Demande d’une enquête indépendante sur l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana survenu le 6 avril 1994 au Rwanda
Lettre ouverte au Secrétaire général de l’ONU
Objet : Demande d’une enquête indépendante sur l’attentat contre l’avion du président
Juvénal Habyarimana survenu le 6 avril 1994 au Rwanda
Monsieur le Secrétaire Général de l’organisation des Nations-Unies,
En ce 29ème anniversaire des événements tragiques qui ont endeuillé le Rwanda enl994, nous, les Forces Démocratiques Unifiées (FDU-Inkingi), voudrions vous rappeler que l’Organisation des Nations Unies (ONU) n’a toujours pas permis au peuple rwandais et à la communauté internationale de rendre justice et de faire la lumière sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, lequel attentat est considéré par la plupart des observateurs et investigateurs comme étant l’élément déclencheur du génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994.
En effet, peu après cet attentat, les affrontements meurtriers entre l’armée rebelle du FPR et les Forces Armées Rwandaises (FAR) ont repris malgré une lueur d’espoir de cohabitation pacifique et de partage apaisé du pouvoir au Rwanda, qu’avait suscité la signature des Accords de paix d’Arusha entre les deux belligérants.
Même s’il est difficile de s’accorder sur un chiffre exact des victimes de ces atrocités, beaucoup de sources parlent de plus de 800 000 personnes tuées, voire plus en l’espace de trois mois, alors que d’autres sources comme Human Rights Watch font état d’au moins 200.000 et peut-être 500.000 civils sans armes et sans résistance sauvagement massacrés.
Monsieur le Secrétaire général,
Alors qu’un Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a été rapidement mis en place pour juger les responsables des événements tragiques survenus au Rwanda au cours de l’année 1994, pourquoi le TPIR n’a-t-il finalement pas enquêté sur cet attentat déclencheur du génocide ? Qui est l’auteur de cet acte criminel ? Qui en a tiré profit ? Pourquoi, 29 ans après, l’ONU n’a-t-elle pas encore diligentée une enquête internationale indépendante sur cet attentat à la suite duquel le peuple rwandais est entré dans l’histoire la plus sombre qu’ait connu le pays et la région des Grands Lacs d’Afrique centrale ? Autant de questions restées sans réponses dans la plus grande frustration du peuple rwandais.
Monsieur le Secrétaire général,
De nombreux chercheurs et investigateurs, aussi bien officiels qu’indépendants, pointent du doigt le FPR dirigé par le général Paul Kagame comme premier responsable et bénéficiaire de cet attentat.
En effet, alors que les organisations de défense des Droits de l’Homme faisaient pression sur l’ONU pour qu’elle envoie une force d’intervention militaire pour arrêter le génocide qui a suivi cet attentat, la voix du FPR fut la première à se faire entendre pour s’opposer avec menace à cette intervention.
Le FPR a également demandé aux militaires étrangers qui étaient encore en place au Rwanda de quitter le pays sous peine d’être considérés comme des forces combattantes ennemies et être traitées comme telles. Le 30 avril 1994, le FPR a envoyé une lettre à l’ONU, transmise par 2 émissaires de haut rang dont l’ancien procureur, Mr. Gerald Gahima, pour clarifier la position du FPR sur l’envoie d’une force internationale au Rwanda.
La reprise des hostilités et le refus de l’intervention des forces onusiennes par le FPR étaient le reflet évident de la volonté du FPR de prendre le pouvoir au Rwanda sans partage, car les Accords de paix d’Arusha venaient d’être mis en péril par l’assassinat du président Juvénal Habyarimana, l’un des principaux acteurs de ces Accords.
Monsieur le Secrétaire général,
Plusieurs pistes et enquêtes sérieuses sur l’attentat du 6 avril 1994 existent mais ont été bloquées pour des raisons politiques. Il ne resterait qu’à avoir la volonté politique de les exploiter pour rendre justice. Pour rappel :
1. Entre 1996-1997, une équipe d’enquêteurs du TPIR dirigée par l’australien Michael Hourigan s’est rendue au Rwanda à plusieurs reprises pour la collecte d’informations en rapport avec les procès qui étaient en cours au TPIR. C’est au cours de leur mission qu’ils ont pris connaissance d’une opération commando ayant abattu l’avion du président Habyarimana, le général Kagame étant le véritable commanditaire de l’opération selon les témoignages recueillis. Le rapport ad hoc de Michael Hourigan était tellement embarrassant pour le FPR, ses protecteurs et ses principaux lobbystes, qu’il a été gardé sous scellé au TPIR. Ce n’est qu’en 2018 qu’il a fuité et a été publié par le journal français Marianne.
2. Sylvie Minaberry, fille d’un membre de l’équipage victime de l’attentat du 6 avril 1994, a déposé plainte contre X et l’enquête a été confiée au juge anti-terroriste Jean- Louis Bruguière. Après ses investigations et l’audition de plusieurs témoins dont Théogène Rudasingwa, le juge Bruguière a conclu à la responsabilité de Paul Kagame et de plusieurs hauts responsables militaires du FPR et a émis neuf mandats d’arrêts contre ces hauts responsables alors que Paul Kagame bénéficiait d’une immunité de fonction présidentielle. Les conclusions du juge Bruguière ont évidemment fortement irrité Paul Kagame qui n’a pas tardé à riposter en rompant les relations diplomatiques avec le gouvernement français et en accusant certains responsables politiques français d’avoir planifié et pris part au génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994.
Sur fond de cette tension politico-diplomatique, deux autres juges, Marc Trévidic et Nathalie Poux ont été saisis du dossier en remplacement du juge Bruguière mais n’ont malheureusement pas été aussi loin à cause des interférences politico-diplomatiques dans ce dossier judiciaire devenu encombrant pour le gouvernement français. Ils finiront par déclarer un non-lieu.
3. En 2000, pendant qu’il enquêtait sur le meurtre de ressortissants espagnols sur le sol rwandais, le juge espagnol Andreu Merelles s’est également penché sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana et est parvenu aux mêmes conclusions que celles du juge Bruguière. Il a émis une quarantaine de mandats d’arrêts contre des responsables du FPR.
Monsieur le secrétaire Général,
Au regard de toutes les interférences et obstructions sur la recherche de la vérité autour de cet attentat politique majeur qui a coûté la vie à deux présidents en exercice, Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, à leur équipage et à leurs proches collaborateurs, et entraîné la mort de centaines de milliers de Rwandais, les FDU-Inkingi demandent à l’ONU de bien vouloir se saisir enfin de ce dossier afin d’identifier les auteurs et les commanditaires de cet attentat politique qui donna le coup d’envoi du génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994.
Nous souhaitons également rappeler que l’avion qui transportait les deux chefs d’État était un avion civil et pas militaire comme affirmé faussement par certains. Les FDU-Inkingi regrettent donc que l’organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) ne se soit pas saisie de ce dossier pour mener une enquête indépendante sans pression politique.
Ne pas accorder un crédit à la recherche de la vérité sur cet attentat signifierait donner carte blanche à ses auteurs et à ses commanditaires qui n’hésiteront pas à pérenniser ce genre d’actes terroristes non seulement sur le sol rwandais mais aussi dans d’autres pays de la sous-région. Ce serait également leur garantir l’impunité, véritable obstacle à la cohésion nationale et régionale.
Le peuple rwandais aspire au bien-être et il n’y parviendra que s’il se réconcilie avec lui-même. Et pour y parvenir, la lutte contre l’impunité est une priorité majeure.
Fait à Bruxelles, le six avril 2023
Placide KAYUMBA, Président des FDU-Inkingi
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