Avant l’attentat contre son avion, le président Habyarimana avait échappée à plusieurs tentatives d’assassinat
Le livre du général-major Aloys Ntiwiragabo, chef des renseignements militaires au plus fort de la guerre, fourmille d’informations dont la plupart sont restées secrètes jusqu’à nos jours. Ainsi en est-il sur les tentatives ratées, les complots déjoués et les réunions guet-apens, tous visant à se débarrasser du président Habyarimana.
Planification de longue date pour un assassinat
Selon Aloys Ntiwiragabo, la planification de l’assassinat du Président Habyarimana a été initiée avec la participation des Etats-Unis et du Royaume Uni pendant la guerre d’octobre 1990. Ainsi au cours du troisième trimestre de l’année 1993, le président Yoweri Kaguta Museveni a organisé une réunion de planification au State House d’Entebbe. Cette réunion regroupait entre autres des officiels des services des renseignements extérieurs américains et britanniques, trois représentants du FPR, trois Tutsi du Burundi dont le chef d’Etat Major des FAB Lieutenant Colonel Bikomagu Jean, le ministre des Affaires étrangères tanzanien Joseph Rwegasira et le directeur des Services de renseignements tanzaniens Major Général Amran Kombe (fuite d’information par les services secrets tanzaniens).
Par ailleurs Prudence Bushnell alors Adjoint au Sous-Secrétaire d’Etat, Patricia Irving, alors Sous-Secrétaire à la Défense des Droits de l’Homme et aux Réfugiés et Arlène Render, alors Directrice du Bureau Afrique Centrale au Département d’Etat USA, pendant leur séjour en Ouganda en mars 1994 ont suggéré à Museveni de convaincre le Président Mwinyi de la Tanzanie d’organiser un Sommet guet-apens des Chefs d’Etats de la Sous-Région des Grands Lacs.
En date du 21 février 1994 dans la soirée, le FPR a organisé une réunion à l’Hôtel Méridien Umubano sur le sort à réserver au Président Habyarimana. Les partis d’opposition pro-FPR étaient invités à cette réunion. Le ministre Félicien Gatabazi, Secrétaire Exécutif du PSD (Parti Social pour la Démocratie), fut aussi convié in extremis à cette réunion au cours de la même soirée. Cette sortie nocturne permit au commando du FPR de se mettre en place devant sa résidence pour attendre son retour.
Gatabazi a refusé de cautionner le plan de tuer le Président Habyarimana présenté par les responsables du FPR. Il fut assassiné à l’entrée de son domicile à Kimihurura par le commando FPR qui l’attendait. Le FPR craignait qu’il ne révèle ce secret à Habyarimana. (Cfr témoignage de Jean Pierre Mugabe du 21 avril 2000).
Trois jours avant le Sommet de Dar-es-Salaam, une réunion de mise au point quant aux derniers préparatifs de l’assassinat du Président Habyarimana a eu lieu au camp militaire de Mwenge, à quelques kilomètres du centre ville de Dar-es-Salaam. Au même moment, les éléments du FPR et de la MINUAR chargés d’abattre l’avion présidentiel parachevaient leur entraînement au lance-missile dans le Nord de l’Ouganda, à Naguru (Génocide Rwandais : Le Peuple crie justice).
Réunion guet-apens d’Entebbe le 7 mars 1993
En date du 07 mars 1993, le Président Museveni de l’Ouganda de connivence avec Paul Kagame, organisa une rencontre dite de concertation en vue d’une réconciliation entre le Président Habyarimana et le Colonel Kanyarengwe le président du FPR.
Le lendemain de cette rencontre, un sommet des Chefs d’Etat était prévu à Arusha sur le problème de négociations d’un accord de paix. Paul Kagame qui avait depuis longtemps décidé d’abattre l’avion qui transportait Habyarimana avait planifié le forfait qui heureusement a été déjoué.
Les services des renseignements et de sécurité du Président Habyarimana avaient été informés d’un plan de piégeage de l’avion présidentiel à l’aéroport d’Entebbe.
