Génocide rwandais. La note des diplomates anglo-saxons à l’ONU transpire un soutien indéfectible à Paul Kagame
Les notes diplomatiques rédigées par Kelly Craft, ambassadeur des USA à l’ONU et par Jonathan Allen, de la mission de Royaume-Uni auprès de la même institutions sont sans équivoque. Plutôt ‘‘génocide au Rwanda’’ que ‘‘génocide des Tutsi’’.
Pour l’ambassadeur des USA, les changement apportés au texte initial [du 23 decémbre 2003 qui parlait de ‘‘genocide in Rwanda’’] « restreignent la portée de la résolution au génocide contre les Tutsi au Rwanda et ne parviennent pas à saisir pleinement l’ampleur de la violence qui a été commise contre d’autres groupes. De nombreux Hutus ont également été tués pendant le génocide, y compris ceux assassinés pour leur opposition aux atrocités commises. Ne pas honorer et se souvenir de ces victimes présente une image incomplète de cette partie sombre de l’histoire ».
Quant au représentant du Royaume Uni, il écrit : « Nous appuyons fermement le souvenir des victimes du génocide rwandais de 1994 et j’estime important de veiller à ce que ces commémorations reconnaissent toutes les victimes. Tandis que nous n’avons pas rompu le silence sur le texte, nous voudrions saisir cette occasion pour exprimer quelques réserves sur le texte. Ces réserves concernent le fond – nous sommes en désaccord avec le cadrage du génocide purement comme le ’’génocide de 1994 contre les Tutsi’’. Comme indiqué dans les résolutions précédentes, nous pensons que les Hutus et les autres victimes devraient également être reconnus ».
Ce diplomate explique que le processus de négociation et d’adoption ayant abouti aux changements de « génocide au Rwanda » en « génocide contre les Tutsi », n’a pas été transparent.
De fait il est ahurissant de voir le degré élevé de magouilles auxquelles se sont rendus coupables certains délégués. La presse avait d’ailleurs parlé, en son temps, de hold up décisionnel à l’ONU.
Cependant, à la lecture de deux notes diplomatiques, publiées d’une façon très rapprochées et dans le temps et dont leurs contenus sont proches voire concertés, quelque chose d’intriguant y transpire.
Il vous souviendra que dans son discours d’ouverture des commémorations du génocide le 07 avril 2020, Paul Kagame, avait soigneusement omis de prononcer le mot « ‘‘génocide contre les Tutsi’’ », lui préférant le terme « amahano » (désastre) ou encore : ‘‘les événements que notre pays a traversés’’ (ibyabaye ku gihugu cyacu,… ». Cette observation de l’analyste politique Sylvestre Nsengiyumva n’est pas isolée.
Après ce discours très suivi, les réseaux sociaux se sont emballés, certains commentateurs parlant même de révisionnisme du président car pour la toute première fois depuis 26 ans, il a évité volontairement de parler du génocide commis contre les Tutsi, dans un discours censé, de surcroît, en inaugurer la commémoration.
La raison de cette volte-face doit être de taille. Et si Paul Kagame avait été informé préalablement de la position de deux puissances anglo-saxonnes connues pour être des artisans de sa victoire et des parrains de son régime depuis juillet 1994 ? Et qu’en retour, il les obéit au doigt et à l’œil et dans ce cas, il ne pouvait pas se permettre d’aller contre leurs instructions.
En lisant entre les lignes de la note de l’ambassadeur des USA à l’ONU, une raison, peut-être plus profonde et qui a obligé Kagame à tempérer ses ardeurs en rapport avec le génocide se trouve peut-être dans l’extrait suivant : « La révision du langage utilisé pour décrire les génocides passés crée un dangereux précédent et risque de conduire à revisiter d’autres jours de réflexion. (…) Nous demandons instamment à nos confrères membres d’insister pour que les histoires de génocides passés et d’autres atrocités de masse ne s’estompent pas avec le temps ».
Dans tous les cas, quelle que soit la gravité du contenu de deux notes, Paul Kagame conserve des faveurs de la primeur de l’information, du partage de renseignements et de la promotion de sa la diplomatie par les deux puissances anglo-saxonnes. Une fois de plus, cela montre qu’il continue d’être leur chouchou et qu’elles lui gardent confiance dans la sauvegarde de leurs intérêts économiques et géostratégiques.
Gaspard Musabyimana
27/05/2020
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