Ces pays africains qui considèrent l’homosexualité comme un crime

En Afrique, la colonisation et la christianisation ont développé une forme d’homophobie en réprimant fortement ce qui existait comme pratiques homosexuelles.
 
Mais au fil du temps, la libération des mœurs a gagné du terrain. L’ouverture de l’Afrique aux autres cultures du monde, l’avènement des nouveaux médias dont la télévision par satellite et Internet, ont contribué à donner une grande visibilité à l’homosexualité en Afrique. Loin d’être confinée à des fins initiatiques, elle est passée carrément à l’avant-scène comme une forme de sexualité entière au même titre que l’hétérosexualité.
 
Cette évolution est décrite par Charles Gueboguo[1]. En Afrique, au Sud du Sahara, l’homosexualité a commencé à se manifester publiquement à partir des années quatre vingt. L’Afrique du Sud a été le pionnier en la matière : dès 1980, une discothèque pour homosexuels a vu le jour à Cape Town et depuis le 30 novembre 2006, ce pays a été le premier État d’Afrique à légaliser le mariage homosexuel.
 
En Côte-d’Ivoire, la télévision nationale diffusait des images à tendance homosexuelle dès les années 80. Une association des homosexuelles et des lesbiennes a vu le jour au Zimbabwe dès 1990. D’autres pays du continent ont suivi. Les grandes villes ont vu le phénomène prendre de l’ampleur. Cependant, cette offensive est à demi-teinte, car dans bon nombre de villes africaines, l’homosexualité reste toujours pratiquée dans la clandestinité, loin des regards indiscrets. Certains pays ont même mis sur pied des lois pour la condamner et les homosexuels y sont régulièrement agressés. En 2010, un journal ougandais a fait un appel au lynchage des homosexuels dont il avait dressé la liste où figurait une centaine de noms. Beaucoup d’entre eux ont été battus à mort par des inconnus.
 
Au Rwanda, l’homosexualité n’est pas officiellement reconnue. C’est en 2008 que des recherches de la Commission nationale de lutte contre le SIDA ont prouvé qu’il y a des homosexuels dans le pays et que leur stigmatisation qui les confine dans la clandestinité risquait de causer des problèmes dans la lutte contre le VIH / SIDA.
 
Malgré cela, Mgr Emmanuel Kolini de l’Eglise anglicane est d’avis que l’homme ou la femme qui choisit d’être avec un partenaire du même sexe tue délibérément une potentielle génération. Le 10 novembre 2011, un homosexuel, vedette de la mode, a été brutalement attaqué à son domicile à Kigali, capitale du Rwanda.
 
Au Cameroun, les homosexuels sont mal vus, maltraités, battus voire emprisonnés.
 
Début 2012, au Zimbabwé, feu-président Robert Mugabe avait déclaré publiquement que les homosexuels étaient pires que des porcs et des chiens parce que les porcs savaient qu’il y a des mâles et des femelles. Il répondait au Premier ministre anglais qui réclamait le droit des homosexuels dans ce pays. D’autres présidents ont partagé le point de vue de Mugabe dont John Atta Mills, président du Ghana et d’Ellen Jonhson Sirleaf, la présidente du Libéria. Ils réagissaient à l’appel fait par Ban Ki-Moon, alors secrétaire général de l’ONU, lors du sommet des chefs d’Etats de l’Union africaine à Addis Abéba, les 29 et 30 janvier 2012, en Ethiopie. Il avait appelé les pays africains à respecter le droit des homosexuels, de ne pas les considérer comme des citoyens de seconde zone ou des criminels. Il avait rappelé cette exigence lors de sa visite en Zambie en février 2012 et devant le Conseil des droits de l’homme. Quant à Navanethem Pillay, alors Haut commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme, elle, avait déclaré que la criminalisation de l’homosexualité était une violation du droit international des droits humains. Les Etats-Unis avaient également demandé aux pays africains à lutter contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle.
 
Malgré cette pression de la communauté internationale en faveur de la légalisation de l’homosexualité, les violences ne faiblissent pas dans certains pays africains qui continuent de considérer que l’homosexualité est d’une importation européenne, qu’elle va contre les lois morales africaines.
 
En Ouganda, un projet de loi durcissant drastiquement la répression de l’homosexualité a été adoptée par le Parlement le 20 décembre 2013. La veille, soit le 19 décembre, un autre texte réprimant la pornographie avait été adopté : les habits provocants qui laisseraient voir les seins, les cuisses et les fesses, bref les zones érogènes sont interdits. Cette interdiction porte également sur toute attitude ou tout comportement considéré comme érotique.
 
Le premier projet de loi cité ci-haut prévoyait des peines allant de deux ans de prison à la réclusion à perpétuité pour les homosexuels récidivistes.
 
L’homosexualité reste donc un crime dans de nombreux pays africains. Dans son rapport du 25 juin 2013, Amnesty International signale que 38 pays d’Afrique subsaharienne ont dans leur législation des textes criminalisant les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe.
 
Sur le contient noir, seule l’Afrique du Sud est considérée avant-gardiste en matière de lutte contre l’homophobie. Il est l’un des rares pays africains à avoir légalisé l’homosexualité et le mariage entre les personnes de même sexe. Pourtant, des agressions voire des assassinats des personnes y sont régulièrement recensés au seul motif de leur orientation sexuelle : 2 homosexuels et 5 lesbiennes tués entre juin et novembre 2012, selon Amnesty international.
 
