Rwanda. En préparation du sommet du Commonwealth, des quartiers pauvres de la capitale sont rasés pour cacher la misère aux 10.000 délégués attendus
Le sommet du Commonwealth se tiendra à Kigali au Rwanda en juin 2020. Les autorités rwandaises sont soucieuses de présenter la capitale comme la plus propre et la plus sûre d’Afrique. Ainsi elles procèdent systématiquement au bannissement drastique de marchands ambulants, de mendiants, de gens mal habillés susceptibles d’irriter la vue d’invités de marque du Commonwealth.
Plus grave, elles démolissent sauvagement des maisons dans des quartiers pauvres pour cacher la misère et l’état lamentable des exclus du ‘‘miracle économique rwandais’’.
Le délai initial pour quitter la région a été fixé à 15 jours, mais il a été ensuite été ramené à 2 ou 3 jours en raison de la courte durée qui nous sépare du sommet fixé en juin 2020.
Ce sommet compte beaucoup pour le prestige du parti au pouvoir et pour l’image président Kagame qui tiennent à montrer que Kigali, avec ses hauts immeubles flambants neufs, peut se targuer d’être le ’’Singapour de l’Afrique’’.
Les autorités de la capitale rwandaise affirment que les habitations qui sont en train d’être détruites se trouvent dans des zones inondables ou dans zones où des glissements de terrain potentiels sont prévisibles. Cependant, le zèle et le timing démentent les affirmations officielles car ces quartiers sont habités depuis des décennies sans problème. Les habitants ont des titres fonciers. Ils ont été autorisés à faire des rénovations juste avant les élections sur le changement constitutionnel en 2015.
Les personnes ayant une maison personnelle reçoivent 90 000 francs (96 dollars américains) d’indemnisation et 30 000 francs (32 dollars américains) pour les locataires qui sont sommés d’ailler chercher un logement ailleurs. Ce travail démolition n’est pas fait par des bulldozers, mais par d’autres voisins pauvres qui le font contre payement, même s’ils sont conscients que cela signifie détruire les maisons des gens qu’ils connaissent.
Les démolisseurs attaquent des quartiers à longueur de journée et ne se soucient pas de savoir si le propriétaire est présent ou non pour retirer ses biens personnels. La population sinistrée vit des moments difficiles car le Rwanda traverse une saison pluvieuse. L’image des enfants et des personnes âgées ou des malades, sous une pluie battante ou dormant à la belle étoile, dans les ruines, est désolante. Une mère célibataire a été filmée avec un enfant de 12 ans souffrant d’un retard de croissance et d’un handicap mental assis sur les décombres de sa maison démolie.
Ce qui est inquiétant, c’est que ces violations épouvantables des droits de l’homme sont commises pour le confort des délégués du Commonwealth et que l’une des valeurs fondamentales du Commonwealth est le respect des droits de l’homme.
La meilleure illustration du mauvais bilan du Rwanda en matière de droits de l’homme est la facilité avec laquelle les autorités de ce pays détruisent les biens des personnes sans compensation adéquate ni autre alternative de logement.
Il sied de rappeler qu’avant l’admission du Rwanda comme membre du Commonwealth en décembre 2009, un rapport de cette organisation avait conclu que « l’état de la gouvernance et des droits de l’homme au Rwanda ne satisfaisait pas aux normes du Commonwealth ». Malheureusement, certains pays, dont le Canada, n’avaient pas pris en compte ces craintes et avaient argué que le Commonwealth était bien placé pour aider le Rwanda
à renforcer ses institutions démocratiques. Cela n’a jamais été le cas jusqu’à présent. Pour preuve, une liste non exhaustive des exemples de violations des droits de l’homme après l’adhésion du Rwanda au Commonwealth : lors des élections générales de 2010, la principale challenger, Mme Victoire Ingabire Umuhoza, a été arrêtée et mise en prison, le vice-président du Parti vert, André Rwisereka, a été retrouvé décapité, de nombreux journaux ont été fermés, des journalistes tués ou disparus.
Aux élections présidentielles de 2017, une autre candidate sérieuse, Mme Diane Rwigara, a été arrêtée et mise en prison. Un autre candidat à la présidence, Gilbert Mwenedata, s’exilé pour échapper la prison. De nombreux membres des FDU-Inkingi sont en prison, d’autres ont été assassinés ou ont mystérieusement disparu. M. Deo Mushayidi, président du PDP Imanzi et le Dr Théoneste Niyitegeka du parti MDR croupissent en prison.
La vie humaine est devenue si bon marché que des gens sont abattus pour avoir volé un tas de bananes ou pour avoir introduit un sac de haricots à travers la frontière avec l’Ouganda. Le parti au pouvoir, le FPR, a procédé au changement de la constitution pour permettre au président Kagame de gouverner le Rwanda jusqu’en 2034, ce qui serait inacceptable ailleurs. Ce mauvais bilan devrait, dans des conditions normales, disqualifier le Rwanda d’abriter le sommet du Commonwealth. Malheureusement, les intérêts de cette organisation sont ailleurs.
La tenue du sommet du Commonwealth à Kigali illustre donc à merveille à quel point cette organisation n’accorde pas beaucoup de considérations à la morale politique et aux droits de l’homme mais encourage plutôt, pour le cas du Rwanda, une répression à grande échelle.
Il n’est pas exagéré de dire que le Commonwealth, en ne tenant pas compte des violations massives des droits de l’homme au Rwanda, en est en train de perdre l’autorité morale et sa gloire d’antan qui lui sont unanimement reconnues depuis sa création.Il n’est trop tard pour cette organisation de lever au moins un doigt et dire à Kigali que l’exercice de nettoyage inhumain des pauvres de la capitale est contraire aux valeurs du Commonwealth.
Gaspard Musabyimana
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