BBC « Rwanda’s Untold Story » : Le « mythe Kagame » serait-il en train de s’écrouler ?

Paul Kagame/photo rfi

Paul Kagame/photo rfi

A peine quelques jours après la diffusion par la BBC d’un documentaire titré : « Rwanda : The Untold Story », le régime de Paul Kagame , ses sponsors et ses obligés déploient leur artillerie lourde sur le terrain médiatique où leurs positions risquent de tomber une à une. Signe que le documentaire de la BBC a fait mouche !

– Il y eut d’abord la fameuse association « IBUKA » qui, forte de sa jouissance de  « non contestabilité », a appelé à une manifestation devant le siège de la BBC à Londres. Une trentaine de militants se sont donc retrouvés samedi le 10 octobre devant l’immeuble de la BBC en brandissant des pancartes chantant les louanges à Paul Kagame et accusant la BBC de « négationniste ».

– Il y eut ensuite cette lettre de protestation du 12 octobre adressée au Directeur de la BBC et signée par une trentaine de soi-disant « professeurs, chercheurs, journalistes, historiens… ». Comme nous le verrons plus loin, les signataires sont pour la plupart des complices de Paul Kagame dans les crimes qu’il a commis ou sont ses obligés car travaillant pour lui d’une façon ou d’une autre.

– Il y eut aussi la sortie de Paul Kagame le 14 octobre lors de l’installation de son cousin Bernard Makuza comme président du Sénat et donc officiellement n°2 du régime. Il a pratiquement mis le pays en état d’alerte en prétendant qu’il s’apprête à donner une leçon de comment faire la guerre à ceux qui vont l’attaquer ! Dans son discours, il voit donc en la diffusion du documentaire de la BBC une déclaration de guerre et n’a pas manqué de souligner que c’est trop tard car depuis vingt ans il aurait accumulé des moyens de guerre « invincibles » (si jamais il en existe comme il le croit!).

-Il y eut encore la sortie d’un article sur le blog pro-Kagame par un certain Alain Gauthier le 15 octobre. Cet enseignant retraité reconverti sur le tard dans le showbiz a fait fortune dans le commerce du génocide rwandais en France de sorte qu’il est actuellement une star médiatique et un « people », rien qu’en vendant le génocide rwandais en France. C’est donc de bonne guerre qu’il soit parmi les plus acharnés à défendre son gagne-pain qui s’évanouira avec la chute du régime dictatorial de Paul Kagame. Donc, il fait tout pour repousser l’échéance le plus loin possible dans le temps.

– Il y a enfin cette sortie du journaliste ougandais Andrew Mwenda dans le quotidien du FPR « The NewTimes »  de ce 15 octobre. Ce journaliste d’origine ougandaise, qui fait partie du fameux panel des conseillers étrangers de Paul Kagame et chargé spécialement de la communication en Afrique de l’Est, défend son « boss » en fustigeant la BBC et au passage dévoile la haine qu’il nourrit envers tous ceux qu’il perçoit comme hutu. Il conclut en effet son article en prétendant que même s’il s’avérait que  Paul Kagame aurait tué le hutu Habyarimana, il serait dans son droit car le président hutu était son ennemi naturel !

Des constantes

Tous ces défenseurs de la dictature de Paul Kagame qui intentent à la BBC un procès d’intention se rejoignent sur certains points essentiels. Pour eux :

1. Il faut cultiver et maintenir l’amalgame entre la critique légitime de la dictature de Paul Kagame en l’assimilant à une « négation du génocide ». Le documentaire de la BBC, qui en aucun moment ne nie le génocide,est qualifié de « négationniste » parce qu’il a osé évoquer timidement les crimes commis par le dictateur Kagame tout au long de sa conquête militaire du Rwanda. C’est sous ce prétexte que les témoignages des acteurs de premier plan dans les événements qui ont secoué le Rwanda entre 1990 et 1994, sont, selon eux, à disqualifier dès qu’ils proviennent des opposants politiques à Paul Kagame même quand ils sont des témoins oculaires des faits. Aux yeux des milieux qui portent  la dictature à bras le corps, seuls les aveux de Paul Kagame lui-même et de ses sujets, aveux qui ne viendront certainement jamais, constituent des preuves tangibles de sa culpabilité. Rien n’est plus naïf !

