Requête très éloquente de l’avocat des acquittés et libérés rwandais du TPIR au Premier ministre du Niger
Niamey, le 29 Décembre 2021
A
Monsieur le Premier Ministre
Chef du gouvernement
Objet Recours hiérarchique contre l’arrêté N°001258 MI/D/DGPN/DS en date du 27 Décembre 2021
Auteur de la décision : Ministre de l’intérieur et de la décentralisation
Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Les sieurs Zigiranyirazo Protais, Nzuwonemeye Francois Xavier, Nteziryayo Alphonse, Muvunyi Tharcisse, Ntagerura André, Nsengiyumva Anatole, Mugiraneza Prosper, Sagahutu Innocent, tous assistés de Maître HAMADOU Kadidiatou, Avocat à la Cour, Niameysé Cabinet d’Avocats (NCA), Rue du Kawar Kalley Est KL 49, Tel: 20.33.01.85/84.06.06.85
ONT L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER
Qu’ils sont tous des citoyens rwandais jugés puis libérés ou acquittés par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) ;
Que la résolution 2529(2020) du 25 juin 2020 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU, souligne« qu’il importe de trouver des solutions rapides et durables à la question de la réinstallation des personnes acquittées ou libérées » par le TPIR ;
Que suivant accord en date du 15 novembre 2021 signé entre la République du Niger et l’Organisation des Nations unies, « la République du Niger a accepté d’assurer la réinstallation sur son territoire des neuf (9) personnes libérées ou acquittées» (pièce N°1) ;
Que mieux, aux termes de l’article 5 de l’accord susdit,« la République du Niger accorde aux personnes libérées ou acquittées, sans exiger de paiement, le statut de résident permanent, et leur délivre les pièces d’identité pertinentes, dans les trois mois suivant leur entrée sur le territoire ».
Que contre toute attente et en violation de cet engagement international auquel le Niger a souverainement souscrit, les autorités nigériennes ont usé d’artifices pour définitivement retirer aux requérants leurs permis de séjour en prétextant que c’est pour procéder à des corrections matérielles sur lesdits titre de séjour;
Que dans la même foulée, alors qu’il n’existait aucune raison sérieuse de penser que leur comportement ou leur présence sur le territoire national constitue une menace à la sécurité et à l’ordre public, l’État du Niger a placé les requérants en résidence surveillée, les privant ainsi de leur liberté de mouvement et leur empêchant du coup de se rendre à leurs lieux de prière, en violation flagrante des engagements juridiques auxquels il a librement souscrit et des libertés fondamentales des exposants;
Que plus grave, le ministre de l’intérieur et de la décentralisation par arrêté N°001258 MI/D/DGPN/DS en date du 27 Décembre 2021, a ordonné leur expulsion définitive du territoire du Niger, avec interdiction permanente de séjour en leur impartissant pour tout délai une semaine pour quitter le pays alors même qu’ils ne possèdent aucun titre de voyage international;
Que cette décision porte un réel préjudice aux requérants qui sollicitent un réexamen de leur situation au regard des éléments ci-après :
Que cette décision pour le moins préoccupante, met en lumière une grossière violation par l’État du Niger de l’accord de réinstallation conclu avec l’Organisation des Nations Unies ;
Qu’il est donc mal fondé pour prononcer l’expulsion des personnes bénéficiaires dudit accord ;
Qu’aussi longtemps que cette convention n’est pas régulièrement dénoncée, l’État du Niger ne peut sans engager sa responsabilité refuser d’exécuter les termes de celle-ci ;
Qu’en outre, il n’a jamais été prouvé que les requérants se sont rendus coupables de violation des lois de la République du Niger, en particulier celles relatives à leur statut de résidents permanents ; du reste l’arrêté en cause ne vise que« des raisons diplomatiques)) excluant tout recours à un motif sérieux tenant aux requérants;
Que de même, il ne peut leur être reproché une quelconque atteinte ou menace à l’ordre public ;
Que quand bien même ils se seraient rendus coupables d’une quelconque violation de la loi, il appartient à l’État du Niger d’informer le Greffier du Mécanisme par écrit de ladite violation et en consultation avec ce dernier, prendre les mesures nécessaires conformément à l’article 6.3 de l’accord de réinstallation intervenu entre le gouvernement du Niger et l’Organisation des Nations Unies ;
Attendu par ailleurs que l’arrêté en cause souffre cruellement d’un défaut de motivation ;
Qu’en effet ladite décision ne contient aucun moyen de fait ou de droit justifiant l’expulsion des requérants du territoire nigérien ;
Attendu qu’il est de droit et de jurisprudence que les décisions administratives individuelles défavorables restreignant l’exercice d’une liberté publique doivent être suffisamment motivées;
Attendu que la décision en cause se contente d’édicter que les requérants « sont définitivement expulsés du territoire du Niger avec interdiction permanente de séjour, pour des raisons diplomatiques», sans énoncer aucun moyen de droit qui pourrait lui servir de fondement;
Attendu par ailleurs que l’expulsion des personnes âgées de 60 à 83 ans comme c’est le cas en l’espèce, est contraire aux valeurs de civilisation qui fondent la personnalité du peuple nigérien;
Que mieux, aux termes de l’article 25 de la constitution nigérienne du 25 novembre 2010 « l’Etat veille sur les personnes âgées à travers une politique de protection sociale »
Que mieux encore, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples régulièrement ratifiée par le Niger, protège les étrangers et les personnes âgées en ces termes :
Article 12.4 : << l’étranger légalement admis sur le territoire d’un Etat partie à la présente Charte ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une décision conforme à la loi >>
Article 18.4 : « les personnes âgées ou handicapées ont également droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques ou moraux »
Attendu que l’expulsion des requérants est contraire aux principes des Nations Unies pour les personnes âgées ainsi qu’à la résolution 45/ 106 du 13 septembre 2002 sur les personnes âgées ;
Attendu en outre que les requérants bien que jugés et acquittés par le TPIR, continuent d’être considérés par le gouvernement Rwandais comme « les plus grands génocidaires »
Attendu qu’à l’expiration du délai de 7 jours contenu dans l’arrêt d’expulsion, les exposants risquent d’être déportés au Rwanda où ils pourraient connaitre le même sort que d’autre opposants au régime rwandais renvoyés au pays dans des conditions similaires ; notamment les tortures et autres traitements inhumains et dégradants voire l’assassinat politique ;
Qu’il ya donc lieu de sursoir à toute mesure tendant à exposer les requérants à toute mesure d’expulsion afin de préserver leur liberté, leur intégrité corporelle et même leur vie;
C’est pourquoi, au regard des faits sus énoncés, les sieurs Zigiranyirazo Protais, Nzuwonemeye Francois Xavier, Nteziryayo Alphonse, Muvunyi Tharcisse, Ntagerura André, Nsengiyumva Anatole, Mugiraneza Prosper et Sagahutu Innocent requièrent qu’il vous plaise Monsieur le Premier Ministre en tant que chef du gouvernement de bien vouloir instruire le ministre de l’intérieur pour qu’il rapporte son arrêté N°001258 MI/D/DGPN/DS en date du 27 Décembre 2021 qui ne repose manifestement sur aucun fondement légal.
Veuillez agréer, excellence Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mes cordiales salutations
Me HAMADOU M. Kadiaditou
Avocat à la Cour
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