Tous les responsables de la sécurité dont le commandant de la garde présidentielle ont dû se rendre sur place pour suivre de près la situation. Des mesures préventives de sécurité furent prises pour la protection de l’avion présidentiel à l’aéroport d’Entebbe.
Les pilotes qui avaient aussi été informés de cette menace furent instruits de ne jamais quitter l’appareil. Un détachement de garde rapprochée de l’avion durant tout le temps qu’il est resté au sol fut renforcé.
En effet l’avion présidentiel devait être piégé au moyen d’un engin explosif à retardement qui devait exploser quelques minutes après le décollage pour ainsi simuler un accident technique.
Le commando qui était chargé d’exécuter le forfait n’a pas pu trouver l’occasion d’agir suite à l’œil vigilant des hommes de sécurité. Il y eut tentative de chasser de l’aéroport les agents de sécurité de l’avion présidentiel mais elle fut sans succès suite à l’opposition farouche et la détermination de l’équipe désignée pour la mission.
Réunion guet-apens de Kinihira en mai 1993
Au cours du mois de mai 1993, une première rencontre entre le président Habyarimana et le Président du FPR, le Colonel Alexis Kanyarengwe, fut organisée à Kinihira dans la zone tampon. Le GOMN (Groupe d’Observateurs Militaires Neutres), créé en septembre 1991 sous l’égide de l’OUA et chargé de surveiller l’application du cessez-le-feu devait superviser les préparatifs et le déroulement de cette rencontre. Il devait également assurer la sécurité des autorités qui devaient participer à cette réunion. Le Général Mbita d’origine Tanzanienne en assurait le commandement.
Parmi les membres de ce groupe d’observateurs militaires neutres, figuraient le Colonel BEM Gatsinzi, (côté gouvernement), qui devint plus tard Général au sein de l’APR et Ministre de la défense nationale, et le Major Karenzi côté FPR, actuellement Général-Major.
Le commandant du GOMN a souhaité rencontrer le chef de la sécurité présidentielle pour l’informer des mesures de sécurité prises par ses services lors des déplacements du Chef de l’Etat de Kigali à Kinihira et retour.
Le commandant de la garde présidentielle fut désigné pour cette circonstance. Au cours de la rencontre le Général Mbita l’informa de la décision prise par les représentants des deux parties antagonistes au sein du GOMN, à propos des déplacements du Chef de l’Etat et sa sécurité sur l’itinéraire et les lieux de cérémonies à Kinihira :
« Sur place à Kinihira, aucun militaire de la garde présidentielle ne doit être présent. Le Président de la République suivra l’itinéraire à l’aller comme au retour: Kigali-Base-Cyohoha-Kinihira. Le chef de l’Etat sera accompagné seulement de son escorte sur le tronçon Kigali-Base. De là les équipes du GOMN prendront en charge le Chef de l’Etat dans la zone tampon jusqu’à Kinihira. L’escorte du Président l’attendra au retour à Base (croisement de la route vers Kinihira avec celle menant vers Ruhengeri) pour le ramener à Kigali ».
Le Colonel Marcel Gatsinzi, chef de la délégation des FAR au GOMN intervint : « Ceci fait aussi objet des recommandations faites par le haut commandement du FPR et il n’y a pas d’autres alternatives. Il n’y a rien à craindre, il faut avoir la confiance au GOMN et j’accompagnerai moi-même le Président de la République ».
Il savait pourtant que la zone comprise entre Base et Kinihira était occupée d’une façon permanente par les militaires bien armés du FPR déguisés en civils.
Le danger était prévisible, le complot avait déjà été réalisé pour prendre en otage le chef de l’Etat sur place à Kinihira ou au besoin le laisser tomber dans une embuscade du FPR dans cette zone tampon de plus ou moins 25 km de parcours. Ce plan présenté par le commandant du GOMN ne semblait pas être sa propre innovation. C’était visiblement un plan concerté avec les hauts responsables du FPR, en l’occurrence Paul Kagame pour faire disparaître le Président Habyarimana.
