Rwanda. Signes des temps. Quand Paul Kagame fait feu de tout bois

Introduction

 

Depuis trois décennies le monde est habitué aux agitations du dictateur du Rwanda Paul Kagame quand il connaît ou rencontre quelques problèmes internes ou externes susceptibles d’ébranler son pourvoir dictatorial. Mais en ce premier semestre de 2023, les manœuvres de diversion auxquelles il s’adonne, lui personnellement ou par la presse sous sa solde interposée, ont de quoi interpeller les observateurs. Nous en donnons ci-après le florilège.

 

Tournée en Afrique de l’Ouest

 

Au mois d’avril 2023, Paul Kagame a effectué une tournée en Afrique de l’Ouest notamment au Bénin, en Guinée Bissau et en Guinée Conakry. Il était comme en territoire conquis tant il est admiré et adulé par les dirigeants de ces pays qui n’hésitent pas à prêcher à leurs peuples que leur modèle de gouvernance est Paul Kagame et que donc ces populations devraient leur donner mandat d’installer dans ces pays un régime au modèle de celui de Kagame en vigueur au Rwanda depuis 30 ans.

 

Ceci impliquerait donc les changements des Constitutions pour faire sauter la limitation des mandats, et le bâillonnement des partis d’opposition pour qu’au finish le parti du président à vie au pouvoir devienne un parti-état comme l’est le FPR de Paul Kagame au Rwanda.

 

En ce qui concerne la sécurité et la lutte contre les groupes armés qui prolifèrent dans cette région, ces Chefs d’Etats, dont en première ligne Patrice Talon du Bénin, déclarent à leurs populations que la solution est toute trouvée étant donné que le surhomme Paul Kagame va leur envoyer des contingents de son armée dont on sait “invincible et composée de personnes invulnérables que sont les Tutsi” et qui parvient à conquérir aux groupes armés rebelles des provinces entières beaucoup plus étendues que le Bénin, sans avoir aucune perte (pas de morts ni de blessés) dans ses rangs comme au Mozambique.

 

On croyait que Kagame avait effectué cette tournée dans “ses territoires” de l’Afrique de l’Ouest pour recevoir ces louanges et être glorifié et revenir dans son Rwanda comblé et satisfait.

Eh non! Paul Kagame était allé au Bénin pour avoir la tribune pour déclarer à l’Afrique et au Monde afin de donner la nième raison de son invasion de l’Est de la RD-Congo. En effet depuis 1996, Paul Kagame n’a cessé de justifier son agression de la RDC par des motifs qui varient au fil du temps. On a eu droit à :

– pourchasser les “génocidaires Hutu “ réfugiés au Zaïre en 1994

– défendre les droits des Tutsi congolais dits “Banyamulenge”,

– assurer la sécurité des “Rwandophones” vivant à l’Est de la RDC

– permettre aux éléments du M23, ces Tutsi congolais réfugiés au Rwanda et qui avaient signé des accords avec le gouvernement de la RDC pour leur intégration notamment dans les FARDC.

 

Et sa dernière trouvaille annoncée à partir de Cotonou au Bénin, c’est qu’en fait il y aurait un contentieux territorial entre le Rwanda et le Congo datant du temps colonial et qu’il entend régler. Il prétend en effet que les puissances coloniales de 1885 qu’étaient l’Etat Indépendant du Congo, propriété privée du Roi Léopold II, et l’Empire allemand s’étaient convenus pour détacher certains territoires du Rwanda d’alors pour les rattacher au Congo belge. Il entend donc être en droit de récupérer ces territoires.

 

Autrement dit, Paul Kagame a dénoncé et s’est désolidarisé du principe sacro-saint de l’ONU, de l’OUA et l’UE consacrant l’intangibilité des frontières héritées de l’indépendance des Etats, principe ayant évité une multitude de conflits armés potentiels pendant plus de 60 ans.

 

Au Bénin, Paul Kagame a donc déclaré la guerre non seulement à ses voisins comme la RDC, la Tanzanie, le Burundi, mais aussi à toute l’Afrique. Le plus affligeant c’est qu’il fut acclamé à tout rompre alors qu’il mettait le feu dans le continent noir. C’est ça Kagame, et honte à ses admirateurs!