2. Les faits qui contredisent les thèses du régime, surtout les mythes qui fondent sa légitimité, doivent systématiquement être occultés, quitte à se contredire ou à nier ses anciennes déclarations. Ainsi, pour asseoir le « dogme » comme quoi Paul Kagame aurait arrêté le génocide, ses admirateurs oublient ou ne veulent pas réentendre qu’en avril 1994, il avait refusé l’intervention des troupes de l’ONU quand il a envoyé une délégation au Conseil de Sécurité des Nations Unies qui débattait de la question. La délégation, qui  était composée de Claude Dusaidi et de Charles Muligande, a dissuadé l’ONU d’intervenir. Mais les lobbies de Paul Kagame occultent ce fait et continuent de clamer qu’il aurait arrêté le génocide alors que lui-même s’en est défendu.

Ceux qui sont commis pour blanchir Kagame en arrivent à désinformer l’opinion, à mentir et même jusqu’à faire dire aux magistrats ce qu’ils n’ont jamais ou encore dit. L’affaire de l’attentat du 6 avril 1994 en donne une illustration caricaturale. Selon Ibuka, le groupe des professeurs chercheurs, journalistes, historiens dont on a parlé et Alain Gauthier, le juge anti-terroriste français Marc Trévidic aurait déjà innocenté Kagame et prononcé un non lieu général ! Ce qui est faux car la décision du juge n’est pas encore connue. Ces enfumeurs de l’opinion ajoutent qu’il aurait conclu que le départ des missiles qui ont abattu l’avion ont été tirés à partir du camp Kanombe qui était gardé par la Garde présidentielle. Ce qui est encore faux, car même l’expertise du « deus ex-machina d’acousticien » appelé à la rescousse et qui a fait ses simulations dans un domaine militaire du centre de la France, n’a pas parlé du camp Kanombe mais du « domaine militaire » de Kanombe, une zone plus large et non habitée. Son intervention a été sollicitée après la visite, sur le terrain au Rwanda,  des balisticiens et géomètres mais dont le rapport concluait pas dans le sens disculpant Kagame. L’expertise qu’on voudrait présenter comme décisive, ne désigne même pas de façon formelle l’endroit du départ des tirs. Il indique seulement que le domaine militaire de Kanombe est l’un des sites possibles mais parmi les six autres hypothèses, dont la colline de Masaka. Enfin, ils se gardent de dire que l’expertise acoustique contestable n’est pas le seul élément et encore le plus déterminant pour fonder la conviction du juge. Mais dans leurs manœuvres de désinformation et de faire pression, ils tentent de convaincre le monde et surtout influencer le juge qu’il en est ainsi. Il faut encore préciser que que même le camp Kanombe n’était pas sous le contrôle de la Garde présidentielle qui avait ses quartiers à Kimihurura en face de l’immeuble du Parlement où avaient été admis des milliers de combattants du FPR.

La lettre des 37 intellectuels au Directeur Général de la BBC

La lettre reprend le même credo que doivent répéter les défenseurs du dictateur Kagame en reprenant les mêmes arguments : critiquer Kagame c’est nier le génocide ; les opposants sont des génocidaires ; l’histoire du Rwanda doit se réduire aux thèses du parti au pouvoir, le FPR de Paul Kagame,…

Mais le plus frappant est le panel des signataires. La liste est constituées de ceux-là même qui ont accompagné Paul Kagame dans sa conquête du Rwanda ou qui ont participé ( ou participent encore) à la promotion de son image dans les médias. A ces inconditionnels, il faut ajouter des opportunistes devenus ses obligés et pudiquement appelés des consultants ou des « spécialistes du Rwanda » le temps de produire un article ou de publier un livre commandé et financé par le dictateur.

Un bref aperçu de cette liste permet de distinguer des catégories parmi les signataires.

On y trouve  d’abord les traumatisés, les déçus à qui on avait donné des missions qui les dépassaient mais qui aujourd’hui doivent accompagner le FPR dans sa chute. C’est le cas du général Dallaire qui a commandé les forces de la mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR) de 1993 à 1994. Cet officiel canadien a débarqué au Rwanda avec un mauvais entendement de sa mission. Il croyait venir aider le FPR de Paul Kagame à prendre le pouvoir et il s’en est employé corps et âme , mais par après, comme il ne peut se prévaloir ouvertement de cette action (avoir installer Paul Kagame au pouvoir au Rwanda),  dans sa frustration, il est obligé de défendre mordicus le dictateur pour qui il a tout fait afin qu’il accède au pouvoir alors que l’ONU lui avait «  officiellement » envoyé pour aider à la mise en place d’une solution négociée entre belligérants. Il en sera marqué à jamais. C’est dans la même catégorie qu’il faudrait classer Mme Barabara Mulvaney, qui fut procureur dans le procès phare dit « Bagosora et al. ». Et où il était prévu qu’il serait spectaculaire car les preuves de planification du génocide allaient éclater mais qui a fini en queue de poisson avec l’acquittement de tous les accusés du chef « d’entente en vue de commettre le génocide ». Elle se mord les doigts et en est aussi marquée à jamais.

