Comprendre la montée des eaux du Lac Tanganyika pour assurer la mitigation des risques
1. Le Lac Tanganyika
A. Formation du lac
On estime que le lac Tanganyika s’est formé il y a environ 12 à 13 millions d’années pendant le Miocène. Il est le résultat d’un processus géologique complexe lié à l’activité tectonique et à la formation de la vallée du Grand Rift africain. Le lac est situé le long de la frontière entre la Tanzanie (à l’est) et la République démocratique du Congo (à l’ouest). Son extrémité nord sépare ces deux pays du Burundi, tandis que son extrémité sud les sépare de la Zambie.
B. Caractéristiques du lac
Le lac Tanganyika est le plus long lac d’eau douce du monde, s’étirant sur 677 km. Sa profondeur maximale atteint 1 471 mètres, ce qui en fait le deuxième lac le plus profond au monde après le lac Baïkal en Russie. Il contient 18 % du volume d’eau douce globale sur surface de la planète, ce qui constitue une ressource naturelle stratégique inestimable à l’heure où de l’eau douce est en voie d’épuisement dans certaines régions du monde. Le lac Tanganyika, dont le fond est situé à environ 700 m en dessous du niveau de la mer, est bordé d’escarpements s’élevant jusqu’à près de 3 000 m d’altitude[1].
C. Le bassin hydrographique[2]
Le bassin versant du lac Tanganyika couvre une superficie de 250 000 km². Plusieurs rivières alimentent le lac, dont les plus importantes sont : la Malagarazi, la Rusizi, la Ifume, la Lufubu et la Lunangwa. Ces rivières déversent environ 24 km³ d’eau par an, tandis que les précipitations apportent 41 km³ d’eau par an[3]. Ses eaux rejoignent le bassin du Congo via la rivière Lukuga, avant de se jeter dans l’océan Atlantique. Le bassin hydrographique de ce lac est de 263 000 km2 est partagé par cinq pays (RDC, Tanzanie, Zambie, Burundi, Rwanda). Tous ces pays, à l’exception du Rwanda, partagent également une côte de 1900 km². À Travers la rivière Rusizi, le Lac Tanganyika reçoit les eaux en provenance du bassin versant du lac Kivu dans une descente en pente sinueuse d’une dénivellation allant de 1460 m (lac Kivu) à 775 m d’altitude(lac Tanganyika)[4].
D. Biodiversité[5]
Le lac Tanganyika est un écosystème riche en biodiversité, abritant une grande variété de poissons dont les espèces les plus communs sont des sardines Stolothrissa tanganicae[6] et Limnothrissa miodon[7] ainsi que la perche Lates stappersii[8]. La biodiversité du lac Tanganyika est un sujet fascinant par le nombre d’espèces qui s’y trouvent. Le lac Tanganyika abrite plus de 1250 espèces végétales et animales, classifiées dans près de 600 genres[9]. Il est souvent considéré comme le lac ayant la faune piscicole la plus riche du monde[10]. En réalité, la biodiversité du lac Tanganyika est un domaine de recherche dynamique, avec encore beaucoup à découvrir. Les explorations scientifiques et aquariophiles se poursuivent pour mieux cerner et comprendre cette merveille de la nature. Malheureusement, le lac Tanganyika est fortement affecté par le changement climatique et les activités humaines telles que la déforestation, la surpêche et la recherche d’hydrocarbures.
E. Importance du lac [11]
Le lac Tanganyika qui est bordé par quatre pays, en l’occurrence la RD. Congo, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie, est le deuxième plus grand lac du continent africain. Avec une superficie de 32900 km2 et une profondeur maximale de 1,4 km, le Lac Tanganyika est le deuxième en Afrique après le lac Victoria en termes de superficie et le deuxième au monde en termes de volume et de profondeur de ses eaux après le lac Baïkal en Russie.
Des millions de personnes dépendent du Lac pour le transport, la sécurité alimentaire et la subsistance. Le Lac Tanganyika est également une zone critique pour la diversité biologique. C’est un élément essentiel du couloir de transport et de commerce entre l’Afrique Centrale et Orientale. Des personnes et des marchandises sont transportées entre les quatre grands ports du Lac (Kalemie en RDC, Kigoma en Tanzanie, Bujumbura au Burundi et Mpulungu en Zambie) et des centaines de petits ports. 90% des exportations du Burundi et 70% de ses importations s’effectuent à travers le Lac. Sur le plan halieutique selon les estimations, le Lac Tanganyika abrite au moins 1500 espèces de poissons et crustacés dont environ 600 actuellement considérées comme endémiques au Lac. Le Lac a certaines des pêcheries en eau douce les plus importantes du continent africain, dont dépendent les communautés côtières pour leur subsistance et des millions de personnes dans la région pour leur sécurité alimentaire.
Reconnaissant la valeur du lac Tanganyika pour sa biodiversité, la sécurité alimentaire, le transport et le commerce, ses quatre États riverains ont signé en 2003 et ratifié en 2008 la convention internationale pour la gestion durable du Lac Tanganyika. Faisant preuve de cadre juridique pour la gestion durable du Lac et de ses ressources, la Convention traite spécifiquement de la navigation et la sédimentation, thématiques particulièrement pertinentes pour comprendre en partie, ce qui se passe actuellement dans les littoraux du lac dans les quatre pays riverains.
Figure 1. Réseau de transport à l’Est et à l’Ouest du Lac Tanganyika, reliant la Tanzanie et l’intérieur du Congo, le Burundi et la Zambie
2. La rivière Lukuga[12]
L’histoire de la rivière Lukuga est fascinante et étroitement liée au lac Tanganyika. Voici ce que nous savons :
A. Origine géologique de la Lukuga
Il est rare que les humains puissent assister directement à des phénomènes géologiques tels que la naissance d’une rivière. Cependant, à la fin du XIXe siècle, dans la région du Congo, on a pu observer la naissance de la rivière Lukuga (1878). Avant cela, le lac Tanganyika était un bassin fermé. Son bassin versant était endoréique, ce qui signifie que le lac Tanganyika n’avait pas d’exutoire naturel. Des modifications géologiques, probablement d’origine tectonique, ont entraîné un effondrement localisé de la cuvette occupée par le lac au niveau actuelle de la ville de Kalemie, capitale de la Province du Tanganyika, ce qui a donné naissance à la rivière Lukuga qui est aujourd’hui le seul exutoire du lac. Elle parcourt une distance d’environ 350 km avant de se jeter dans le Lualaba, qui fait partie de la partie supérieure du fleuve Congo.