Dans les pays comme le Soudan, le Nigéria ou la Somalie, l’homosexualité est punie de la peine de mort, de la prison à perpétuité ou par des châtiments corporels selon que l’individu est récidiviste ou non. D’autres pays africains infligent des peines lourdes aux homosexuels  : Soudan du Sud (10 ans de prison, et des amendes) ; Kenya (21 ans de prison ; la Cour suprême a encore rejeté la demande de décriminaliser l’homosexualité le 24 mai 2019) ; Tanzanie (perpétuité) ; Zambie (14 ans de prison) ; Ghana (25 ans de prison) ; Sierra Leone (prison à perpétuité) ; Namibie (des années de prison) ; Zimbabwe (1 an de prison et des amendes de 5000 $ zimbabwéens) ; Mozambique (3 ans de prison, internement psychiatrique ou camp de travail, restriction de la liberté pendant 2 à 5 ans, interruption de profession pendant 10 ans et placement sous surveillance) ; Ethiopie (5 ans de prison) ; Cameroun (5 ans de prison et des amendes de 20.000 à 200.000 CFA) ; Togo (1 à 3 ans de prison et des amendes de 1.000.000 à 500.000 CFA) ; Guinée (3 ans de prison et des amendes de 100.000 à 1.000.000 de francs guinéens) ; Sénégal (1 à 5 ans de prison et des amendes de 1.000.000 à 1.500.000 CFA) ; Mauritanie (2 ans de prison et des amendes de 5.000 à 60.000 francs mauritaniens) ; Algérie (2 ans de prison et 500 à 2000 dinars algériens) ; Maroc (3 ans de prison, 120 à 1000 dirhams d’amendes) ; Bénin (3 ans de prison et 100.000 à 500.000 CFA d’amendes) ; Tunisie (3 ans de prison) ; Burundi (2 ans de prison, 1.000 à 100.000 FBU). Dans son Code pénal d’août 2017, le Tchad a rendu les activités homosexuelles illégales.
 
La loi du Botswana, en vigueur depuis 1965 et qui condamnait les homosexuels à 7 ans de prison, vient d’être abolie ce 11 juin 2019. Il en est de même pour l’Angola qui a aboli, en janvier 2019, a retiré de son code pénal une disposition de 1886, qui bannissait les « vices contre nature » et les condamnait en un emprisonnement en camp de travail. Il est le dernier pays à décriminaliser l’homosexualité. Il s’ajoute à seize pays africains dans lesquelles homosexualité est aujourd’hui légale, dont la Côte d’Ivoire, le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Mali, la Guinée équatoriale, le Gabon, la Centrafrique, la RDC et la République du Congo. Sur 45 pays en Afrique sub-saharienne, 28 disposent encore de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité.
Quelques  exemples de dispositions légales criminalisant l’homosexualité :
 
Kenya : le code pénal condamne quiconque a une « relation charnelle (…) contre l’ordre naturel ». Il peut être emprisonné jusqu’à 14 ans.
Mauritanie et Soudan : Dans ces deux pays, la charia prévoit la peine de mort pour les homosexuels.
Nigeria : Dans le Nord à majorité musulmane, la loi prévoit la peine de mort et des peines allant jusqu’à 14 ans de prison dans le reste du pays selon.
Somalie : Dans les territoires du Sud contrôlés par les islamistes radicaux shebabs, les homosexualité encourent la peine de mort.
Tanzanie : les homosexuels sont punis de 30 ans pouvant d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la prison à vie.
 
Peut-on établir une différence entre l’homosexualité occidentale et l’homosexualité africaine ? L’avis du chercheur Daniel Vangroenweghe[2] est on ne plus clair. Alors que la sexualité en Occident « est plus égalitaire » et « constitue une préférence sexuelle exclusive pour toute la durée de l’existence », en Afrique, l’homosexualité est tabou comme il était malvenu d’en parler en Occident à un certain moment. Jusqu’à une période récente, certains médecins considéraient l’homosexualité comme un trouble mental. Certains peuples n’ont pas de mots pour la désigner. Cependant, l’homosexualité est rituelle et limitée voir épisodique et tributaire de la situation du moment, comme dans les internats, les mines et les prisons. Cet auteur relève qu’il existe aujourd’hui, dans toutes les grandes villes africaines, une prostitution masculine qui s’exerce d’une part entre Blancs et Noirs et entre Noirs d’autre part. Il souligne qu’en Afrique, il y a actuellement une homosexualité et un lesbianisme dans l’acception occidentale de ces deux termes et qu’on rencontre actuellement des clubs « gay » en Afrique subsaharienne. Ayant pris de l’ampleur avec le tourisme sexuel, l’homosexualité est même devenue commerciale.
 
En Afrique du Nord (Algérie, Maroc), une sorte de prostitution de jeunes garçons a été observée le siècle dernier. En Afrique du Sud, des jeunes garçons entre 7 et 12 ans servaient de domestiques et de femmes aux mineurs qui se livraient ainsi à la pédérastie après leur travail dans les galeries et les tranchées. C’était le cas dans les mines situées dans les régions des Xhosa et Hereros.
 
Gaspard Musabyimana
 


 
Notes
 
[1] – Charles Gueboguo, La question homosexuelle en Afrique. Le cas du Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2006.
– Charles Gueboguo, Sida et homosexualité(s) en Afrique. Analyses des communications de prévention, Paris, L’Harmattan, 2009.
[2] Daniel Vangroeneghe, Sida et sexualité en Afrique, Bruxelles, EPO, 2000, p. 182.
 

 

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