On distingue ensuite des individus opportunistes qui avaient découvert qu’ils pouvaient se rendre célèbres (et riches) en renversant les rôles de la France, surprise de se faire évincer de la région  par des puissances anglo-saxonnes qui, après une longue préparation, venaient de se rendre maître de la région. Ils ont alors publiés des thèses fantaisistes mais très prisées par le régime de Paul Kagame, et par les puissances qui venaient de l’installer. Dans cette catégorie, on trouve Linda Melvern, celle-là même qui n’avait pas hésité à produire de grossiers faux documents pour accréditer la thèse que l’avion de Habyarimana avait été abattu par des éléments de sa propre armée épaulés par la France. Il y a encore l’aventurier Andrew Wallis qui a publié « Silent Accomplice: The Untold Story of France’s Role in the Rwandan Genocide »

Sur cette liste des signataires figurent aussi des Français qui ont voulu se rendre célèbres (et riches) en surfant sur la vague de la réputation des « Français contestataires contre leurs institutions » où n’importe quel quidam qui défie l’ordre établi est perçu comme un héros. Ceux-ci n’ont pas hésité à salir l’honneur des armées françaises par des mensonges et des calomnies dans le seul but de s’attirer les sympathies du nouveau régime installé au Rwanda par les puissances anglo-saxonnes et en même temps apparaître en France comme des «  mousquetaires, héros »…qui osent dénoncer la politique française en Afrique.  C’est dans cette catégorie qu’on peut ranger un Patrick de Saint Expéry ou un Jacques Morel.

Sur la liste des signataires, on y trouve aussi, hélas !, des « journalistes du ventre » comme il en est le cas dans de telles situations. Aucun pays n’a le monopole de produire des « journalistes du ventre ». Ils sont partout. Dans le cas qui nous concerne, les sénégalais Mehdi Bâ et Boubacar Boris Diop, côtoient allègrement le français Jean-François Dupaquier. Ce denier n’hésite pas à se prévaloir des spécialités selon les circonstances. Il devient « journaliste d’investigation » quand il doit déposer devant le TPIR, mais se réclame de la qualité d’historien pour pouvoir déposer des faux documents ou des documents falsifiés. Devant la Cour d’Assises de Paris, il se présente comme anthropologue pour obtenir l’occasion d’affirmer que « selon ses recherches, les jeunes hutu subiraient un rite initiatique avant d’être admis dans le monde des adultes et qui consisterait à violer des jeunes filles tutsi » ! Plus scandaleux, tu meurs !

Il y a enfin le cas des personnes sous influence qui se doivent de suivre aveuglement leurs maîtres. C’est le cas de Hélène Dumas qui vient de recevoir un doctorat de l’Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHEES) de Paris. L’un de ses maîtres n’est autre que José Kagabo, un membre éminent du FPR, professeur à l’EHSS mais aussi …Sénateur au Parlement de Kigali ! Hélène Dumas se devait donc de signer la pétition dénonçant la BBC pour faire cause commune avec  son maître.

In fine, nous conclurons en abondant dans l’idée du Dr Rudasingwa qui, dans sa lettre adressée au Directeur Général de la BBC termine en proposant que la même BBC organise un débat contradictoire sur le même thème qui opposerait les représentants du gouvernement rwandais, les personnalités de l’opposition et de la société civile, les chercheurs et spécialistes du Rwanda de tous bords. Ceci enlèverait au régime de Paul Kagame le prétexte que le documentaire n’avait  reproduit que les avis de l’opposition, donc des négationnistes, mais aussi permettrait à la BBC de réfuter, preuves à l’appui, que sa recherche de vérité ne doit pas être assimilée au négationnisme. Au cas où le FPR refuserait ce débat, qu’il se taise pour toujours et que ses sbires cessent d’intimider ceux qui, comme la BBC, cherchent à percer les secrets qui ont été à la base de l’installation, contre toute logique, de la dictature de Paul Kagame au Rwanda

Jane Mugeni
16/10/2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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