Rwanda : la liste des hautes personnalités les plus corrompues enfin dévoilée

Le 26 juin 2020, le président Kagame a présidé une réunion des hauts cadres du Front Patriotique Rwandais (FPR, parti au pouvoir). Il a publiquement fustigé des détournements scandaleux opérés par les hautes personnalités de son administration. Il s’en est pris, séance tenante, à l’inamovible ministre des infrastructures Claver Gatete.

 

Ancien directeur du Trésor au ministère des Finances (2003-2005), ambassadeur au Royaume-Uni (2005-2009), gouverneur de la Banque nationale du Rwanda (2009-2011), ministre des Finances (2011-2018) et enfin ministre des Infrastructures d’avril 2018 à aujourd’hui, Claver Gatete est un des poids lourds du FPR.

 

Selon « Therwandan », le président Paul Kagame a sermonné, publiquement, le ministre Gatete d’avoir usé de son pouvoir pour obliger la ville de Kigali à procéder à l’asphaltage d’une route qu’il emprunte pour aller à son domicile. Le ministre a ensuite, par un simple coup de téléphone, obligé les mêmes services à placer des dos d’ânes sur cette route.

 

Il a été ensuite reproché au ministre Gatete d’avoir accordé illégalement un marché de 260 millions de FRW à l’entreprise kenyane « Out Of The Box » pour la fourniture d’un logiciel de gestion des bâtiments publics en circuitant le département directement responsable qu’est « Rwanda Housing Authority » (RHA). Claver Gatete est également cité dans un procès en cours dans lequel, lui et James Musoni un autre poids lourd du FPR, actuellement ambassadeur au Zimbabwé et son prédécesseur au ministère des Infrastructures, ont octroyé un marché de 10 milliards de FRW sans appels d’offres. Le président Kagame a dévoilé que Claver Gatete est également impliqué, en complicité avec un certain Caleb Rwamuganza, dans le payement d’un surplus de 7,5 milliards dans l’achat d’un immeuble privé.

 

Dans ce cadre de détournement et de gaspillage de l’argent public, le cas de James Musoni, ministre des infrastructures entre 2014 et 2018, se passe de tout commentaire. Il a fait perdre à l’Etat rwandais plus de 22 milliards de FRW dans un projet de Biogaz qui est mort-né malgré les sommes colossales dépensées.

 

Sur le même registre, le président Kagame a reproché au ministre de la Justice Johnson Busingye, que lui, en complicité avec les magistrats, s’entendent pour libérer des gens contre des prébendes. Il a cité le cas de Nicholas Kaganza, un cadre de Rwanda Development Board (RDB), qui a détourné 363 millions de FRW. Arrêté, Kaganza a été rapidement libéré. Il est parti en Ouganda. Extradé, il a été remis en prison pour encore être libéré sans formalités. Ce jeune homme de 28 ans, corrompu jusqu’aux os, est propriétaire de 5 villas dans la ville de Kigali. Le président a trouvé le cas de ce jeune scandaleux et a ordonné son ré-arrestation, quitte à braver la décision des tribunaux.

 

D’une manière générale, le président Kagame a blâmé des personnalités qui profitent de leur position politique pour se rendre coupable de détournements des deniers publics, de trafic d’influence et autres délits passibles de prison. Il a cité à cette occasion, Emmanuel Gasana (ex-chef de la Police) frère de Claver Gatete, Jean Marie Vianney Gatabazi (ex-gouverneur de la Province du Nord), Dr. Diane Gashumba ex-ministre de la santé), Robert Nyamvumba (Division Energie au ministère des Infrastructures) et Général Patrick Nyamvumba (ex-  ministre de la Sécurité Intérieure).

 

Dans son édition du 1/5/2020, le journal The Chronicles paraissant en ligne a dévoilé la liste des top 10 des personnalités rwandaises les plus corrompues.

 

Dr Isaac Munyakazi – Début février, au cours de la séance d’ouverture de la retraite annuelle du gouvernement, le président Kagame a révélé, de manière choquante, qu’il avait destitué le ministre d’État à l’Éducation, le Dr Isaac Munyakazi, pour avoir touché un maigre pot-de-vin de 500.000 RWF. Ce fut un choc pour le public car ce montant représente environ 30% de son salaire mensuel de ministre.

James Musoni, Dr Isaac Munyakazi, Bishop Tom Rwagasana, Paul Muvunyi, Theoneste Mutsindashyaka and Pudence Rubingisa/photo https://www.chronicles.rw/

 

 

 

 

 

 

 

 


Vincent ‘De Gaulle’ Nzamwita
– Vers 2013, l’instance dirigeante du football mondial, la FIFA, a proposé de financer la construction d’un hôtel de sport de 88 chambres pour l’organisme local du football rwandais FERWAFA. Cela devait coûter 4 milliards de RWF. En 2016, le président de la FERWAFA, Vincent ‘De Gaulle’ Nzamwita, son secrétaire général et un autre homme d’affaires, ont été inculpés pour détournement des fonds du projet. Nzamwita a été accusé de favoritisme, de mépris des procédures de passation des marchés et de corruption, mais il a été acquitté. Ses collègues sont allés en prison, un pour trois ans, un autre pour six mois.

 

Aujourd’hui, la FERWAFA a de nouveaux dirigeants. L’hôtel n’a jamais été construit et dans cette affaire, la FERWAFA a perdu 200 millions de RWF et aurait une dette de plus de 932 millions de RWF envers l’entreprise de construction chinoise.

