Les prix de distinction de niveau mondial. A quoi riment-ils ?

Introduction

 

La saison des prix prestigieux internationaux et annuels qui débute généralement en octobre se poursuivra jusqu’en fin de cette année 2022.

Ces prix de distinction de niveau international sont quasiment tous décernés par l’Occident qui en ces circonstances est assimilé à ce qui s’appelle la “communauté Internationale”. Celui-ci le fait à travers les états agissant individuellement ou les organisations regroupant un certain nombre d’états.

 

Nous allons parler un peu des plus prestigieux et connus de ces prix en essayant de cerner leur nature et les critères de choix pour leur attribution. Signalons que les bénéficiaires de ces prix sont souvent des personnes physiques mais quelques fois des personnes morales dont on souhaite rendre hommage pour leurs actions dans les domaines concernés.

 

Les Prix Nobel

 

Genèse et but

 

Le Prix Nobel est une récompense de portée internationale. Remis pour la première fois en 1901, les prix sont décernés chaque année à des personnes « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité », par leurs inventions, découvertes et améliorations dans différents domaines de la connaissance, par l’œuvre littéraire la plus impressionnante, ou par leur travail en faveur de la paix, suivant ainsi les derniers vœux d’Alfred Nobel, inventeur de la dynamite.

 

Quand on examine la liste des lauréats du Prix Nobel depuis son instauration en 1901, on constate que certains lauréats répondaient vraiment aux critères définis par Alfred Nobel. Ceux-ci se retrouvent exclusivement dans la catégorie des prix pour les Sciences exactes: Physique, Chimie, Médecine, …

Mais hélas ! pour d’autres, le choix des lauréats était souvent guidé par les impératifs politiques et le contexte géostratégique qui prévaut au moment de leur attribution.

Il en est ainsi pour presque systématiquement le Prix Nobel de la Paix.

 

Quelques Prix Nobel de la Paix et dans quel cadre ils furent attribués

 

Dans le cadre de la guerre froide

 

En 1975, le Prix Nobel de la paix fut attribué au physicien russe Andrei Sakharov considéré par tous comme le “père de la bombe nucléaire russe” et donc ayant permis à l’URSS de s’élever au rang d’une Super Puissance mondiale après les Etats Unis. Mais comme il était en rupture de banc avec sa hiérarchie et que même il était emprisonné, ce prix lui fut attribué non pas pour son apport dans la chimie-physique et moins encore pour le rendre célèbre puisqu’il l’était déjà, mais comme un signal donné au reste du monde que ceux qui combattraient l’URSS aux côtés des Etats-Unis et donc de l’OTAN, seraient considérés comme des ”héros en Occident”.

 

De même, en 1989, le Prix Nobel de la Paix fut attribué au Dalai Lama, le chef spirituel des bouddhistes chinois. Non pas pour son statut comme Chef religieux, si respectable soit-il, mais comme leader d’opinion dans la contestation de l’autorité du gouvernement de Pékin dans sa province natale du Tibet qui réclamait son autonomie. Ce fut donc un signal adressé à la Chine communiste par l’Occident, comme quoi il soutiendrait tout opposant à Pékin quel que soit son statut et ses motivations.

 

Pression sur un régime d’une junte non désirée

 

En 1991, le prix Nobel de la Paix fut décerné à Aung Sun Suu Kyi. Celle-ci était (et est encore et de nouveau) une opposante à la junte militaire qui avait renversé son père en Birmanie ( actuellement Myanmar). Après quelques années, et avec l’ouverture de l’espace politique en Birmanie, la lauréate du Prix Nobel 1991 auréolée de cette distinction, parviendra à être hissée au pouvoir par des élections dans lesquelles son parti sortit victorieux. Mais elle sera renversée par un nouveau putsch militaire et est actuellement en détention pour purger des peines d’emprisonnement de plusieurs années dont elle est de jour en jour condamnée pour divers chefs d’accusation, dont principalement des détournements de fonds publics ou de corruption quand elle était au pouvoir.