B. Évolution historique[13]
En 1858, lors de sa « découverte » par Burton et Speke, le lac Tanganyika était toujours sans issue : c’était un bassin fermé, c’est-à-dire un lac endoréique[14]. En 1871, lorsque Stanley atteignit les rives du lac dans la localité de Udjidji pour rencontrer Livingstone, le lac avait toujours un niveau d’eau stagnant. Ce n’est que depuis 1878, suite à un phénomène tectonique et géologique majeur, qu’une portion de la rive du lac Tanganyika au niveau actuel de la ville de Kalemie, dans la province éponyme du lac, s’est effondré pour donner naissance à la rivière Lukuga dont les eaux se sont écoulées et frayées un lit pour se jeter à la Lualaba, la partie supérieure du majestueux fleuve Congo. À partir de cette année, le Lac Tanganyika a cessé d’être endoréique pour devenir un lac exoréique, c’est-à-dire qui jette ses eaux dans une rivière (Lukuga) qui les achemine au fleuve Congo pour déboucher à l’océan Atlantique.
C. Commémoration historique[15]
Le colonel G. Moulart, ancien commandant des troupes du Tanganyika, a décidé de commémorer[16] cet événement historique, c’est-à-dire la création naturelle de la rivière Lukuga. Guidé par un vieux Swahili qui avait assisté à la rencontre entre Stanley et Livingstone, il a identifié un manguier près de la rivière Lukuga : une dalle de béton portant l’inscription “STANLEY – LIVINGSTONE – 1871” a été coulée devant ce manguier, marquant l’endroit où les deux explorateurs se sont rencontrés.
Figure 1. Dalle de béton coulée par le Colonel Moulart pour célébrer la création de la rivière Lukuga en 1878. Sources : 3Tamis. L’histoire géologique du lac Tanganyika. Origine et histoire de « l’énigme de la Lukuga ».
D. Le rôle vital de la Lukuga pour les bassins versants du lac Tanganyika et du lac Kivu dans la région des grands lacs du Rift africain
La rivière Lukuga joue un rôle capital dans l’évacuation des eaux des lacs Tanganyika et Kivu vers le fleuve Congo et ultimement vers l’océan Atlantique. Étant un des affluents de la partie supérieure (Lualaba) du fleuve Congo récemment crée qu’en 1878, cette rivière qui est le seul exutoire du Lac Tanganyika, évacue vers le fleuve Congo, les eaux des deux bassins versants[17] de la région médiane des grands lacs africains : le bassin versant du lac Tanganyika et celui du lac Kivu via la rivière Ruzizi qui creuse et serpente la partie de la chaine de montagne Mitumba qui se trouve à la frontière entre la province du Sud-Kivu en RDC et le Rwanda pour aller se jeter à son embouchure au nord du lac Tanganyika entre les villes de Bujumbura (Burundi) et d’Uvira (RDC). Ce qui fait qu’une bouteille fermée contenant un message jeté dans les eaux dans la partie nord du lac Kivu à Goma, en RDC, finirait son parcours qu’à l’océan atlantique s’il n’y avait pas d’obstacles infranchissables (barrages) et autres aléas sur ses chemins lacustres (Kivu, Tanganyika) et fluviaux (Lukuga, Congo). Ce qui fait que tous les obstacles ou toutes sortent de situations qui obstruent, bloquent, ralentissent ou empêchent le bon écoulement et déversement des eaux de la rivière Lukuga vers le fleuve Congo à sa partie supérieur, le Lualaba, auront certainement comme répercussions néfastes, la montée considérable du niveau des eaux du lac Tanganyika. Cette montée des eaux du lac a comme conséquences funestes, des inondations catastrophiques dans les régions littorales du lac au niveau de quatre pays riverains du lac, à savoir, la République Démocratique du Congo, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie.
Il faut rappeler que les plaines côtières et fertiles bordant aujourd’hui le lac Tanganyika au nord, fussent en réalité les parties ou les extensions de son lit avant 1878, année de l’événement tectonique et géophysique ayant entrainé la création de la rivière Lukuga. Ces plaines fussent son lit lorsque le lac était encore endoréique avant 1878.
E. Ouvrages construits sur la Lukuga depuis sa création en 1878
Depuis sa création en 1878, plusieurs ouvrages ont été construits sur la rivière Lukuga dont les plus notables sont :
· Pont de bois à une voie (1946) : Un pont de bois à une voie a été construit pour remplacer le bac à traille qui était utilisé auparavant pour traverser la rivière[18].
· Pont rail-route (1951) : Ce pont comprenait 6 travées métalliques de 21,34 mètres chacune, reposant sur 5 piles et 2 culées en béton armé. Il a été construit pour faciliter le transport de marchandises et la circulation des personnes entre la ville, son port et les nouveaux quartiers1.
La construction de ce dernier pont moderne à deux voies sur la rivière Lukuga entre 2013 et 2015 a été une réalisation importante pour la ville portuaire de Kalemie. Il a permis de relier la Cité de Kalemie au Quartier Sinfo[19]. La rivière Lukuga étant le seul exutoire du lac Tanganyika, tout changement dans le lit de la rivière peut potentiellement affecter le niveau des eaux du lac. Cependant, les informations disponibles indiquent que la montée des eaux du lac Tanganyika depuis 2016 serait principalement attribuée à des phénomènes naturels extrêmes tels que de fortes pluies persistantes entrainant des inondations, des glissements de terrain et des vents violents. Ces conditions météorologiques extrêmes ont entraîné une augmentation dangereuse du niveau de l’eau, affectant ainsi les infrastructures et les populations riveraines[20].
Il n’y a pas de preuves directes dans les sources disponibles qui lient la construction du pont à la montée des eaux du lac Tanganyika. Les causes semblent être plus liées aux changements climatiques et aux événements météorologiques extrêmes. Néanmoins, il est important de noter que l’impact de la construction des infrastructures humaines sur les écosystèmes aquatiques peut être complexe et nécessite des études environnementales approfondies pour comprendre pleinement toutes les implications.