 

Voyage impromptu et non rapporté ni commenté par sa presse en Tanzanie

 

Le 27 avril 2023, le service de presse de Paul Kagame a laconiquement signalé que le président du Rwanda avait été reçu par la présidente de la Tanzanie à Dar-Es-Salaam. Mais comme il n’y a pas eu de communiqué conjoint sanctionnant cette visite, chacun y est allé de sa spéculation.

 

Certains ont avancé que Paul Kagame était allé demander à Madame Suluhu Hassan de ne pas envoyer des militaires tanzaniens faire partie des forces de l’EAC actuellement déployées au Nord Kivu. Sachant que ce sont les mêmes tanzaniens qui avaient, en 2013, chassé le même M23 qui avait pris la capitale provinciale Goma, ces combattants tutsi, même encadrés par les officiers de Kagame, en seraient traumatisés à jamais.

 

D’autres rappellent que les menaces insensées et arrogantes que Kagame avait proférées contre le prédécesseur de Suluhu Hassan, l’ancien président Kikwete, reste dans les esprits en Tanzanie d’autant plus que le même Jakaya Kikwete à qui Kagame avait promis de “frapper au moment où il ne s’y attendrait pas et à un endroit névralgique de telle façon qu’il ne saura jamais ce qui lui est arrivé”, est toujours actif comme ancien chef d’Etat et donc proche et conseiller occasionnel du président en poste.

 

Pour d’autres, Paul Kagame chercherait à se faire pardonner par la Tanzanie pour qu’il ne soit pas isolé dans la région et au sein de l’EAC comme il l’est visiblement après sa nouvelle aventure militaire en RDC.

 

Opération d’évacuation des “rwandais” qui vivaient au Soudan avant le conflit en cours

 

Depuis le 15 avril 2023, des affrontements meurtriers secouent le Soudan. Ils opposent les forces armées soudanaises dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhan, et les Forces de soutien rapide, une milice paramilitaire dirigée par le général Hemetti.

 

La communauté internationale désemparée et les puissances occidentales incapables de faire respecter les cessez-le-feu qu’elles décrètent, ces pays n’ont d’autres initiatives à prendre que d’évacuer leurs ressortissants. C’est ainsi que la France a évacué ses ressortissants pour les accueillir dans sa base militaire de Djibouti, l’Arabie Saoudite par le port Soudan pour traverser la Mer Rouge vers Djeddah. Et même la Russie a envoyé des avions pour évacuer ses ressortissants. Les dernières évacuations en date se sont déroulées mercredi 3 mai. Le Nigeria a pu évacuer un premier groupe de 376 ressortissants, tandis que le Royaume-Uni vient de clôturer son plan d’évacuation.

 

C’est l’occasion que les services de propagande de Paul Kagame et du FPR, la presse à sa solde, ont choisi pour répandre sa propagande, désinformer pour faire diversion sur de vrais problèmes auxquels est confronté le peuple rwandais. Ces médias ont en effet prétendu que le Rwanda fut le seul pays à avoir réussi à évacuer ses ressortissants du Soudan et cela par ses propres moyens et dans un délai record.

 

Kigali auraient en effet envoyé plusieurs avions de Rwandair pour embarquer des milliers de rwandais qui vivaient au Soudan. Au passage ces médias de Kagame font le parallèle avec le Burundi qui ne serait pas parvenu à évacuer un seul de ces ressortissants du Soudan. Et pour corser le tout, les correspondants de ces médias basés à Nairobi ou Kampala et même à Kigali, font passer ce qu’ils appellent des cris de détresse des Barundi qui seraient bloqués au Soudan et sans aucun secours de leur pays.

 

Mais la réalité est tout autre. Les rwandais qui vivaient au Soudan ne dépassaient pas une dizaine. Les avions de Rwandair furent envoyés en réalité à Juba au Soudan du Sud dans un mouvement de routine dit de relève: y amener des troupes venus du Rwanda et ramener celles qui sont relevées après six mois sur le terrain. Et c’est cette opération de routine qui se fait tous les six mois et généralement par des avions de transport militaire américains mais quelques fois par ceux des compagnies privées payées par l’ONU (le cas de Rwandair) que la propagande de Kagame a jugé bon de saisir pour bondir dans l’opinion. C’est raté!