 

Mettre fin à l’Apartheid en douceur et sans trop bousculer la minorité blanche

 

En 1993, le Prix Nobel fut décerné à Nelson Mandela conjointement avec Frédéric Declerk alors président de l’Afrique du Sud. Ce dernier venait de libérer de prison le même Nelson Mandela qui venait d’y passer 27 ans pour sa lutte contre le système politique du même Frédéric Declerk connu sous le vocable d’Apartheid. En fait, ce prix Nobel venait célébrer l’entente conclue pour que la minorité blanche cède le pouvoir politique à la majorité noire sur le principe ”un homme, une voix”, mais surtout qui garantissait pour toujours aux blancs de maintenir le pouvoir économique dans ses mains, donc toutes les ressources du pays entre les mains des Blancs quoique minoritaires. Entretemps, le potentiel de l’arme nucléaire dont l’Afrique du Sud était détenteur (même avant Israël), devait, selon cet accord, être démantelé avant de remettre le pouvoir politique et militaire aux Noirs. Ce qui fut fait avant l’entrée en fonction de l’ancien prisonnier Nelson Mandela comme président. Depuis lors, l’Afrique du Sud ne fait donc plus partie du club réduit des Etats disposant de l’arme nucléaire que sont: Les Etats Unis d’Amérique, la Russie, la Chine, la Grande Bretagne, la France, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord (?), alors qu’elle avait acquis sa technologie bien avant l’Inde ou le Pakistan du temps de l’Apartheid, mais qu’elle a dû la démanteler pour qu’elle ne tombe pas aux mains des Noirs.

 

Forcer un processus de paix léonin et donc qui serait spectaculaire car irréaliste

 

Le Prix Nobel de la paix de 1994 fut attribué conjointement au palestinien Yasser Arafat et au Premier Ministre d’Israël Yitzhak Rabin. Ceci faisait suite à l’accord et à la poignée de main entre les deux hommes alors que l’un considérait l’autre comme l’ennemi suprême. C’était  à Oslo en Norvège pour lancer un processus qui était censé aboutir à l’établissement de la paix entre les palestiniens et les juifs en Palestine. Ce geste était  effectivement spectaculaire quand on considère le contexte du moment. A l’époque (et même jusqu’à sa mort), le palestinien Yasser Arafat était considéré par l’état hébreux et repris par le monde entier comme un ”terroriste”, parce qu’il réclamait le droit des Palestiniens chassés de leurs terres en 1948 à la création de l’Etat d’Israël,  d’où ils avaient été chassés pour devenir des éternels réfugiés.

 

Mais malheureusement, le jeu de ce Prix Nobel, édition 1994, n’a pas pris. Car non seulement Yasser Arafat fut toujours inscrit sur la liste des “terroristes” en Israël et surtout aux Etats Unis, mais même le juif Yitzhak Rabin fut assassiné chez lui en Israël pour simplement avoir osé serrer la main de Yasser Arafat!

 

Tout miser sur l’Amérique, seule Super-puissance triomphante dominant le Monde

 

Par surprise, le monde entier a appris que le Prix Nobel de la paix 2009 venait d’être attribué à Barack Obama, le président des Etats Unis qui venait tout juste d’entrer en fonction en janvier de cette année. Comble du ridicule, le Comité Nobel disait qu’en lui attribuant ce prix, il appréciait d’avance ce qu’il allait accomplir au cours de sa présidence qu’il venait à peine de commencer.

 

Mais les analystes politiques ne s’y sont pas trompés car ils ont tout de suite décelé un message adressé au reste du Monde comme quoi désormais le Maître était l’Amérique et que désormais il fallait se plier à ses volontés partout dans le monde. Pourtant, après ses deux mandats (8 ans) le même Comité Nobel n’a même pas retenu sa candidature pour qu’il reçoive cette fois-ci le Prix Nobel qui couronnerait son action (et quelle action?) à la tête de l’Amérique et donc du Monde comme le demandaient certains politologues.

 

Illustration caricaturale! Edition 2022

 

Le Comité Nobel a décidé d’attribuer le prix Nobel de la Paix 2022 au défenseur biélorusse des droits humains Ales Bialiatski, mais également à l’ONG Memorial et à l’organisation ukrainienne de défense des droits humains Center for Civil Liberties. Ales Bialiatski est un militant politique connu seulement en Biélorussie. Il est actuellement en détention.

L’ONG russe Memorial a été dissoute en décembre 2021 pour violation d’une loi controversée sur les « agents de l’étranger ». L’organisation ukrainienne Center for Civil Liberties a été fondée en 2007.

 

Ce prix Nobel de la Paix édition 2022 entre clairement dans le cadre de la guerre en Ukraine. Le Comité Nobel veut ainsi rendre célèbres les plus virulents des opposants russes ou biélorusses ou même des traîtres à ces  nations pour être “des agents de l’étranger”. Le Prix vient soutenir par contre les forces politiques ukrainiennes à travers les ONG dans leurs efforts de guerre.