3. Comprendre le fonctionnement du lac Tanganyika et de son seul exutoire, la rivière Lukuga
Le lac Tanganyika fut un bassin fermé avant 1878, jusqu’à ce que le niveau d’eau déborde et érode l’exutoire de la Lukuga à son seuil rocheux actuel à 772,7 mètres (au-dessus du niveau de la mer) à l’embouchure de la rivière, avec un élargissement de cette embouchure plus tard en 1941 par les humains en vue d’accroitre la capacité d’écoulement de l’eau. Les écoulements de la Lukuga représentent entre 6 et 18% des pertes du lac, le reste étant dû à l’évaporation de la grande surface du Lac. Les écoulements de la Lukuga dépendent des niveaux d’eau du Lac : plus le niveau d’eau dans le Lac est élevé et plus importants sont les écoulements de la Lukuga. Lorsque le niveau d’eau dans le Lac avoisine le niveau de l’exutoire de la Lukuga, les écoulements deviennent très petits et s’arrêtent lorsque le niveau d’eau dans le lac est en dessous du seuil de la Lukuga.
Figure 2. Fonctionnement du Lac Tanganyika avec son seul exutoire, la rivière Lukuga. Sources : Laurent Bergozini et Al. Atlas des pays du nord-Tanganyika. Avec l’appui de l’AFD, de l’AUF et l’IRD. 2015.
Le lac Tanganyika est un système hydrologique complexe et fascinant. Voici quelques points clés pour comprendre son fonctionnement et celui de son exutoire, la rivière Lukuga :
- Alimentation du lac : Le lac Tanganyika est alimenté par de nombreux affluents. Les plus importants étant le Malagarasi[21], la Ruzizi[22] et le Kalambo[23] ;
- Émissaire du lac : La rivière Lukuga est l’unique émissaire du lac Tanganyika. Elle parcourt environ 350 km pour se jeter dans le Lualaba, qui est la partie supérieure du fleuve Congo2.
- Débit de la rivière Lukuga : À la confluence avec le Lualaba, le débit de la Lukuga est d’environ 271 m³/s2. Cela représente entre 6 à 18 % de l’évacuation des eaux du lac Tanganyika, le reste des eaux s’évaporant2.
- Variabilité du débit : Le débit de la Lukuga varie en fonction des saisons, avec un débit annuel moyen à la sortie du lac allant de 86 à 380 m³/s. Il atteint son maximum en mai, à la fin de la saison des pluies, et son minimum en octobre, à la fin de la saison sèche2.
- Changement historique : Avant 1878, le lac Tanganyika était endoréique, c’est-à-dire qu’il ne se déversait pas dans un cours d’eau. Depuis cette date, la Lukuga a commencé à drainer une partie des eaux du lac2.
Ces éléments contribuent à la dynamique unique du lac Tanganyika et de la rivière Lukuga, influençant l’écosystème local, la pêche, l’agriculture et la navigation dans la région. Pour une compréhension plus approfondie, il serait utile de consulter des études hydrologiques et des rapports environnementaux détaillés sur la région.
4. Montée et fluctuations du niveau des eaux du lac
Le lac Tanganyika présente des fluctuations saisonnières et annuelles d’environ 70 cm d’amplitude, avec un niveau bas en octobre et un niveau haut en mai[24]. Cependant, depuis le 19ème siècle, le lac a connu des fluctuations plus importantes avec une amplitude observée de 11 mètres, atteignant un niveau maximum de 783,6 m en 1878 et un minimum de 772,5 m en 1902. La dernière montée significative du niveau du lac date des années 1964-1965 avec un niveau de 776,5 mètres . Malgré son histoire géologique ancienne, le lac Tanganyika reste un écosystème fragile, affecté par le changement climatique et les activités humaines telles que la déforestation[25] et la surpêche.
Au cours des cinq dernières années (depuis 2019), de fortes pluies persistantes suivies des inondations, de glissements de terrain et de vents violents, ont fait monter progressivement les eaux du lac Tanganyika à des niveaux alarmants et dangereux. Ces eaux ont englouti des routes entières (Uvira-Kalemie), des marchés, des cours d’école, des églises, des immeubles de Bureaux (Bureau commun de l’UNICEF, de l’UNFPA et de l’ONUFEMMES à Bujumbura) et des maisons d’habitations (villes de Gatumba, Kalemie[26], Uvira…). Bienvenues dans un premier temps, les pluies diluviennes ont rapidement commencé à semer le chaos dans la vie et les moyens de subsistance des habitants riverains du lac Tanganyika et dans toute la sous-région.
Planche 1. Hydrologie et limnologie autour du lac Tanganyika.
Source. David Williamson et Al. L’hydrologie et la limnologie autour du lac Tanganyika. In Atlas des pays du Nord-Tanganyika. Janvier 2015.
Le deuxième lac le plus profond du monde – et 600 km de large à ses points les plus longs – est partagé entre les quatre pays riverains (Burundi, Tanzanie, Zambie, R.D. Congo) – et aucun de ces pays n’a été épargné par les dévastations et les catastrophes naturelles. Rien qu’au Burundi, plus de 52 000 personnes ont été touchées par les inondations depuis mars de cette année (2024), selon la matrice de suivi des déplacements de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)[27], bien que le nombre réel soit probablement beaucoup plus élevé. Près de la moitié ont été déplacées à l’intérieur du pays et des milliers de maisons ont été inondées. Des champs entiers de cultures ont été détruits – une perte dévastatrice d’au moins une année de stocks alimentaires pour plus de 90 %[28] de Burundais qui dépendent de l’agriculture de subsistance. Le Burundi fait partie des 20 pays les plus vulnérables aux changements climatiques[29], et il est aussi l’un des moins bien préparés à les combattre en raison de la gravité exceptionnelle des risques naturels.
