Actualité des Grands-Lacs – Semaine du 7 au 13 janvier 2012
En RDC, alors que la nouvelle société civile congolaise ne croit pas en la réussite de la mission des experts internationaux pour appuyer la CENI dans la compilation des résultats des législatives, les contestations et accusations de fraudes, opposant aussi des candidats de la majorité présidentielle, se succèdent dans le cadre de la cette compilation au Kasaï Oriental, au Kasaï Occidental, en Equateur, à Lubumbashi et au Nord Kivu où les fraudes pourraient exacerber des conflits ethniques. Du côté de la majorité présidentielle, une cellule de gestion du contentieux électoral a été créée pour régler les conflits.
De son côté, la CENI, qui annonce avoir déjà compilé plus de 80 % des résultats, a confirmé sa détermination à publier tous les résultats à la date du 13 janvier, avant de repousser finalement la date d’une semaine[1]. Pendant ce temps, les résultats de l’élection présidentielle donnent toujours lieu à des contestations. Le clergé congolais annonce de possibles manifestations pacifiques pour protester contre les « tricheries avérées et peut-être planifiées » » à cette élection de même qu’aux législatives : il dénonce avec force le travail bâclé de la CENI dont les dirigeants devraient soit « corriger leurs erreurs », soit « démissionner ».
La Voix des Sans Voix demande quant à elle l’organisation de nouvelles élections et, dans l’attente de leur tenue, l’établissement d’un dialogue contre les deux prétendants au pouvoir : la majorité présidentielle salue l’idée de cette rencontre (sans accepter la tenue de nouvelles élections), mais l’UDPS la récuse en la qualifiant d’inopportune.
À l’extérieur du pays, une manifestation (pacifique) a encore eu lieu contre l’élection de J. Kabila à Leuven en Belgique, alors que le nouveau Premier ministre belge a envoyé, à l’instar d’autres chefs d’Etat tels le président nord-coréen et celui de l’Iran, un message au président sortant qui salue « les forces congolaises pour la tenue des élections ». Ce message, considéré comme une « gaffe diplomatique » par le parti écologiste flamand, a créé un certain malaise au sein de la majorité : deux ministres belges, l’ancien et le nouveau ministre des Affaires Etrangères, qui avaient émis des doutes sur la manière dont le processus électoral s’était déroulé, ont répété à nouveau qu’aucune délégation ministérielle belge ne serait « éventuellement » envoyée en RDC avant la publication du résultat des législatives. Devant les députés de la Chambre belge, le Premier ministre a réitéré son message à la RDC. De leur côté, les diplomates africains de Kinshasa ont salué la tenue des élections qui, pour beaucoup d’entre eux, se sont déroulées normalement : ils ont souhaité le renforcement de la coopération avec la RDC.
Pendant ce temps, les critiques continuent à se manifester sur les dérapages en matière de droits de l’homme survenus à l’occasion des élections. La Voix des Sans Voix dénonce la détention et les tortures à l’encontre d’un officier de la police judiciaire qui aurait salué un avocat d’Etienne Tshisekedi. L’Observateur des médias congolais (OMEC) exige la réouverture des stations de radio-télévision suspendues et demande au Conseil supérieur de l’audio-visuel de « sortir de sa torpeur » : on notera ici que seule la diffusion de RFI a été rétablie.
Enfin, une ONG spécialisée dans la réforme du secteur de la sécurité accuse les forces de l’ordre d’avoir tiré à balles réelles lors des manifestations politiques récentes. Toujours dans le domaine de la justice et des droits humains, 300 personnes inculpées dans l’attaque contre la résidence du président Kabila en février de cette année attendent toujours le début de leur procès. Par ailleurs, le ministre de la Justice a promis une enquête sur l’incendie récente de l’habitation du vice-président de la FIDH.
Dans le domaine de la sécurité, le Secrétaire général des N.U. a évoqué le prolongement de la MONUSCO jusqu’en 2014 « face aux défis majeurs qui restent à relever ». Sur le terrain en effet, l’insécurité reste une contrainte majeure au Kivu. Cette semaine des affrontements entre les FARDC et la nouvelle milice Maï-Maï « Guides » se sont poursuivis dans le Masisi et entre ces mêmes FARDC et d’autres milices Maï-Maï dans une enclave du parc des Virunga. Au Sud Kivu, un couvent de religieuses a été attaqué par des hommes armés non identifiés en territoire de Kabare, tandis que les bandes du FDLR ont sévi dans les territoires de Fizi et de Walungu.
En Province Orientale, un détachement de 5.000 hommes de la MONUSCO et des quatre pays affectés par la LRA va être mis en place : cette semaine, les milices de ce mouvement ont pillé des habitations et mutilé des personnes au nord de Faradje. En Equateur, les populations du territoire de Djolu se plaignent de multiples tracasseries de la part des services de sécurité. Enfin, au Katanga, l’église catholique demande une assistance humanitaire pour 12.000 déplacés dans la région de Mitwaba qui ont fui leurs villages suite à des affrontements entre les FARDC et les milices du « seigneur de guerre » Gédéon qui s’était enfui de prison il y a plusieurs mois.
Dans le domaine social et économique, la société canadienne First Quantum Minerals a annoncé la vente de ces mines du Katanga à sa rivale, une société contrôlée par des capitaux kazakhs, tandis que, toujours au Katanga, un conflit social a éclaté à la CMSK dans la foulée d’une rivalité entre deux grosses sociétés minières qui ont des parts dans la CMSK, la Gécamines et la société EGMF. Enfin, on notera que la grève des enseignants se poursuit à l’Université de Kinshasa : elle dure depuis deux mois.
Au Burundi, le FNL compte organiser un congrès en 2013 et appelle son chef, Agathon Rwasa, à rentrer au Burundi. Par ailleurs, le chef d’un parti d’opposition aurait été arrêté en Tanzanie pour un motif inconnu, une nouvelle qui n’est ni confirmée, ni infirmée par des sources judiciaires.
Au Rwanda, l’actualité a été dominée par la publication d’un rapport d’enquête qui crée un vif émoi en France : il met à mal la thèse du juge Bruguière qui mettait en cause le président Kagame et son entourage dans l’attentat d’avril 1994. Parmi les autres nouvelles, on citera la plainte contre un ex-ministre rwandais, fondateur du FDLR, récemment libéré par la justice en France, et dont Kigali réclame l’extradition, ainsi que le refus d’une cours française d’extrader un ancien magistrat rwandais, naturalisé français et vivant dans une maison de retraite.
Kris Berwouts
Eurac
[1] Au 12 janvier, la moitié des résultats des élections législatives avait été publiée sur le site de la CENI.
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