Certes le Président devait se rendre à Kinihira, mais l’itinéraire à suivre ne devait être communiqué à personne d’autre que le personnel directement concerné par sa sécurité. Les éléments du Bataillon Garde Présidentielle devaient être présents à Kinihira deux heures avant l’arrivée du Président. Mais eux, ils devaient utiliser l’itinéraire officiel tracé par le commandant du GOMN
A la grande surprise le FPR déploya ostensiblement ses militaires vivant clandestinement dans cette zone démilitarisée sous prétexte d’une mission de jalonnement de l’itinéraire commandée unilatéralement par les autorités FPR. C’était ces mêmes militaires qui attendaient le passage du Président Habyarimana.
Evidemment une solution-surprise fut trouvée pour déjouer le plan. Le chef de l’Etat devait quitter Kigali par Hélicoptère escorté par un deuxième et après être rassuré de l’arrivée sur les lieux des cérémonies des éléments de la garde présidentielle pour sa protection.
Indices de planification de l’assassinat
En vertu de l’article 72 du Protocole d’Accord sur l’intégration des Forces Armées des deux parties, article relatif aux mécanismes de sécurité pour la mise en place des Institutions de la Transition à Kigali, le FPR a amené à Kigali une unité devant assurer la sécurité de ses personnalités. Cette unité devait avoir la taille d’un Bataillon de 600 hommes dotés d’armes légères. Ce Bataillon a été basé au Palais du Conseil National de Développement (CND).
Le jour de son arrivée, ce Bataillon a amené un effectif supérieur à 600 hommes, car des militaires non enregistrés ont été embarqués dans des véhicules (minibus) privés qui ont été introduits dans la colonne par la MINUAR malgré l’opposition de l’officier des Forces Armées Rwandaises, le Major BEMS Joël Bararwerekana, Commandant du Bataillon de la Police Militaire, qui participait à l’escorte.
Arrivés au carrefour Nyabugogo, tous ces minibus sont sortis de la colonne, ont pris l’Avenue Kimisagara (Route Kadhafi) et ont disparu dans la nature. Ce fut une infiltration massive d’au moins 300 personnes.
En outre des armes lourdes ont été embarquées avec le Bataillon selon cet Officier. L’Etat-Major de l’Armée Rwandaise a protesté sans effet auprès du Général Roméo Dallaire, Commandant de la MINUAR. Le FPR a continué à augmenter les effectifs de cette unité et à amener des armes lourdes en procédant comme suit :
Concernant les effectifs, des véhicules quittaient Kigali avec des recrues en tenue militaire pour Mulindi (Quartier Général du FPR) et revenaient avec des militaires formés. Ces derniers étaient débarqués au CND et sortaient par la suite pour se disperser dans la Ville de Kigali dans des familles pro-FPR.
Comme stipulé plus haut les véhicules rentraient au CND avec des recrues trouvées dans des familles, tandis que d’autres jeunes Tutsi se rendaient au CND sous prétexte de rendre visite à leurs congénères et ne rentraient pas chez eux. Ils se mettaient en tenue militaire et étaient embarqués sur des camions pour Mulindi sous prétexte de faire la relève. Les camions ramenaient les soldats pour gonfler les effectifs au CND. Ainsi, le FPR faisait à la fois le recrutement et l’infiltration.
Cela a été signalé au Général Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR, par le Chef d’Etat-Major de l’Armée Rwandaise, mais le Général Dallaire n’a pas réagi. A la fin du mois de mars 1994 les renseignements militaires indiquaient un effectif de + 3.000 militaires du FPR infiltrés dans la Capitale Kigali.
Quant aux armes, elles étaient chargées dans des camions complètement bâchés ou « transportant du bois de chauffage à partir de Mulindi » alors qu’on pouvait acheter le bois à l’intérieur du Pays tout près de Kigali. Les Forces Armées Rwandaises ont protesté mais en vain. Lorsque les Forces Armées Rwandaises ont voulu contrôler le chargement au point de franchissement de leurs barrages et postes de contrôle, notamment à Ngondore (alors ligne de démarcation entre la zone du FPR et celle des FAR sur la route Kigali-Gatuna), la MINUAR s’y est opposée sous prétexte qu’elle assiste au chargement et au déchargement.
Aloys Ntiwiragabo
[pp. 111-116]
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