En effet dans ce pays, la plaine côtière de l’Imbo qui va de Nyanza-Lac (frontière avec la Tanzanie) en passant par Bujumbura pour aller jusqu’à la localité de Rugombo (frontière avec Rwanda par le poste frontalier de Ruhwa), et qui se prolonge en RDC par la plaine de la Ruzizi, est à cheval sur les trois pays (RDC, Burundi, Tanzanie). Cette plaine couverte d’alluvions est si riche et si fertile, et constitue environ 7% de la superficie du Burundi. Elle est cependant une partie intégrante du lit du lac Tanganyika qui avait émergé suite à la vidange des eaux du lac Tanganyika via son seul exutoire naturel crée en 1878 consécutif aux phénomènes tectoniques et géologiques. À Bujumbura, l’ancienne rive du lac Tanganyika lorsqu’il était encore endoréique avant 1878, si situerait sur le boulevard anciennement appelé « Reine Astrida » avant l’indépendance, puis Mwabutsa IV après l’indépendance en 1962 et ensuite « du 28 novembre » en 1966 (Première République) et actuellement débaptisé au nom de Mwezi Gisabo[30], depuis le dimanche 30 juin 2019, année qui marque le 57ème anniversaire de l’Indépendance du pays. Lorsqu’on quitte la localité de Bugarama située à 46 km au nord-ouest de Bujumbura, on peut se rendre compte, au niveau de la station touristique Harroy, de la vulnérabilité de la ville de Bujumbura dont les quartiers tels que Kajaga, Ngangara, Kamenge, Kigobe , Carama, Mutimbuzi et Buhumba, se situerait sur le prolongement naturel du lit du lac Tanganyika… Imaginez les dégâts humains et infrastructurels ainsi que les conséquences catastrophiques à l’éventualité du retour du lac dans sa forme endoréique suite aux phénomènes tectoniques et géologiques au niveau de la grande faille du Rift africain !
La montée des eaux du lac Tanganyika est principalement due à plusieurs facteurs dont entre-autres :
- Changements climatiques : Les fortes pluies persistantes, les inondations, les glissements de terrain et les vents violents ont fait monter les eaux du lac Tanganyika à des niveaux dangereux;.
- Activités humaines : Les actions anthropiques locales, notamment l’érosion causée par l’activité quotidienne des riverains, contribuent également à la montée des eaux. En effet, les sols charriés par les pluies torrentielles à partir des littoraux déforestés ainsi que ceux issus des éboulis des berges des rivières qui jettent dans le lac, se déposent au fond du lac en se compactant d’années en années. Ce qui contribue autant soit peu à la montée des eaux du lac tel que le montre la figure 3 ci-dessous.
- Pression démographique : La pression démographique dans les régions riveraines du lac peut également jouer un rôle. En effet, la pression démographique dans les littoraux aggrave les problèmes environnementaux et climatiques, contribuant ainsi à la montée de eaux du lac. En s’accumulant au fond du la
- La mauvaise gestion des déchets dans toute la région des bassins versants du lac Tanganyika et du lac Kivu : les activités humaines génèrent des tonnes et des tonnes des déchets divers qui ne sont pas traités et qui sont purement et simplement jetés dans la nature. Les pluies diluviennes viennent les charrier et les jeter dans les différents cours d’eau qui convergent vers les rivières qui se jettent dans le lac Tanganyika. Depuis l’avènement des matières plastiques au XIXe siècle, les déchets plastiques constituent aujourd’hui une des causes les plus importantes de la pollution de l’environnement. Le lac Tanganyika est devenu un véritable dépotoir des déchets plastiques dont l’accumulation pollue ses eaux et le passage de ces déchets plastiques au niveau la rivière Lukuga peut être une des causes de son obstruction partielle et du ralentissement de son débit.
La rivière Lukuga qui est le seul émissaire du lac Tanganyika joue un rôle crucial dans l’évacuation de ses eaux. Cependant, elle ne peut évacuer qu’une partie des eaux, soit 6 à 18 % du total, le reste s’évaporant. La capacité limitée de la Lukuga à évacuer l’eau peut être due à plusieurs facteurs, notamment :
- Rétrécissement du lit de la rivière: le lit de la Lukuga se rétréci en raison de l’accumulation de sable, des sédiments, des alluvions et de toutes sortes de déchets anthropiques notamment des déchets plastiques charriés par le lac en provenance du bassin versant de Kalemie, ainsi que des alluvions2.
- Constructions anarchiques: des infrastructures construites sans planification adéquate dans les environs de la rivière peuvent également contribuer à réduire la capacité d’évacuation de l’eau.
- Variations saisonnières: Le débit de la Lukuga varie au cours de l’année, avec un maximum en mai à la fin de la saison des pluies et un minimum en octobre à la fin de la saison sèche.
5. Les problèmes environnementaux liés au Lac et son exutoire, la Lukuga
Il existe plusieurs problèmes environnementaux liés au lac Tanganyika et à la rivière Lukuga. Voici quelques-uns des problèmes les plus significatifs :
- Montée des eaux : Le lac Tanganyika a connu une montée des eaux dangereuse, provoquée par de fortes pluies persistantes, des glissements de terrain et des vents violents.
- Besoins humanitaires : Cette montée des eaux a engendré des besoins humanitaires urgents, notamment au Burundi, en RDC et en Tanzanie, où des écoles, des routes et des maisons ont été submergées
- Impact sur l’agriculture : Les inondations ont détruit des champs entiers de cultures, ce qui représente une perte dévastatrice pour les populations qui dépendent de l’agriculture de subsistance.
- Rétrécissement du lit de la rivière Lukuga : des experts ont constaté que le lit de la rivière Lukuga s’est rétréci à cause de l’abondance du sable, des sédiments, des alluvions et des déchets de toutes sortes, ce qui affecte son débit et peut avoir des conséquences sur la montée des eaux du lac ,l’écosystème local et la navigation ;
- Pollution : Il y a également des préoccupations concernant la pollution du lac, qui peut provenir de sources urbaines et industrielles, et affecter la biodiversité et les ressources naturelles du lac.
Ces problèmes sont exacerbés par le changement climatique et nécessitent une attention et des actions coordonnées des pays partageant le lac pour les atténuer. Des stratégies de gestion durable des terres et de réduction de la pollution sont essentielles pour préserver cet écosystème vital
Les conséquences de la capacité limitée d’évacuation de la rivière Lukuga peuvent être significatives et multiples, notamment :
- Inondations: Une capacité d’évacuation réduite peut entraîner des inondations dans les régions avoisinantes, surtout pendant la saison des pluies, lorsque le débit de la rivière est à son maximum ;
- Perte de biodiversité: Les modifications du cours de la rivière, telles que le recalibrage ou le curage, peuvent entraîner une perte importante de biodiversité ;
- Détérioration de la qualité de l’eau: La perte de diversité de l’écoulement du cours d’eau peut dégrader la qualité de l’eau ;
- Risque d’aggravation des inondations en aval: L’accélération de la vitesse de l’eau due aux aménagements peut aggraver les inondations en aval ;
- Sécheresse: En période de faible pluviométrie, la capacité limitée d’évacuation peut contribuer à des conditions de sécheresse, affectant l’approvisionnement en eau pour les populations et les écosystèmes.