Pourtant, autrefois, le Comité Nobel s’était gardé d’attribuer le Nobel de la Paix en périodes de guerre: 1914-1918, 1940-1945. Cette fois-ci, il prend clairement partie pour l’un des belligérants et ce avant même la fin du conflit.

 

Les prix de l’Union Européenne

 

Le Prix Sakharov pour la liberté

 

Décerné pour la première fois en 1988, le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit est la plus haute distinction accordée par l’Union européenne aux actions en faveur des droits de l’homme. Le prix honore les personnes, les groupes et les organisations qui ont apporté une contribution exceptionnelle à la défense de la liberté de pensée.

 

Doté de 50.000 euros, le prix Sakharov est remis à la fin de chaque année au cours d’une séance plénière officielle du Parlement européen, à Strasbourg. Les groupes politiques du Parlement ont chacun la possibilité de désigner plusieurs candidats, de même que les députés à titre individuel, à condition que chaque candidature soit appuyée par au moins 40 parlementaires. Le lauréat est ensuite choisi par la conférence des présidents. Cet organe du Parlement européen, dirigé par le président et composé des présidents de tous les groupes politiques représentés au Parlement, fait de la désignation du lauréat un choix authentiquement européen.

En 2021, le prix est décerné à l’avocat et militant russe Alexeï Navalny.

 

Cas Victoire Ingabire

 

Un cas illustratif de la subjectivité et la soumission de l’organe du Parlement européen qui décerne ces prix et qui est soumis aux ordres de quelques barons ou lobbies mondialistes mus par leurs intérêts, est celui de l’opposante au régime dictatorial du général Paul Kagame au Rwanda, Madame Victoire Ingabire Umuhoza.

 

L’on se souviendra que cette femme courageuse qui vivait aux Pays Bas bien avant 1990, s’était, après ses études universitaires,  intéressée à la situation dans son pays d’origine qu’est le Rwanda. Avec d’autres activistes politiques en exil, elle avait mis sur pied les FDU-Inkingi, un parti politique opposé au FPR parti-état au pouvoir au Rwanda depuis 1994. Elle en deviendra d’ailleurs présidente.

 

En 2010, elle prit la décision historique de rentrer au Rwanda dans le but de faire enregistrer son parti FDU-Inkingi dans la perspective des élections présidentielles qui étaient prévues cette année là. Elle indiquait clairement qu’elle comptait se présenter contre le général Kagame qui se présentait pour un second mandat de 7 ans après une longue transition de 9 ans après sa conquête militaire du pays (1994-2003), totalisant ainsi en ce 2010, 16 ans de règne sans partage.

 

Le retour de Victoire Ingabire au Rwanda en 2010 suscita l’ire du dictateur Kagame et seulement quelques mois après, elle fut arrêtée. En effet, en octobre 2010, Madame Victoire Ingabire est brutalement arrêtée et jetée dans la tristement célèbre prison de Kigali,  dénommé 1930, dans des pires conditions : isolement total. Après un simulacre de procès, dans lequel d’ailleurs l’accusée s’est retirée en avril 2012 après avoir perdu toute confiance aux juges, le 30 octobre 2012, la Haute Cour de Kigali a condamné Victoire Ingabire à 8 ans d’emprisonnement pour des crimes imaginaires que sont : « Conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre ainsi que la négation du génocide de 1994 ».

 

Finalement après des simulacres de procès successifs jusqu’à la plus haute juridiction du pays à savoir la Cour Suprême, Madame Victoire Ingabire fut, le 13 décembre 2013, condamnée à 15 ans de réclusion. Il ne pouvait en être autrement dès lors que Paul Kagame avait déclaré peu après son arrestation que cette femme était coupable pour être rentrée au Rwanda et y critiquer le régime et que donc elle devait être punie.

 

C’est dans ce contexte que certains membres du Parlement Européen de Strasbourg bien  informés du cas Victoire Ingabire, décidèrent de l’honorer pour son courage politique et pour son engagement en faveur des principes démocratiques, de la proposer pour le Prix Sakharov pour la liberté, délivre par ce Parlement dans son édition 2012. Toutes les démarches pour remplir les conditions exigées furent entreprises et les initiateurs du projet n’eurent pas de peine à atteindre le quorum des Députés européens exigé pour que la candidature soit valide. La candidature de Victoire Ingabire fut en effet appuyée par plus de 50 parlementaires alors qu’il n’en fallait que 40.