 

Quant aux burundais qui vivaient au Soudan, beaucoup plus nombreux que les rwandais, ils sont bien récupérés par les ambassades du Burundi en Egypte et en Ethiopie et cela en toute sécurité, mais sans tambour ni trompette comme pour les rwandais.

 

Réactions au rapport de Reporters Sans Frontières (RSF) 2023 sur la liberté de la presse dans le monde

 

C’est à l’occasion de la journée mondiale de la Liberté de la presse, célébrée chaque année le 03 mai, que Reporters Sans Frontières a publié son rapport. Le classement des 180 pays du monde par ordre décroissant en matière du respect de la liberté de la presse constitue l’essentiel de ce rapport.

 

En ce qui concerne la région des Grands Lacs, les pays se sont classés comme suit:

– Burundi: 114è place

– Kenya: 116è place

– RDC: 124è place

– Rwanda: 131è place

– Ouganda: 133 è place

– Tanzanie: 143è place.

 

Dès la sortie de ce rapport, les services de la présidence au Rwanda, du FPR, etc. intimèrent ordre aux médias internes ou externes ayant des antennes au Rwanda (BBC Gahuza, VOA Kirundi-Kinyarwanda, …), de ne pas commenter ce rapport et surtout pas du classement du Rwanda. La consigne fut que s’il fallait quand même en parler il faudra veiller à pointer du doigt le Burundi en indiquant que la liberté de la presse est la plus menacée dans ce pays, même s’il est le mieux classé de la région. C’est ainsi qu’il faut comprendre comment un média “sérieux” comme VOA peut oser diffuser avec moulte intervenants des “opposants” burundais basés à Kigali et Nairobi, en guise de commentaire au rapport de RSF 2023. Et rien sur le Rwanda. L’article porte un titre bien tendancieux :  « Ubwigenge Bwo Kumenyeshamakuru mu Burundi Buracafise Agahaze » (la liberté d’expression au Burundi a encore un long chemin à faire) !

 

Communication sur les inondations meurtrières qui ont frappé le nord-ouest du Rwanda

 

Dans la nuit du mardi 02 au mercredi 03 mai 2023, des inondations meurtrières ont frappé la région du Bugoyi à Gisenyi et la rivière Sebeya est sortie de son lit au niveau de Mahoko, Nyundo et Rugerero. Le bilan officiel fut de 130 morts . Mais pour communiquer sur cette catastrophe naturelle, comme d’habitude, les services de propagande et de répression du régime ont donné des consignes strictes aux médias surtout internationaux et ceux-ci s’y sont conformés tant bien que mal.

 

Mais sur ce thème, la palme d’or pour l’obéissance et le respect des consignes revient à VOA Kirundi-Kinyarwanda. Chaque fois que cette radio devait parler de cette catastrophe naturelle, ses journalistes ont noyé le poisson de telle façon que l’auditeur ne puisse pas savoir si le nombre de morts ou de disparus concernait le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda ou la RDC.

 

En effet, comme eux seuls peuvent le faire, quand ils abordaient ce point dans les journaux parlés du matin et du soir, il disait: “Les pluies torrentielles se sont abattues dans la région des grands lacs et on dénombre une centaine de morts non seulement au Rwanda, mais aussi au Burundi, en Ouganda et en RDC.” Il tendait alors le micro à leur correspondant à Kisoro pour dire que la même nuit la route de Kisoro-Bunagana avait été coupée par un éboulement de terrain. Le journaliste continuait en disant que les habitants de Gatumba dans la vallée de la Rusizi au Burundi avaient quitté leurs habitations car envahies par les eaux du fleuve Rusizi en crue.

 

Pour commenter cette situation, il donnait la parole à un “opposant” burundais vivant à Nairobi et clamant que ce n’est pas la première fois que ces zones soient inondées mais que le gouvernement ne faisait rien. Et le journaliste s’empressait d’ajouter que les autorités du Rwanda sont vite intervenues pour apporter des secours et que même Paul Kagame leur a adressé (de Londres !) un message de condoléances! Comme pour dire que le régime de Paul Kagame est plus responsable que celui du Burundi en situation de crise humanitaire. Et pour rendre le tout encore plus incompréhensible, il appelait leur correspondant au Nord Kivu pour lui faire dire que la route Sake-Kichanga avait été coupée par un éboulement de terrain et qu’il y aurait eu des morts.