Ces conséquences soulignent l’importance d’une gestion et d’une planification appropriées des ressources en eau et des cours d’eau pour prévenir les impacts négatifs sur les communautés et l’environnement.
6. Les conséquences de la montée des eaux du lac Tanganyika[31]
La montée des eaux du lac Tanganyika a entraîné plusieurs conséquences graves, notamment :
- Dégâts matériels: Des infrastructures telles que des routes, des marchés, des écoles et des églises ont été englouties par les eaux1.
- Déplacements de populations: Plus de 52.000 personnes ont été affectées par les inondations, avec de nombreux déplacements internes au Burundi1.
- Pertes agricoles: Des champs entiers de cultures ont été détruits, ce qui représente une perte significative pour les Burundais qui dépendent de l’agriculture de subsistance1.
- Perturbations économiques: Les opérations de chargement et de déchargement des marchandises au port de Bujumbura ont été gravement perturbées, affectant le commerce régional2.
- Problèmes de logement: Des milliers de maisons ont été inondées, forçant les habitants à chercher un nouvel abri1.
- Risques sanitaires : L’eau stagnante peut augmenter le risque de maladies transmises par l’eau comme le choléra et la bilharziose et augmenter les étendues des gites larvaires du Paludisme.
- Infrastructures : La montée des eaux a englouti des routes entières, des marchés, des cours d’école et des églises, causant des dommages importants aux infrastructures ;
- Sécurité : Dans les zones inondées, la présence de faune dangereuse telle que les hippopotames et les crocodiles pose un risque supplémentaire pour les résidents ;
- Environnementales : Les écosystèmes locaux sont perturbés par les changements soudains et extrêmes du niveau de l’eau, ce qui peut avoir des conséquences à long terme sur la biodiversité du lac et ses environs.
Ces conséquences soulignent l’urgence d’une réponse multipays, multisectorielle et multidisciplinaire intégrée et coordonnée et de mesures préventives efficaces pour assurer la mitigation multisectorielle des risques et l’atténuation des impacts futurs de tels événements catastrophiques.
7. Une organisation régionale et des projets d’adaptation pour faire face à la montée des eaux du lac Tanganyika
7.1. Une organisation régionale : l’Autorité du lac Tanganyika (ALT / SALT)
L’Autorité du Lac Tanganyika (ALT) est l’organisation intergouvernementale créée après la ratification de la convention sur la gestion durable du lac Tanganyika en 2005 et qui a pour mission principale d’assurer la protection et la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable des ressources naturelles du Lac Tanganyika et son bassin sur base d’une gestion intégrée et la coopération entre les États contractants[32] qui sont le Burundi, la République Démocratique du Congo (RDC), la Tanzanie et la Zambie.
L’ALT a été créée pour promouvoir la coopération entre ces quatre pays dans la gestion et la conservation de l’écosystème du lac, qui est l’un des plus anciens et des plus profonds au monde. En novembre 2023, la douzième réunion ordinaire du Comité de Gestion et la onzième réunion ordinaire de la Conférence des Ministres de l’ALT se sont tenues à Lusaka, en Zambie[33]. Ces réunions ont permis de discuter des progrès réalisés et des défis à relever pour la protection et la gestion durable du lac. L’ALT s’ engage également dans divers projets, comme la signature d’une lettre d’entente avec l’Autorité du Lac Kivu et de la Rivière Ruzizi afin de renforcer la coopération dans la gestion des bassins hydrographiques partagés[34]
7.2. Projets de mitigation des risques pour faire face aux conséquences de la montée des eaux du lac Tanganyika
Il existe plusieurs initiatives et projets d’adaptation pour faire face aux inondations causées par la montée des eaux du lac Tanganyika. Voici quelques-uns des projets en cours:
- Projet Lake Tanganyika Water Management: Mis en œuvre par Enabel avec le financement de l’Union européenne, ce projet vise à suivre quantitativement les ressources en eau du lac en lien avec les changements climatiques[35].
- Projet d’appui au programme régional d’aménagement intégré du Lac Tanganyika (PRODAB): Ce projet comprend la construction d’infrastructures telles que des bateaux, des écoles et des débarcadères pour soutenir les communautés affectées[36].
- Projet LATAWAMA: Financé par l’Union européenne, ce projet appuie les efforts de préservation des eaux du lac Tanganyika et de ses affluents, contribuant ainsi à la gestion durable des ressources en eau de la région.
Ces projets visent non seulement à répondre aux besoins immédiats des populations touchées mais aussi à mettre en place des stratégies à long terme pour la gestion des ressources en eau et la prévention des catastrophes naturelles. Ils sont essentiels pour renforcer la résilience des communautés riveraines face aux impacts du changement climatique.
Cependant, la mise en œuvre de ces projets rencontre plusieurs défis, notamment :
- Financement insuffisant: Le financement est souvent limité, ce qui entrave la capacité à répondre aux besoins immédiats des plus vulnérables et à mettre en place des mesures de prévention à long terme ;
- Manque de coordination: Il peut y avoir un manque de coordination entre les différents acteurs, y compris les gouvernements, les ONG et les communautés locales[37].
- Complexité technique: Renforcer l’expertise technique des autorités nationales et locales est nécessaire pour une gestion efficace des risques de catastrophe[38].
- Accès limité: L’accès aux zones touchées peut être difficile en raison de l’état des infrastructures ou de la géographie de la région[39].
- Changements climatiques: Les changements climatiques continuent d’aggraver les conditions météorologiques extrêmes, rendant les interventions plus difficiles ;
- Ressources limitées: Les ressources humaines et matérielles sont souvent insuffisantes pour mener à bien les actions nécessaires pour une protection et gestion durable du lac et de son bassin.
Ces défis nécessitent une approche multisectorielle, multidisciplinaire, intégrée et coordonnée ainsi que des efforts concertés pour assurer la réussite des projets d’adaptation et la résilience des communautés face aux inondations catastrophiques.
