Le problème hutu-tutsi et sa gestion au Rwanda et au Burundi

On ne le rappellera pas assez : la rivalité politique entre les deux principales ethnies des territoires de l’Afrique centrale  sous tutelle belge et devenus des Etats indépendants en 1962 que sont le Burundi et le Rwanda, constitue le fil conducteur de la vie politique et sociale dans ces pays. Ce problème, devenu criant à la veille de l’indépendance de ces pays, fut différemment géré dans chacune de ces entités. Le seul dénominateur commun est que la solution préconisée ici et là et présentée un moment comme définitive et radicale se révèle toujours illusoire et même catalyseur de ce conflit.

 

Ainsi, depuis son indépendance et surtout à partir de 1966 quand la monarchie fut abolie et cela jusqu’en 2000, les autorités successives ont décrété que les ethnies hutu, tutsi et twa n’existaient pas au Burundi et quiconque osait prononcer ce vocable était  condamné pour “divisionnisme”.

 

Pourtant les mêmes autorités ne tardèrent pas à se retrouver face à leurs contradictions. En 1972, le régime du colonel tutsi Micombero déclara que les Hutu voulaient le renverser et en représailles, plus de 500.000 hutu instruits furent tués dans ce qui est toujours considéré et avec raison par certains comme “un génocide contre les Hutu”. De même, en 1988, sous la présidence du major tutsi Pierre Buyoya qui venait de renverser un autre officier tutsi le colonel Jean Baptiste Bagaza, l’armée monoethnique tutsi n’hésita pas à raser avec des chars, des hélicoptères de combat et même en y répandant du Napalm, des collines de deux communes du Nord du pays de Ntega et Marangara, sous prétexte qu’elles étaient habitées par des Hutu défavorables au régime tutsi et que c’était de là que pourrait provenir une rébellion armée des Hutu.

 

L’apothéose fut atteinte en octobre 1993 quand l’armée monoethnique tutsi a assassiné, au grand jour après, l’avoir torturé dans les jardins du Mess des officiers, le tout premier président hutu qui venait d’être élu démocratiquement à peine trois mois auparavant, feu Melchior Ndadaye. Les officiers  et hommes de troupes tutsi qui l’ont assassiné disaient qu’ils ne pouvaient pas tolérer qu’un hutu soit président de la République et donc constitutionnellement leur commandant en chef. Pour eux, c’était impensable. Depuis lors, le régime tutsi a alors admis que les ethnies hutu et tutsi coexistent bel et bien au Burundi contrairement à ce que le même régime faisait croire à la population et surtout au monde.

 

Ce constat fut à la base de l’Accord de paix d’Arusha signé entre le régime tutsi et différentes rébellions hutu en 2000 sous les auspices de Nelson Mandela ancien président d’Afrique du Sud d’après l’Apartheid. Des quotas furent fixés montrant comment les Tutsi et les Hutu doivent être représentes dans les différentes instances et institutions du pays : Gouvernement, Armée et Police, Instances judiciaires, Diplomatie, Administration centrale, Sociétés para-étatiques, … Ce principe fut inscrit dans la Constitution et tout régime doit s’y conformer.

 

Au Rwanda voisin, l’évolution politique et sociale fut à l’opposé du Burundi. Depuis l’indépendance, les ethnies hutu, tutsi et twa furent maintenues et reconnues sans complexe. Depuis 1973, le régime d’alors instaura même un système d’équilibre ethnique pour garantir à chaque ethnie ce qui lui est dû proportionnellement à son poids dans la population du pays.

Mais en 1994, les Tutsi ont repris le pouvoir qu’ils avaient perdu en 1959 et depuis lors y exercent un pouvoir quasi féodo-monarchique, même si c’est sous le couvert de la “République”. D’aucuns diront que c’est “de bonne guerre” car les Tutsi doivent obtenir leur revanche après leur déconvenue des années 1959-1962.

 

Mais là où le bât blesse, c’est quand ce nouveau régime tutsi décrète que les ethnies Hutu, Tutsi, Twa n’existent pas au Rwanda. Exactement la même politique de l’autruche qui a pourtant échoué au Burundi voisin.

 

Pourtant, dans les faits, les Tutsi accaparent tout et contrôlent tous les leviers du pouvoir et de l’avoir du Rwanda depuis 1994. Ils sont majoritairement écrasants au gouvernement, dans le système judiciaire (Parquet, Cours et Tribunaux), dans la diplomatie avec les postes d’ambassadeurs, ils ont instauré une armée monoethnique tutsi, et même dans l’Eglise catholiques où sur les NEUF Diocèses du pays, seul DEUX sont dirigés par des Evêques hutu!  Pour illustrer notre propos voici:

 

 


 

Conclusion

Les Tutsi, qui ont repris le pouvoir au Rwanda en 1994, savent plus que quiconque, que chaque Rwandais sait qui est qui. Les Hutu se reconnaissent et connaissent qui est tutsi ou twa et vice-versa. En décrétant que les ethnies hutu-tutsi et twa n’existent plus au Rwanda et que les postes sont attribués selon le seul critère de compétence, le régime tutsi installé en 1994 se rend coupable d’un racisme extrême.

 

En effet s’il admet que seuls les Tutsi sont compétents pour être des officiers de l’armée, les seuls pour être des ministres, les seuls pour être des hauts magistrats ; hommes d’affaires prospères, et même les seuls pour être des Evêques et l’imposer au Vatican, ceci signifie qu’ils sont supérieurs aux Hutu et aux Twa, autrement dit que peu de Hutu et de Twa et encore triés sur le volet, sont capables d’occuper des postes importants.

 

Le constat est sans appel, et les concepteurs de cette idéologie n’ont rien à envier à ceux qui prêchaient, au 18ème siècle que le nègre n’avait pas d’âme et donc incapable d’exercer certaines fonctions. Aujourd’hui, les Tutsi du Rwanda l’applique aux Hutu et aux Twa. Ceci est donc un racisme pire que l’Apartheid, de triste mémoire, en Afrique du Sud. Pourtant les Tutsi du  Burundi avaient essayé cette politique d’autruche pendant des décennies avant de se rendre à l’évidence et de reconnaître les ethnies dans leur égalité. Le plus étonnant est de constater que les Tutsi, actuellement au pouvoir Rwanda, n’ont rien appris sur l’expérience de leurs congénères du Burundi qui les avaient pourtant aidés à reprendre le pouvoir au Rwanda.

 

Un régime si raciste et méprisant envers une grande partie de la population sur laquelle il règne ne peut espérer perdurer car ces laissés-pour-compte peuvent d’un moment à l’autre en avoir assez. Seul le moment et l’élément déclencheur ou le catalyseur reste jusqu’à présent inconnu mais c’est inéluctable.

 

Emmanuel Neretse

 

 

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