 

Et voilà que VOA a, mine de rien, réparti les 130 morts du Bugoyi à Gisenyi (Rwanda) entre le Burundi, l’Ouganda et la RDC pour “soulager” le Rwanda. La question est de savoir: le soulager de quoi?

 

Démarches au Royaume Uni à l’occasion du couronnement du Roi Charles III

 

On savait que plusieurs têtes couronnées de la Terre ainsi que d’autres chefs d’Etats choisis, assisteront à la cérémonie. En effet on parle de plus de 2000 invités d’honneur attendus. Mais on ne savait pas que parmi ces invités d’honneur (Rois, Reines, Princes et Princesses, Présidents, …) certains y seraient déjà  trois jours en avance comme pour marquer leur place dans la tribune d’honneur pour qu’il n’y ait aucun prétexte pour l’attribuer à une autre personnalité.

 

C’est pourtant le cas de Paul Kagame qui y est déjà depuis mercredi le 03 mai 2023 au moment où des centaines de victimes des inondations dans le Bugoyi étaient en train d’être repêchées dans les eaux de la Sebeya.

 

Dans un premier temps, ses services de propagande, à travers sa presse, font croire que Paul Kagame est en visite de travail à Londres où il doit évoquer avec le Premier ministre britannique la question des immigrés, notamment cet accord qui permet leur déportation au Rwanda. Mais tout le monde sait que le Roi Charles III, même s’il ne doit pas se prononcer dans les affaires politiques, n’avait pas hésité à qualifier cet accord  d’“inique”.

 

La presse de Kagame dit que lui et sa femme seront aux premiers loges lors des cérémonies de couronnement. Comme pour dire qu’il est parmi les rares présidents africains invités.

Mais cette presse “oublie” de nous dire qu’en fait Kagame fut invité comme exerçant la présidence tournante du Commonwealth. Ainsi va la propagande.

 

Snober le sommet régional de l’EAC qui devait se tenir à Bujumbura au Burundi, le week-end du 06 au 07 mai

 

En allant faire le sit-in à Londres pour attendre le couronnement du Roi, Paul Kagame fait d’une pierre deux coups: il entend renforcer l’impression de toute sa puissance dans l’esprit des africains naïfs et en même temps, il prolonge l’enlisement de la guerre au Congo en bloquant toute initiative tendant à y mettre fin. Il était en effet attendu que les instances des Etats membres de l’EAC (Etats major des armées, commandement de la force de l’EAC) fassent systématiquement une évaluation de la situation depuis la feuille de route de Luanda de novembre 2022 et tout ce qui a suivi jusqu’à cette date pour que les chefs d’Etat puissent prendre d’autres décisions si nécessaires.

 

Ainsi donc, sans une clarification et une redéfinition des missions et du mandat de la force de l’EAC, même avec la démission de son commandant et son remplacement, la confusion restera totale quant à l’attitude du M23/Kagame qui, au lieu de se retirer du Nord Kivu, en occupe désormais toutes les zones rurales inaccessibles à la presse et donc de témoins gênants, ce qui signifie que la sécurité des biens et des personnes dans le Nord Kivu sont plus que jamais dans les mains du M23/Kagame.

 

En conclusion

 

Au rythme avec lequel le dictateur Paul Kagame du Rwanda brouille les pistes et abuse de la crédulité de certaines puissances, il faudrait des exégètes du “kagamisme” pour lire et comprendre chaque geste et acte ou parole que pose cet individu. Mais à la veille du 30è anniversaire de sa conquête militaire du Rwanda, sans être un exégète en la matière, nous voyons que Paul Kagame est dans un état dans lequel ce qu’il entreprend doit être qualifié de “kuzambya isaso” (jeter sa dernière énergie dans une situation désespérée). Les rwandophones auront compris que la personne dans cet état est à plaindre qu’à louer.

 

Emmanuel Neretse

 

 

 

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