L’implication des communautés locales dans les projets d’adaptation autour du lac Tanganyika est cruciale pour leur succès. Voici comment les communautés locales sont engagées :
- Participation aux prises de décision: Les communautés locales, en particulier les femmes, participent activement aux décisions concernant les projets qui les affectent directement[40].
- Soutien et appropriation des projets: L’implication directe des communautés assure un soutien fort et une meilleure appropriation des initiatives[41].
- Réponse aux besoins humanitaires: Les communautés locales sont impliquées dans la réponse aux besoins urgents provoqués par la montée des eaux, comme l’aide aux personnes déplacées et la reconstruction des infrastructures[42]
Ces efforts de collaboration entre les partenaires au développement, les autorités des quatre pays et les communautés locales sont essentiels pour créer des solutions durables et adaptées aux défis posés par les inondations et le changement climatique.
8. Des Solutions pour résoudre le problème de la montée récurrente des eaux du lac Tanganyika
Pour résoudre le problème de la montée récurrente des eaux du lac Tanganyika, plusieurs solutions peuvent être envisagées :
- Étude régionale sur la variation du niveau du lac pour une compréhension approfondie des causes[43]. Cette étude est capitale pour la maitrise des différentes contingences climatiques, hydrologiques et géologiques qui interagissent pour les montées périodiques des eaux du lac Tanganyika. Les études d’envergure ont été menée pour appréhender et comprendre les écosystèmes du lac Tanganyika au début des années 1990 à travers deux projets notamment le Projet sur la Biodiversité du Lac Tanganyika (PBLT) et le Projet de Recherche sur le Lac Tanganyika (RLT).
Plusieurs études d’envergure régionale ont été menées concernant le lac Tanganyika, notamment :
- Évaluation et Conservation de la Biodiversité dans le Lac Tanganyika : Cette étude réalisée en 2000 a fourni un cadre régional pour la gestion du lac et la protection de sa biodiversité. Elle a inclus une évaluation technique de la biodiversité et des conseils sur les techniques d’exploration et les approches de gestion pour la conservation[44]
- Projet sur la Biodiversité du lac Tanganyika (PBLT): Conçu pour fournir un cadre régional pour la gestion du lac et la protection de sa biodiversité, ce projet a également entrepris des activités de formation et de renforcement des compétences pour soutenir ses objectifs
- Étude régionale sur la gestion des déchets dans les villes du bassin du lac Tanganyika: Cette étude réalisée en 2023 a porté sur la gestion des déchets dans les principales villes du bassin du lac Tanganyika et de l’assainissement liquide à Bujumbura.
Déjà en 2021, une mission d’experts avait recommandé une étude régionale sur la variation du niveau des eaux du lac Tanganyika, le curage et l’élargissement du lit de la rivière Lukuga à sa source. Il faut noter que ces études jouent un rôle crucial dans la compréhension et la préservation de l’écosystème unique du lac Tanganyika et dans la promotion d’une gestion durable des ressources naturelles de la région.
- Restauration et maintien des zones humidespour absorber l’excès d’eau[45]. Il s’agit de mener une politique régionale de reforestation dans les régions des bassins versants du Lac Tanganyika et du lac Kivu. Cette politique de reforestation devra être menée conjointement par les quatre pays riverains du lac Tanganyika.
- Instauration d’une zone tamponcommune pour les pays riverains afin de gérer collectivement les risques[46]. Les zones tampons jouent un rôle crucial dans la gestion de la montée des eaux du lac Tanganyika. Elles servent de barrières naturelles qui absorbent l’excès d’eau lors des inondations et des fortes pluies, réduisant ainsi l’impact sur les communautés riveraines et les infrastructures[47]. Ces zones contribuent également à la protection des berges contre l’érosion et à la préservation de la biodiversité en maintenant les habitats naturels[48]. En outre, les zones tampons peuvent aider à filtrer les polluants et à améliorer la qualité de l’eau en retenant les sédiments et les nutriments avant qu’ils n’atteignent le lac. Cela est particulièrement important pour le lac Tanganyika, qui est partagé entre plusieurs pays et dont la santé écologique est essentielle pour les moyens de subsistance de millions de personnes qui dépendent de ses ressources.
La restauration et le maintien des zones humides autour du lac sont également recommandés pour réguler le niveau de l’eau et prévenir les dégâts futurs1. Cela souligne l’importance d’une approche collaborative entre les pays de la région pour gérer efficacement les défis environnementaux et climatiques liés au lac Tanganyika.
- Élargissement du lit de la rivière Lukuga afin d’ augmenter sa capacité à évacuer l’eau[49]. Ceci nécessite une étude environnementale pour ne pas provoquer des inondations en aval.
- Pratique du curage pour enlever les sédiments et augmenter la profondeur du lac, permettant ainsi une meilleure régulation du niveau de l’eau[50].
- Pratique du dragage semestriel de la rivière Lukuga afin de dégager le lit de la rivière du sable, des sédiments, des alluvions et des déchets de toutes les sortes.
- Construction de barrages de régulation sur les rivières qui se jettent dans le lac afin de contrôler le débit d’eau entrant dans le lac[51]
- Restriction de l’attribution des parcelles et interdiction de construire dans les zones inondables pour prévenir des dégâts et les dommages futurs[52].
Ces mesures doivent être accompagnées d’un financement adéquat et d’une coordination entre les pays concernés pour être efficaces. Il est également crucial de mettre en place des plans de contingence d’urgence pour répondre aux besoins immédiats des populations affectées.
- Agir sur la rivière Lukuga
Le curage et l’élargissement du lit de la rivière Lukuga sont effectivement considérés comme des solutions potentielles pour gérer la montée des eaux du lac Tanganyika. Ces mesures pourraient aider à augmenter la capacité d’écoulement de la rivière et ainsi réduire le niveau de l’eau dans le lac. Cependant, il est important de noter que la situation est complexe et implique plusieurs facteurs, y compris les précipitations abondantes dues aux phénomènes globaux comme El Niño et les spécificités locales[53]
Les experts recommandent une étude régionale sur la variation du niveau des eaux du lac Tanganyika, ainsi que la protection des berges des principaux affluents du lac pour une solution à long terme[54]. Il est donc essentiel de considérer une approche intégrée qui prend en compte à la fois les interventions techniques et la gestion environnementale pour résoudre le problème de manière durable.
