RDC/Présence militaire américaine à Kinshasa. Que retenir au-delà des phantasmes?
Une délégation des militaires de l’armée américaine a séjourné à Kinshasa dans le cadre de la coopération avec l’Institut congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN – parcs nationaux de Virunga et de la Garamba) et indirectement avec l’armée congolaise. Depuis des années, le parc de la Garamba bénéficie de l’appui logistique des Américains. Côté Forces armées de la RDC, les services pourraient bénéficier des données dans les renseignements nécessaires dans la lutte contre les jihadistes MTM. Des réactions de tout genre, allant jusqu’à prêter des intentions d’installer les réfugiés afghans dans notre pays (dans le Ruwenzori), sont enregistrées.
Phantasmes ou réalités !
Dans les milieux des FARDC, les avis sont aussi partagés. Pour certains, les Etats-Unis veulent jouer à fond la carte de la sécurité de la RDC. Pour d’autres, cette présence risque de compliquer et/ou d’aggraver la situation au front. Les uns et les autres peuvent avoir raison. En 2018, le général Delphin Kahimbi a révélé au journaliste Kibel’Bel Oka avoir fait cadeau de 6 exemplaires de son livre : « L’avènement du jihad en RDC. Un terrorisme islamiste ADF mal connu » aux services de renseignements américains. Sur leur propre demande. Alors que le Secrétaire général des Nations -unies le reconnaissait en 2019, il aura fallu attendre mars 2021 pour que le Département d’État reconnaisse officiellement les ADF comme une filiale de l’État islamique. La MONUSCO ne les a jamais reconnus comme mouvement jihadiste et ne sait toujours pas contre qui elle se bat.
« Depuis 2017, les FARDC avaient introduit une demande de matériel de géolocalisation auprès de l’armée américaine sans succès. Toujours de promesses », rapporte un haut gradé FARDC. Un autre de renchérir : « Ils ne font que nous distraire avec des échanges d’informations. »
En clair, les États-Unis tout comme la MONUSCO, savent bien ce qui se passe à l’est de la RDC. Les Etats-Unis ont mené des opérations de traque de Joseph Kony avec les FARDC dans la région de Dungu. En 2018, ils ont formé 12 officiers de renseignement FARDC sur le jihad à Goma et à Dar-es-Saalam. Ils savent donc ce qui se passe à l’est du pays.
Les États-Unis et le Congo, une histoire de déstabilisation
Il est important de souligner que depuis le Congo-Belge, les États-Unis ne se sont jamais désintéressés du Congo (mieux des richesses du Congo) même s’ils ont sous-loué le pays aux Belges. On n’abandonne pas un pays aux scandales géologiques immenses et qui déterminent l’avenir du monde. 1921, le Council on Foreign Relation (CFR- gouvernement « fantôme » des Etats-Unis qui dirige en coulisse la politique étrangère et qui regroupe 4 pouvoirs : économique, militaire, politique et médiatique) a financé de nombreux projets au Congo belge à travers la Standard Oil Company de John Rockefeller . En 1954, les Américains ont mené des études sur le barrage d’Inga et l’ensemble de la région (Katanga, la Rhodésie (Zambie et Zimbabwe) jusqu’en Afrique du Sud. S’en suivirent des événements atroces pour l’avenir de la RDC : assassinat de Lumumba, crash de l’avion transportant le Secrétaire général des l’ONU Dag, chute de Mobutu, assassinat de Mzee Laurent-Désiré Kabila, éjection de Joseph Kabila Kabange du pouvoir. En effet, en 2008, avant la signature du contrat chinois par Pierre Lumbi, le président chinois avait signifié à Joseph Kabila qu’il « signait sa mort. Il devait bien réfléchir car il ne saurait reculer. » Ce contrat (5 chantiers) donnait feu vert à la Chine à prendre possession du sol et sous-sol congolais.
A cause dudit contrat, les 17 métaux nommés « Terres rares » dont les nouvelles technologies sont friandes ont été livrés gratuitement aux Chinois. D’où la colère des Occidentaux.
Une présence pour activer le terrorisme (in)existant à Beni ?
Certains esprits font une analyse trop simpliste de la présence américaine en RDC. Personne mieux que les renseignements américains sait que les MTM sont des jihadistes islamistes. Ils ont simplement retardé le « dont acte » pour des raisons qui leur sont propres. Dans la région de Beni, nombreux qui ne jurent que sur la présence des « ADF » oublient que la plus grande entreprise qui achète le cacao de Beni est anglo-américaine. Tout comme les chercheurs qui arpentent le Ruwenzori (et qui ont reconnu les ADF comme mouvement terroriste après le journaliste Nicaise Kibel’Bel Oka) sont Américains travaillant pour notamment deux universités américaines, Université de New York et Université de Californie. Ils oublient aussi que des Américains financent de nombreux projets dans le Grand Nord (dont celui du cacao, les universités avec des étudiants chercheurs qui sillonnent le milieu en se relayant utilisant des « petits congolais ») et même des « petits » bureaux d’études congolais qui leur servent de relai.
Depuis que le président Museveni ne jure que sur du pétrole à la frontière avec la RDC, certains congolais voient le démon partout. Que représente ce pétrole par rapport aux « Terres rares » ?Jusqu’à preuve du contraire, ce pétrole relève du mythe et du phantasme car le forage industriel annoncé depuis 2013 attend toujours des résultats sismiques.
Les FARDC vilipendées à longueur de journées
Ce qui vient de se passer en Afghanistan devrait servir de leçon aux Congolais. Depuis des années, les Américains avaient annoncé le retrait définitif de leurs troupes après près de 20 ans. Des Chefs d’État qui répondent de leur opinion publique n’ont pas besoin de nos pleurs pour agir. On ne peut pas rester indéfiniment dans un pays étranger. L’armée américaine comme celles d’autres pays qui ont participé à la guerre contre les Talibans ont eu à former et à préparer l’armée afghane à la relève. Pourquoi cette fuite devant les talibans ? Un ami officier qui a participé à la guerre contre les Talibans répond : « Les troupes afghanes ont reçu une solide formation militaire sauf qu’elles sont faibles psychologiquement. Armée formée aux méthodes classiques, elle ne peut pas répondre par la cruauté à la barbarie des actes des talibans. Les Talibans sont agressifs et cruels. Ils sèment la peur et la mort. Au nom de la chari’a ».
Tous les pays qui participent en appui aux FARDC y compris la MONUSCO devront un jour quitter notre pays et laisser l’armée congolaise seule devant ses responsabilités. Il faut bâtir une armée solide adaptée aux besoins présents et à venir. Cette armée, c’est avec les Congolais de tout bord qu’elle sera forte. Bien avant la proclamation de l’État de siège et durant son fonctionnement, l’on assiste à des attaques inimaginables contre l’armée. Lorsque cela vient des députés, il faut craindre la crise du patriotisme. Certains préfèrent des milices locales/communautaires à l’armée nationale. Les talibans sont comparables aux maï-maï et autres forces étrangères qui tuent sans sommation la population. Il est déplorable que des Congolais se mettent à longueur des journées à vilipender l’armée nationale, l’émanation de la population congolaise. Est-il important de rappeler qu’il n’y a pas une autre armée sinon les FARDC pour assurer la sécurité des personnes et de leur biens et l’intégrité du territoire national.
Nicaise Kibel’Bel Oka
Journaliste d’investigation et écrivain
Source : geopolismagazine.net
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