Quand le régime de Paul Kagame au Rwanda instrumentalise la justice hollandaise. C’est le monde à l’envers. Cas de Pierre Claver Karangwa
Depuis le 03 octobre 2023, une affaire défraie la chronique des médias européens qui diffusent qu’un ancien officier des Forces Armées Rwandaises (FAR) a été arrêté aux Pays Bas où il vivait depuis 1998.
Cette affaire, apparemment banale car relevant des faits divers, attire pourtant l’attention pour plusieurs motifs, comme nous allons le montrer.
L’homme
Pierre Claver Karangwa est un homme aujourd’hui âgé de 67 ans car il est né en 1956. A l’âge de 20 ans soit en 1976 après les études secondaires, il fut admis à l’Ecole Supérieure Militaire (ESM) de Kigali dans la 17è promotion. Trois ans plus, il sortira de cet établissement d’enseignement supérieur qui formait des officiers de l’Armée et de la Gendarmerie avec le grade de sous-lieutenant. Il sera alors affecté dans la Gendarmerie.
Officier intelligent, posé, discipliné et rigoureux au service, il sera vite remarqué et gravira rapidement tous les échelons et exercera plusieurs postes de responsabilités : commandant de Groupement, G2 (chargé des Renseignements) à l’Etat-Major de la Gendarmerie), officier au Service de documentation du ministère de la Défense (SERDOC).
Toujours est-il qu’en 1994, il avait atteint déjà le grade de Major et était, en avril de cette année, officier de liaison auprès de la MINUAR. Il n’avait donc pas de troupes sous ses ordres directement.
Après la conquête du Rwanda par le FPR en juillet 1994, le major Karangwa après de longs périples, trouva asile aux Pays Bas en 1998. Et plus tard, il fut naturalisé comme citoyen de ce pays.
Accusations facilement variables
Longtemps après et sans surprise, le régime de Kagame l’ayant localisé et encore dans un pays où ses désidérata passe facilement, exigea que P C Karangwa soit arrêté et expédié à Kigali comme une lettre par la poste. Mais il fallait quand-même faire semblant de respecter une procédure judiciaire et légale. Il fut arrêté puis relâché mais après lui avoir déchu de sa nationalité hollandaise. La nationalité lui a été retirée l’an dernier (2022) par les autorités, ouvrant justement la voie à son extradition. Et voila qu’il vient donc d’être réarrêté pour “terminer le travail”.
Mais de quoi est-il accusé que ce soit lors de sa première arrestation qui a abouti au retrait de la nationalité ou celle qui est survenue en ce mois d’octobre 2023 ?
Lors de sa première arrestation, il était accusé d’avoir tué à lui seul avec son pistolet d’ordonnance, 20.000 Tutsi réunis au bureau de sa commune d’origine. Outre que c’est techniquement impossible, c’est aussi logiquement indéfendable comme nous en dirons un mot. Mais pour cela il a perdu sa nationalité et maintenant il risque d’être extradé vers celui qu’il avait fui.
La nouvelle accusation dit que PC Karangwa aurait mis le feu dans un immeuble de la paroisse Mugina qui abritait 30.000 Tutsi de sa commune du même nom. Ceci est aussi indéfendable car irréaliste.
Données démographiques et géographiques des lieux
Les données démographiques exposées dans le rapports du dernier recensement de la population du Rwanda de 1991 rendent les accusations portées contre PC Karangwa tout simplement fantaisistes. En effet dans le volumineux ouvrage issu des travaux financés et pilotés par l’ONU (PNUD) qui fut publié au Journal Officiel: il est clairement indiqué à la page 69 des données démographiques de la préfecture de Gitarama dont la commune Mugina était l’une de ses 17 communes.
La préfecture de Gitarama comptait à ce moment une population de 851.451 habitants. Tandis que la commune Mugina était habitée par 41. 688 personnes.
Affirmer qu’en avril 1994, une foule de Tutsi de Mugina comptant 30.000 personnes se serait regroupée dans un immeuble à la paroisse Mugina, c’est insinuer que les 3/4 des habitants de cette commune (30.000 sur 41.688) seraient des Tutsi fuyant seulement les 1.688 Hutu habitants la même commune et que ces 30 000 Tutsi provenant de tous les coins de Mugina se seraient retrouvés au même endroit et à la même date pour que PC Karangwa vienne les y brûler !
Pressions du régime de Kigali sur les Pays Bas
Pour que le gouvernement et les instances judiciaires des Pays Bas se laissent entraîner dans de telles bassesses et se ridiculisent, c’est qu’ils sont depuis des décennies sous fortes pressions du régime dictatorial de Paul Kagame.
Florilège
*Les procureurs et officiers judiciaires du régime FPR au Rwanda furent formés et encadrés par les magistrats des Pays Bas depuis sa conquête du pays en 1994. Les procureurs des Pays Bas et leur gouvernement ne peuvent donc pas laisser passer à l’opinion publique qu’au Rwanda il n’y a pas de justice équitable, ce qui reviendrait à se remettre en cause s’ils désavouaient les élèves qu’ils ont formés .
*Calvaire des cadres politiques du parti FDU-Inkingi
Les Pays Bas n’hésitent pas à poursuivre ou du moins à stigmatiser quiconque se révèle être un opposant politique au régime dictatorial de Paul Kagame. C’est ainsi que même Madame Victoire Ingabire, pourtant vivant dans ce pays depuis bien avant 1994, dès qu’elle fut présidente du parti d’opposition FDU-Inkingi et qu’elle a décidé de rentrer au Rwanda pour défier Kagame dans les urnes en 2010, elle fut lâchée et abandonnée par son pays d’adoption les Pays Bas. En plus d’être empêchée de retourner dans ce pays, les membres de sa famille restés là-bas ( sa maman, son mari, ses enfants ) sont régulièrement l’objet de sévices et de tracasseries judiciaires de la part de ce pays et journellement menacés d’être emprisonnés ou extradés. Comme Pierre Claver Karangwa est un membre des hautes instances politiques du parti FDU-Inkingi (Commissaire), il est la cible toute désignée des procureurs hollandais.
*Rôle particulier de l’ambassadeur Olivier Nduhungirehe
Enfin, Pierre Claver Karangwa est particulièrement visé aux Pays Bas par l’ambassadeur du Rwanda dans ce pays, du nom d’Olivier Nduhungirehe, fils d’un ancien ministre de Habyarimana pendant une dizaine d’années (Jean Chrisostome Nduhungirehe), qui en veut à PC Karangwa pour « avoir servi le régime des “Abakiga” » alors qu’il servait loyalement son pays. Circonstance aggravante, selon Olivier Nduhungirehe, Pierre Claver Karangwa, après 1994, n’a pas trahi son serment et continue de militer pour la démocratie au sein d’un parti d’opposition les FDU-Inkingi !
Espérons que dans un sursaut de dignité et de soucis de crédibilité, les Pays Bas finiront par trouver une parade aux pressions du régime de Kagame sur son système judiciaire et des magouilles des “hutu de service” comme l’ambassadeur que Kagame leur a collé et laisser tranquille les innocents ressortissants hutu rwandais ayant trouvé asile dans ce pays, mais qui continuent d’appeler à l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit au Rwanda comme Pierre Claver Karangwa.
Emmanuel Neretse
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