- Un autre canal pour renforcer l’évacuation des eaux du lac ?
La construction d’un canal parallèle à la rivière Lukuga pourrait potentiellement aider à contrôler le problème de la montée récurrente des eaux du lac Tanganyika, mais cela dépendrait de nombreux facteurs tels que la capacité du canal, les conditions géologiques et environnementales, ainsi que les impacts sur les communautés et les écosystèmes environnants. Un canal supplémentaire pourrait offrir un moyen supplémentaire d’évacuer l’eau, mais il faudrait une étude approfondie pour évaluer son efficacité et sa faisabilité. Il est également important de considérer les conséquences environnementales et sociales d’un tel projet
9. Conclusions
La montée des eaux du lac Tanganyika est un phénomène complexe qui a des répercussions significatives sur les communautés riveraines. Les causes de cette montée sont multiples, incluant des fortes pluies persistantes, des glissements de terrains et des vents violents. De plus, des actions anthropiques telles que le déversement de déchets et les constructions trop près du lac contribuent également à l’aggravation de la situation.
Pour faire face à ce problème, plusieurs solutions peuvent être envisagées :
- Étude régionale sur la variation du niveau du lac pour mieux comprendre et anticiper les changements
- Élargissement du lit de rivière Lukuga et pratique du curage régulièrement pour améliorer l’écoulement des eaux.
- Construction de barrages de régulation sur les rivières qui se jettent dans le lac afin de contrôler le flux d’eau.
- Relocalisation des populations les plus menacées et fourniture des aides humanitaires
Ces solutions nécessitent une collaboration régionale et internationale pour être efficaces, ainsi qu’un financement adéquat pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des populations vulnérables. Il est crucial que les efforts soient coordonnés et que les ressources soient allouées de manière à atténuer les effets de la montée des eaux et à protéger les communautés et les écosystèmes concernés.
10. Recommandations
Recommandations aux autorités de quatre pays
Pour lutter efficacement contre la montée des eaux du lac Tanganyika, les inondations et les catastrophes naturelles subséquentes, voici quelques recommandations qui pourraient être prises en compte par les autorités des quatre pays riverains (Burundi, Tanzanie, Zambie et République démocratique du Congo) :
- Renforcer les capacités stratégiques, techniques, financières et opérationnelles de l’organisme régional « Autorité du lac Tanganyika » dont le siège régional est situé à Bujumbura au Burundi : il est essentiel de renforcer les capacités de l’Autorité du Lac Tanganyika (ALT) pour faire face à ce défi. Voici quelques suggestions pour renforcer ses capacités :
- Mettre en place un système de surveillance et alerte précoce :
- Investir dans des systèmes de surveillance et d’alerte précoce pour détecter les variations du niveau de l’eau à temps et anticiper les inondations.
- Mettre en place des mécanismes de communication efficaces pour informer rapidement les communautés locales en cas de risque accru.
- Planification et gestion des ressources :
- Élaborer des plans de gestion intégrée des ressources en eau du le lac Tanganyika avec la collaboration de tous les pays riverains.
- Renforcer la coordination entre les différents secteurs (environnement, développement, humanitaire, santé, etc.) pour un abord holistique des problèmes générés par la montée des eaux
- Renforcement des capacités techniques :
- Former le personnel de l’ALT aux dernières technologies de surveillance, de modélisation et de gestion des ressources en eau ;
- Collaborer avec des experts internationaux pour partager les meilleures connaissances et pratiques en matière de gestion de la montée des eaux
- Mobilisation des ressources financières :
- Rechercher des financements auprès d’organisations internationales, de donateurs et de partenaires pour soutenir les projets de l’ALT.
- Établir des partenariats public-privé pour mobiliser des fonds supplémentaires.
- Renforcement de la coopération régionale :
- Travailler en étroite collaboration avec les pays riverains du lac Tanganyika (Burundi, Tanzanie, Zambie et République démocratique du Congo) pour une approche intégrée et concertée.
- Organiser des réunions régulières pour partager les informations et les expériences.
N.B : L’ALT a déjà entrepris des actions pour faire face à cette situation, mais une approche plus proactive et coordonnée est nécessaire pour atténuer les effets de la montée des eaux du lac Tanganyika . Il est crucial que la communauté internationale soutienne les efforts afin de protéger les populations vulnérables et de préserver cet écosystème unique du lac Tanganyika.
- Réaliser une étude régionale sur la variation du niveau du Lac Tanganyika pour comprendre les causes et prévoir les tendances;
- Élargir le lit de la rivière Lukuga au niveau de la source pour augmenter sa capacité de débit ;
- Pratiquer le curage régulier de la Lukuga pour enlever les sédiments et autres obstacles qui réduisent le flux d’eau
- Construire des barrages de régulation sur les rivières qui se jettent dans le lac Tanganyika afin de contrôler le débit d’eau entrant dans le lac. Ces barrages peuvent : i) produire de l’électricité « verte » ; ii) des retenus d’eau douce pour les populations et pour l’irrigation des surfaces agricoles. Cependant, il est essentiel de bien étudier l’impact environnemental et social de tels projets avant de les mettre en œuvre.
- Cartographier les zones inondables tout le long du lac Tanganyika et restreindre l’attribution des parcelles ainsi que la construction dans ces zones pour prévenir les risques
Ces mesures nécessitent une collaboration transfrontalière et un financement adéquat pour être mises en œuvre efficacement. Il est également crucial de renforcer les systèmes d’alerte précoce et de préparation aux catastrophes pour minimiser les impacts sur les populations vulnérables.
Par Dr Ekongo Lofalanga,
Expert international en santé publique et en
Socio-anthropologie de la santé,
Expert ONE HEALTH
Tél. & WhatsApp: +243 847 831 004; +257 61 21 73 55
E-mail : ekongo@yahoo.fr
Google search: Ekongo Lofalanga
[1] Françoise Gasse. Évolution des grands lacs du Rift. p.63-78. In le Rift est-africain : une singularité plurielle. 2009
[2] Banque Mondiale. Accès aux ports du lac Tanganyika. Principaux défis et recommandations. 2018.
[3] Wikipédia. Tanganyika. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Tanganyika
[4] Biodiversité du lac Tanganyika/Burundi. Lac Tanganyika. Cf. https://bi.chm-cbd.net/fr/ecosystems/lac-tanganyika
[5] Wikipédia. Lac Tanganyika. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Tanganyika
[6] Ce sont des petits poissons appelés localement Ndagaa en Swahili ou Ndagala dans les langues vernaculaires locales dans la région des grands lacs.
