Actualité des Grands-Lacs / Semaine du 31 décembre 2011 au 6 janvier 2012

En RDC, les contestations de toutes sortes sont toujours de mise à propos des élections du 28 novembre dernier. Sans attendre la mise au travail des experts américains qui sont arrivés en RDC pour examiner la « faisabilité » d’une révision du processus de compilation, la CENI a publié les résultats des législatives pour 89 des 169 circonscriptions électorales, résultats qui donnent une large majorité au parti du président sortant et à ses satellites. Le recours aux experts extérieurs pour un recomptage des votes est refusé par le parti d’Etienne Tshisekedi, dont le fils met en cause le ministre belge des Affaires Etrangères lequel ne remet pas en cause l’ordre des résultats et qui réclame aussi, à l’instar d’un député belge, appartenant à un petit parti de droite non représenté au Parlement belge, le recomptage des votes pour les élections présidentielles ou, à défaut, un second tour. Ce recomptage a été en définitive accepté pour les législatives par le MLC bien que certains sénateurs de ce parti ainsi que des membres de la majorité présidentielle aient exprimé certaines réticences. Au niveau de la société civile, on notera aussi que celle de Gungu dans la Bandundu l’exige également du fait des accusations de fraude de certains chefs de centres de compilation. Parmi les autres contestations, on signalera aussi que 300 témoins du PPRD de Bunia exigent le paiement de leurs primes de prestation restées impayées et que le président et le rapporteur adjoint d’un centre de compilation de Gungu au Bandundu ont démissionné et abandonné leur poste suite aux pressions et menaces de responsables politiques. Enfin, à l’étranger, une centaine de manifestants de la diaspora chrétienne ont manifesté pacifiquement à Bruxelles contre les résultats officiels : cette manifestation interdite a donné lieu à une quinzaine d’arrestations administratives.

Mais la contestation la plus violente s’est produite en France où le candidat évincé et toujours président du Sénat, Kengo wa Dondo, en visite privée à Paris, a été violemment agressé, par des « résistants-patriotes » congolais, ce qui a créé un vif émoi au Parlement congolais lequel a protesté contre le « laxisme de certains pays européens » et a entraîné une convocation de l’ambassadeur de France à Kinshasa. À cette occasion, l’ancien conseiller et redouté chef de la Sûreté de Mobutu, Honoré Ngbanda, président d’un parti de l’opposition extérieure et qui réside à Paris, a été mis en cause, tandis que l’UDPS dément être impliquée dans cette agression que le parti condamne.

Aucun apaisement ne se profile du côté des deux principaux protagonistes d’élections entachées d’irrégularités et de désordre. Le président réélu, qui selon un rapport de l’ONU, a bénéficié du soutien de structures parallèles d’anciens officiers rebelles du CNDP lesquels ont incité les populations du Nord Kivu à voter pour lui, a prononcé ses vœux de fin d’année en soulignant la « cohésion nationale » et la « continuité », tandis qu’Etienne Tshisekedi déclare qu’ « il n’y a pas de crise en RDC » et appelle les forces de sécurité à lui obéir en tant que président légitime. Le fait que RFI ait mis en évidence les deux discours en parallèle a vivement mécontenté le ministre des Communications qui, l’accusant d’ « incitations à la haine », a coupé provisoirement le signal de cette radio : la France n’a réagi qu’en soulignant son « attachement » à la liberté de presse et en confirmant qu’une enquête allait être diligentée sur l’agression dont le président du Sénat congolais avait été victime, alors que les Etats-Unis ont invité les autorités congolaises à rétablir « immédiatement » le signal. À propos des Etats-Unis, on notera cette réaction de l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, très déçu par la situation politique issue de ces élections et selon lequel le président sortant « peut et doit rester au pouvoir », mais doit « nettoyer » son entourage marqué par la corruption.

Pendant ce temps, à l’est du pays, on note une recrudescence de l’insécurité dans le Kivu. Au Nord, une conflit armé a eu lieu entre agriculteurs, « protégés » par les FARDC, et éleveurs en territoire de Masisi. Dans le territoire de Walikale, les FDLR se sont affrontés à la nouvelle milice locale, dénommée « Guides » et à une autre nouveau groupe armé, le FDC. Par ailleurs, des coupeurs de route ont sévi sur les axes Beni – Butembo et Beni – Kasindi. Au Sud Kivu, les mêmes FDLR ont tué 39 personnes en territoire de Shabunda où « ils tirent sur tout ce qui bouge » en représailles contre un soutien que les populations apporteraient à une milice d’autodéfense locale. En territoire de Kabare, de violentes échauffourées ont eu lieu entre policiers et populations à propos d’une femme accusée de sorcellerie. En dehors de cette région, on signalera également des affrontements ethniques en territoire de Dimbelenge au Kasaï Occidental, affrontements qui ont fait plusieurs tués et blessés dans les rangs de la police.

Dans le domaine de la justice, l’actualité de la semaine a été dominée par le constat de l’état de délabrement des prisons en RDC : neuf détenus sont morts faute de nourriture et de soins à Mwene Ditu (Kasaï Oriental), tandis qu’on déplore des morts à la prison de Bukavu où une tentative d’évasions a eu lieu. Par ailleurs, les avocats de Kinshasa menacent de faire grève si les poursuites n’ont pas lieu à l’encontre des enfants du président de l’Assemblée nationale et du fils du Premier ministre, lequel dément catégoriquement la présence de son fils à cet endroit, qui sont impliqués dans un accident de circulation qui a fait plusieurs morts. Enfin, on signalera qu’une association de défense des journalistes critique une fois encore la « pensée unique » véhiculée par les media officiels en RDC.

Dans le domaine économique, un rapport de l’ONU pointe les effets pervers de la législation américaine sur les « minerais de sang ».

Au Burundi, le président de la République persiste et signe : dans son discours de nouvel an, il affirme qu’il n’y aura pas de négociations avec l’opposition. Par ailleurs, les avis de cette opposition sont nuancés sur le projet de constitution. Dans le domaine de la justice, il n’existe pas de consensus sur la mise en place d’une commission Vérité et Réconciliation. Enfin, le procès des 23 prévenus accusés de « terrorisme » en est au stade de la procédure et du sort réservé aux accusés toujours incarcérés dans des cachots de police.

Au Rwanda, un nouvel attentat à la grenade s’est produit à Kigali et a fait deux morts.

Kris Berwouts
EurAC
06/01/2012

 

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