La chasse aux vendeurs de rue cache mal un apartheid institutionnalisé au Rwanda
Au cours des 23 ans qu’il vient de passer à la tête du Rwanda, Paul Kagame n’a donné aucun répit aux Rwandais. En 2015, il a procédé au changement de la Constitution non seulement pour perdurer au pouvoir mais également pour se protéger contre des sanctions pour des crimes commis. L’article 114 de la Constitution lui exonère de poursuites pénales « pour des actes de trahison ou pour violation grave et délibérée de la Constitution, s’il ne l’a pas été au cours de son mandat ».
Durant sa campagne électorale du mois de juillet, ses services de sécurité ont été sages comme des agneaux. Il se voyait bien qu’il y avait des consignes données. Même ceux qui ont eu un excès de zèle, violentant les personnes qui n’allaient pas acclamer le candidat, ont été ramenés à l’ordre. Paul Kagame avait feint d’être en phase avec la population. L’accalmie aura été de courte durée. Sitôt intronisé, Kagame a renoué avec ses méthodes expéditives. Son naturel est revenu au galop. La première mesure qu’il a prise est celle d’ordonner aux services de sécurité de chasser dans la ville et de ses alentours les petits vendeurs de rue.
Le principe en soi n’est pas condamnable, même si certains observateurs font remarquer que le phénomène des vendeurs de rue est universel car observable même dans les grandes métropoles occidentales (New-York dans Time square, Paris à Pigalle ou à la Tour Eiffel ou Bruxelles à la Porte de Namur). Ce qui est condamnable, c’est la méthode utilisée pour mettre en application cette instruction. Que de violences ! Les images de ce nettoyage font frémir. Les moyens utilisés par les services de sécurité sont disproportionnés par rapport à ces malheureux aux mains nues. Des femmes, souvent avec des bébés sur le dos, sont embarquées dans des camions sans ménagement. D’autres sont battus comme des bêtes de somme. Officiellement on déplore un mort, une vieille dame, et plusieurs blessés. Il y a quelques mois, la police avait battu à mort une vendeuse du marché qui est décédée sur le champ. Un autre jeune homme avait été écrasé par une voiture en fuyant les forces de sécurité à ses trousses.
Nettoyer la ville pour que les étrangers qui visitent le Rwanda soient émerveillés par la propreté de la capitale Kigali. Telle est l’une des hantises des autorités rwandaises.
Par ailleurs, il faut rappeler que le président Kagame n’a cessé de donner des injonctions pour chasser de la capitale les va-nu-pieds, les enfants de rue, des vendeurs ambulants,…dans son discours de circonstance le 12/3/2016 lors de l’ouverture de la 13è rencontre des cadres de l’Etat rwandais à Gabiro Paul Kagame s’était demandé pourquoi il y avait encore des enfants de la rue dans la capitale. La ministre en charge de l’affaire avait été remerciée. Cela n’a pas tardé, des enfants de la rue ont été brûlés vifs par des services de sécurité en rondes de nuit. Des litres d’essence ont été déversés dans des égouts de la capitale où les enfants avaient trouvé refuge et les services de sécurité y ont bouté le feu. Ces enfants sont pour la plupart des orphelins, leurs parents ayant été souvent assassinés par les militaires du FPR.
A y voir de très près, ce « nettoyage » cache une autre triste réalité, bien plus grave. Les victimes de cette barbarie ne peuvent être que des Hutu. En effet, ils ont difficilement accès à l’emploi. Bon nombre de vendeurs de rue sont des universitaires ou des jeunes qui n’ont pas pu payer les frais de scolarité et qui affluent vers la capitale pour y chercher une vie meilleure. Les femmes des campagnes proches de Kigali affluent elles aussi, chaque matin, vers la capitale dans l’espoir de vendre quelques kilos de tomates en vue d’avoir des liquidités pour acheter les biens de première nécessité. Car cela est aussi à signaler, l’agriculteur rwandais n’a pas la liberté de vendre sa production comme il veut. Il passe par une coopérative gérée par un proche du pouvoir, une sorte de gourou qui paye quand il veut et au prix qu’il fixe lui-même. Le Hutu est littéralement en dehors du circuit économique et aucune institution ne lui vient en aide, contrairement aux « rescapés », femmes, enfants, veufs, veuves qui sont encadrés par des associations comme AVEGA, Ibuka, AERG,… qui gèrent des fonds reçus du gouvernement rwandais et des organisations internationales. Le « rescapé » reçoit une aide au logement, à la santé, à la scolarité, … Or qui dit « rescapé » dit Tutsi. Voilà comment un apartheid qui ne dit pas son nom a été institutionnalisé au Rwanda. Le Hutu est devenu un citoyen de seconde zone, sans droits. Il est ostracisé dans son propre pays. Quand il essaie de se « débrouiller », les services de sécurité le coincent.
Puisse Paul Kagame se ressaisir et être le président de tous les Rwandais au cours de ce mandat qu’il vient d’entamer ?
Jean-Charles Murego
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