 

Evode Imena – En 2016, un jeune ministre d’État des Mines, Evode Imena, a été licencié, arrêté et jugé pour avoir causé la perte de plus de 686 millions de RWF à une société privée « Nyaruguru Mining Company Ltd ». Il a été accusé d’avoir utilisé ses pouvoirs pour révoquer illégalement la licence de l’entreprise.

 

L’affaire était considérée à l’époque comme un exemple patent de comment le pouvoir politique était utilisé abusivement. Contre toute attente, en décembre 2017, le tribunal de Nyarugenge a rejeté toutes les accusations portées contre le ministre d’État Imena.

 

Église ADEPR – Depuis mars 2017, un groupe de 12 pasteurs et directeurs financiers de l’Église pentecôtiste du Rwanda (ADEPR) a été accusé d’avoir comploté pour voler 3,3 milliards de francs rwandais appartenant à cette église. Le vol de cet argent a failli provoquer une révolte dans l’ADEPR. Selon les informations recueillies, le président Kagame aurait ordonné à la police puis au procureur général de reprendre l’affaire. Les inculpés ont été acquittés. L’appel de l’avocat de l’église contre cet acquittement n’a rien donné.

 

Théoneste Mutsindashyaka – Entre 2010 et 2011, Théoneste Mutsindashyaka, alors ministre d’État à l’éducation en charge de l’enseignement primaire, a été accusé d’avoir fait perdre au gouvernement 1,7 milliard de FRW en collusion avec d’autres fonctionnaires.

 

Il a été condamné à cinq ans de prison par le tribunal de première instance de Kacyiru et envoyé à la prison centrale de Kigali. Mutsindashyaka a fait appel contre ces accusations et a été acquitté par la cour d’appel. Il avait été arrêté alors qu’il était maire de Kigali.

 

Pudence Rubungisa – Il est le maire actuel de Kigali City. En août 2017, les médias ont rapporté son arrestation pour avoir causé une perte financière de 1 milliard de RWF à l’Université du Rwanda (UR) où il était vice-chancelier adjoint des finances et de l’administration.

 

Rubingisa a autorisé, à différents moments, des paiements indus à l’entrepreneur, malgré l’absence de travaux sur le terrain pour justifier ces décaissements. Malgré que c’était flagrant, Rubingisa a été acquitté, et  personne d’autre n’a été tenu responsable de cette fraude. Et pire encore, Rubingisa a été gratifié d’un autre poste comme maire de la capitale, une autre vache à lait.

 

Paul Muvunyi – Homme d’affaires, Paul Muvunyi était jusque récemment, président de Rayon Sports, une équipe très populaire dans la ligue locale. Il était également, depuis des années, directeur d’une société parastatale de pyrèthre. 1,1 milliard de RWF ont été subtilisé des coffres de la société. De même, une entreprise kenyane, la «  Kenya Pyrethrum Board », a effectué un payement de 1,2 millions de dollars pour l’achat du pyrèthre liquide mais cette argent n’a jamais atterri sur les comptes de la société rwandaise de pyrèthre dont Muvunyi était directeur.

 

Un procès est en cours depuis près de 12 ans pour récupérer une somme de 8,2 milliards de RWF qu’il est censé avoir détourné. De recours en recours, le procès est à la Cour suprême. En mars de cette année, Muvunyi a fait appel au président Kagame, via les médias, affirmant que certains individus en voulaient à sa personne, sans faire mention aucune de ces milliards perdus par la société qu’il dirigeait.

 

Janvier Gasana et Dr. John Rutayisire – Il était reproché à ces deux anciens directeurs généraux de Rwanda Education Board (REB) d’avoir trempé dans la disparition de 249 millions de RWF. Ils ont été acquittés l’année dernière et personne d’autre n’a été tenu responsable la perte de cet argent.

 

Projet de maison de Karongi – Il y a eu le cas d’un projet de construction de 384 maisons dans le district de Karongi en 2012. Seulement 11 maisons furent construites. Un rapport du Médiateur en a fait mention mais sans aucune suite. Des milliards d’argent se sont simplement volatilisés !

 

Alex Kanyankole – Ancien PDG de la Banque de développement du Rwanda, Alex Kanyankole a été a emprisonné pendant 6 ans pour avoir attribué, de manière controversée, un contrat de 8,1 millions de dollars pour la fourniture d’engrais à une société appelée « Top Services ». Il a également aidé une autre entreprise à obtenir un prêt de 500 millions de RWF de sa banque. Le tribunal de Kigali a statué qu’il avait obtenu des pots-de-vin de près de 100 millions de RWF à différents endroits.

 

Malgré des centaines de millions qu’il a engrangés, Kanyankole a été condamné à payer une amende de 22,5 millions de RWF au lieu d’être sommé de rembourser la totalité des pertes qu’il a fait subir à la Banque dont il avait les destinées.

 

La liste de ces procès très médiatisés est longue. Comme le rapporte The Chronicles à partir d’un examen des données gouvernementales des trois dernières années, la lutte contre la corruption s’appesantit sue les « petits poissons », des personnes vulnérables qui sont majoritairement condamnées. Les « gros poissons », une fois attrapés, parviennent par tout un tas de mécanismes, à s’en tirer. La colère du président Paul Kagame y changera-t-elle quelque chose ? Rien n’est sûr car c’est tout un système solidifié qu’il faudra démanteler.

 

Jane Mugeni

 

 

 

 

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