Hélas ! lors du vote final des chefs de groupes parlementaires, le chef du groupe libéral et majoritaire qui n’était autre que le belge Louis Michel, a sorti son artillerie lourde pour torpiller la candidature de Victoire Ingabire au Prix Sakharov pour la liberté. Rappelons que Louis Michel n’était pas (est n’est pas) n’importe qui. Président du parti libéral (PRL devenu  MR) au pouvoir en Belgique depuis 1995, il fut ministre des Affaires étrangères, Commissaire Européen chargé de la Coopération au développement et à cette époque, Député Européen. En se repliant politiquement sur l’Europe, il a laissé sa Belgique aux mains de ses fils dont le premier Charles, après deux mandats comme Premier Ministre est devenu Président du Conseil Européen. Tandis que le petit dernier des Michel, à savoir Matthieu, est à moins de 30 ans, Ministre dans le gouvernement fédéral belge dirigé par un autre libéral et fils de Ministre aussi Alexandre De Croo.

 

Mais le point le plus important à souligner est que Louis Michel fait partie des milieux et lobbies qui ont repéré et soutenu Paul Kagame dans sa conquête du Rwanda venant d’Ouganda en 1990. Ce sont ces mêmes lobbies qui assurent au même Kagame l’impunité pour ses crimes et au contraire font sa publicité dans les plus puissants médias du monde, propriétés des mêmes lobbies.

 

C’est ainsi qu’au Parlement Européen à Strasbourg lors de l’attribution du Prix Sakharov pour la liberté, édition 2012, Louis Michel, en sa qualité du tout puissant Président du groupe libéral, ancien Commissaire Européen, a tapé du poing sur la table en martelant que ce prix ne pouvait jamais être attribué à Madame Victoire Ingabire.

 

C’est ainsi que Victoire Ingabire ne fut pas lauréate de ce Prix alors que les représentants des peuples européens que sont les Députés au Parlement de Strasbourg avaient jugé qu’elle le méritait.

 

Ce faisant, le Parlement Européen de Strasbourg n’était pas à sa première contradiction près à cause des puissants lobbies comme celui de Louis Michel. En effet, ce même prix fut attribué et continue de l’être aux personnalités qui n’ont pas la trempe d’une Victoire Ingabire, mais tout simplement parce qu’elles ne gênent pas les amis de Louis Michel comme Paul Kagame du Rwanda.

 

Quid de l’édition 2022?

 

Le Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit du Parlement Européen est décerné chaque fin d’année. Nous avons donc encore moins de trois mois pour connaître l’heureux (ou l’heureuse) élu à qui les puissants lobbies libéraux auront donné leur bénédiction.

 

Le prix des droits de l’homme Vaclav Havel

 

Le prix des droits de l’homme Václav-Havel est une distinction créée en 2013 et décernée chaque année par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Il est nommé en l’honneur de l’homme d’État tchèque Václav Havel (1936-2011), dramaturge ayant participé à la Révolution de Velours de 1989.

 

Illustration caricaturale: Edition 2022: 10 octobre

 

Le prix des droits de l’Homme Vaclav-Havel 2022 du Conseil de l’Europe a été décerné, lundi 10 octobre à Strasbourg, à l’opposant russe emprisonné Vladimir Kara-Mourza, récemment inculpé de « haute trahison » par la justice russe. Tout comme le prix Nobel de la Paix 2022, les prix attribués par le Comite Nobel et le Conseil de l’Europe font partie des efforts de guerre de l’Occident contre la Russie. Ce sont donc des outils de guerre et non de paix.

 

Conclusion

 

Aucune œuvre humaine ne pourrait prétendre être parfaite car toujours liée à la nature humaine qui est par essence imparfaite. Ce ne sont donc pas les prix Nobel de la Paix qui devraient nous convaincre qu’ils sont attribués pour la promotion de la paix du Monde, alors qu’ils participent parfois aux guerres en cours au moment de leur attribution.

 

Pour les prix décernés par l’Union Européenne, c’est encore pire car distribués par des lobbies pour leurs intérêts. Ceci pour dire donc que le citoyen lambda avant d’acclamer et de s’extasier en apprenant les noms des heureux récipiendaires de ces prix, devrait modérer son enthousiasme mais plutôt voir quels intérêts ce prix vient servir dans le contexte du moment. Ainsi va le Monde!

 

Emmanuel Neretse

 

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