, le procès des membres d’un mouvement militant pour l’indépendance du Katanga, le CORAK, a débuté devant le tribunal militaire de Lubumbashi.
En ce qui concerne la sécurité à l’est du pays, on signale la révolte d’un groupe de policiers de Beni qui disent ne pas avoir reçu leur solde. Toujours au Nord Kivu, un nouveau groupe de Maï-Maï, prénommé « Guides » s’est affronté avec les FDLR et d’autres Maï-Maï en territoire de Walikale, tandis que des policiers non intégrés à la PNC imposent des taxes arbitraires en territoire de Masisi. Au Sud Kivu, des bandits ont dévalisé un minibus en territoire de Walungu.
Dans le domaine économique et financier, une ONG des droits de l’homme basée à Lubumbashi accuse cinq entreprises minières de ne pas tenir compte du principe de consultation des populations locales dans les lieux où elles sont implantées. Par ailleurs, le ministre de l’Information a répondu aux déclarations de la directrice du FMI qui conditionne son assistance à la RDC au respect de l’état de droit et au bon déroulement des élections.
Au Burundi, une première a eu lieu en matière de justice : l’ouverture d’un procès à l’encontre de 23 personnes accusées de terrorisme, dont un correspondant de RFI.
Au Rwanda, le secrétaire général du FDLR, Callixte Mbarushimana, acquitté à la CPI, a été transféré en France où il lui a été notifié une nouvelle charge : son implication dans le génocide de 1994.
Kris Berwouts
EurAC
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