Sommet de Djerba. Macron et la francophonie refusent de s’assumer « libéraphonie »
Le XVIIIème sommet de la Francophonie, tenu à Djerba/Tunisie, a livré une image pour le moins controversée dès son ouverture. Les deux faces de la médaille étaient peu reluisantes. D’une part, la délégation de la RDC, refusant de se retrouver sur la même photo que le président rwandais Paul Kagame, d’autre part, Paul Kagame, à la fois anglophone et francophone, jouant à l’intrus représentant l’un de plus petit pays francophone de l’OIF. Devant un Macron indécis et incapable de déconstruire le mensonge erroné sur la RDC.
Le message est passé même si Louise Mushikiwabo, portée par un cynisme effroyable, tentait vainement de faire semblant. Il s’agissait bien du Chef de l’État de son pays qui essuyait un opprobre public.
La francophonie a raté une nette occasion de porter le discours de la libération, de se faire « libéraphonie » en refusant de prendre position sur l’agression du plus grand pays de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le protectionnisme d’Emmanuel Macron en faveur de Kagame ainsi que le silence des autres membres présents au sommet ont sciemment évité une communication de solidarité feignant d’ignorer la réalité qui se passe à l’est de la RDC avec le drame humain d’une population en errance depuis des décennies.
La fête de la francophonie avait un goût amer. Comme si les problèmes d’agression et donc de l’intangibilité des frontières des pays africains depuis le Soudan, ne concernaient pas Macron et ses invités à Djerba. Le président français, tiraillé entre loyauté à la francophonie basée sur la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme et sa fascination sur Paul Kagame, a fini par trahir les idéaux de la francophonie. D’une langue valorisante, elle est devenue aphone sur les faits et gestes de Kagame. Cette trahison actualisée depuis le jour où Macron a confié, dans une compétition sans le VAR, la francophonie au Rwanda, s’est poursuivie à Djerba dans un huit clos (toujours sans le VAR) pour imposer à nouveau Louise Mushikiwabo à la tête de l’OIF.
Les participants à la messe de Djerba agissaient comme si ce qui se passe à l’est de la RDC est un crime imaginaire dont on ne connaît pas le bourreau. La francophonie a cessé d’être une conception du monde pour la paix et la solidarité pour devenir une course au pillage des ressources naturelles en Afrique noire. On est passé loin de cette francophonie humanisante de Senghor, Bourguiba et Hamani Diori qui croyait aux valeurs de tolérance, de liberté, de justice.
Macron remet la francophonie à l’époque obscurantiste où Sony Labou Tansi « La vie et demie » et d’Ahmadou Kourouma « En attendant le vote des bêtes sauvages » dénonçaient le monde politique comme un milieu où prime la force brutale et l’absence de morale, où des dirigeants sont des monstres abominables. Au lieu d’être libéraphonie par et à travers une communication effective entre les dirigeants et les peuples, la francophonie redevient cette force qui oscille entre insécurité et guerres au profit des intérêts des puissances impérialistes.
Le mensonge séculaire toujours renouvelé par lequel le francophone Macron emboîtant les pas aux Anglo-saxons se livre au jeu de la déstabilisation des pays africains à travers la négation savamment orchestrée de leur souveraineté, est un cancer. Vu sous cet angle, la francophonie devient cette perte d’humanité où des populations congolaises dans le Nord-Kivu affrontent les intempéries sous les balles du Rwanda, fuyant des crimes atrocement innommables qui se commettent devant le silence de la communauté internationale.
Hier, on pouvait dire aux enfants que Paul Kagame est soutenu par les Anglo-saxons. Aujourd’hui, on n’hésite pas de leur dire que la France de Macron s’est invitée à ce spectacle mécréant. La francophonie s’adressant à la jeunesse africaine semble se tromper de cible. Cette jeunesse de Bamako (Mali) à Goma (RDC) en passant par Bangui (RCA) est devenue le vivier privilégié de recrutement du terrorisme, des groupes armés comme le M 23 prenant Poutine pour modèle.
A qui la faute ? Où a-t-on vu Allah s’apitoyer sur le malheur ? Allah n’est pas obligé d’être juste envers tout le monde (Ahmadou Kourouma).
Nicaise Kibel’Bel Oka
Source : https://lescoulissesrdc.info/
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