[7] Ce sont des petits poissons appelés Sambaza en RDC et Isambaza au Rwanda.
[8] C’est le poisson appelé Mukèkè ou Mikèkè en RDC et au Burundi et Mikebuka ou Migebuka en Tanzanie.
[9] Destination Lac Tanganyika. 100 ans de recherche sur la biodiversité des poissons du Lac Tanganyika. Mars 2018. Cf.
[10] Ibid.
[11] Banque Mondiale. Accès aux ports du lac Tanganyika. Principaux défis et recommandations. 2018.
[12] Wikipédia. Lukuga. cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lukuga
[13] 3Tamis. L’histoire géologique du lac Tanganyika. Origine et histoire de « l’énigme de la Lukuga ». cf. https://www.3tamis.org/archives/Templates/0%203TAMIS%20Documents%20ADOBE/Lac%20Tanganyika%20Histoire%20geologique%20Congo%20Forum.pdf
[14] Un lac endoréique est un lac qui ne jette pas ses eaux dans une rivière ou à l’océan.
[15] 3Tamis. L’histoire géologique du lac Tanganyika. Origine et histoire de « l’énigme de la Lukuga ».
[16] Histoire géologique de la Lukuga. Cf. https://www.destin-tanganyika.com/lhistoire-geologique-lac-tanganyika/
[17] Un bassin versant d’un lac correspond à l’ensemble de la surface qui reçoit les eaux qui circulent vers ce lac. Cela inclut les eaux de surface et les eaux souterraines. Le bassin versant est délimité par des lignes de partage des eaux, qui correspondent aux crêtes des montagnes ou des collines. En d’autres termes, c’est la zone géographique où toutes les eaux convergent vers le même point, à savoir le lac.
[18] 3TAMIS. Un nouveau pont sur la Lukuga. Une réalisation Province du Katanga 2013 – 2015. Cf.
[19] Ibid.
[20] Nations Unies. La montée des eaux du lac Tanganyika provoque des besoins humanitaires urgents au Burundi. cf. https://news.un.org/fr/story/2021/07/1100332
[21] La rivière Malagarazi prend sa source au Burundi dans les montagnes surplombant la ville de Nyanza-Lac. Après un parcours frontalier avec la Tanzanie d’environ 160 km, la rivière s’enfonce dans les terres tanzaniennes et décrit une large boucle dans le pays avant de se jeter dans le lac Tanganyika au niveau du village de Liagala. La Malagarazi est l’affluent principal du lac Tanganyika et a une longueur d’environ 475 km.
[22] La rivière Rusizi est un cours d’eau d’Afrique de l’Est qui relie le lac Kivu au lac Tanganyika. Elle est à frontière en la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi sur une longueur de 117 km. Elle est aussi connue pour son potentiel hydroélectrique où se trouve les barrages de Rusizi I et II ainsi que pour sa biodiversité, incluant les crocodiles dont le célèbre Gustave. La Rusizi déverse les eaux du bassin versant du lac Kivu dans le lac Tanganyika.
[23] La rivière Kalambo est un cours d’eau qui forme une partie de la frontière entre la Zambie et la Tanzanie. Elle est relativement petite et prend sa source sur le plateau d’Ufipa, dans la région de Rukwa en Tanzanie, au nord-est de Mbala, à une altitude d’environ 1 800 mètres. La rivière descend ensuite dans la faille Albertine et se jette dans l’extrémité sud-est du lac Tanganyika à une altitude d’environ 770 mètres. La longueur totale de la rivière Kalambo est d’environ 50 kilomètres Elle est célèbre notamment pour les chutes de Kalambo, qui sont les deuxièmes plus hautes chutes d’Afrique (235 mètres), après les chutes Tugela (948 mètres) en Afrique du Sud
[24] Laurent Bergozini et Al. Atlas des pays du nord-Tanganyika. L’hydrologie et la limnologie autour du la Tanganyika. Avec l’appui de l’AFD, de l’AUF et l’IRD. 2015
[25] La déforestation dénude le sol et entraine des érosions et des éboulements qui charriés vers le lac Tanganyika, entrainant un excès de dépôt d’alluvions sur le lit du lac, ce qui peut avoir un effet, minime soit-il, sur la montée des eaux.
[26] Radio OKAPI. Kalemie : la crue du lac Tanganyika impacte les activités économiques. Cf. https://www.radiookapi.net/2024/04/23/actualite/environnement/kalemie-la-crue-du-lac-tanganyika-impacte-les-activites . 20 mars 2024
[27] Nations-Unies. La montée des eaux du lac Tanganyika provoque des besoins humanitaires urgents au Burundi. cf. https://news.un.org/fr/story/2021/07/1100332 .19 juillet 2021
[28] Ibid.
[29] Ibid.
[30] Il fut le Mwami (Roi) du Burundi qui a résisté aux colonisateurs pendant plusieurs années.
[31] Nations Unies. La montée des eaux du lac Tanganyika provoque des besoins humanitaires urgents au Burundi. cf. https://news.un.org/fr/story/2021/07/1100332
[32] ALT. Cf. https://lta-alt.org/qui-sommes-nous/historique/
[33] Ibid.
[34] Ibid.
[35] Enabel. Projet Régional intégré d’Amélioration de la Qualité des Eaux du Lac Tanganyika et de son Bassin. cf. https://open.enabel.be/en/BDI/2331/1214/u/burundi-le-contrle-de-la-monte-du-niveau-du-lac-tanganyika-un-nouvel-enjeu-pour-le-projet-lake-tanganyika-water-management.html
[36] PRODAP. Cf. https://lta-alt.org/prodab/
[37] Nations Unies. La montée des eaux du lac Tanganyika provoque des besoins humanitaires urgents au Burundi. cf. https://news.un.org/fr/story/2021/07/1100332
[38] Ibid.
[39] Banque Mondiale. Accès aux ports du lac Tanganyika. Principaux défis et recommandations. 2018
[40] UNDP. Quel futur pour le lac Tanganyika. Changement climatique et pollution menace le plus ancien lac d’Afrique. Mars 2017. cf. https://stories.undp.org/quel-futur-pour-le-lac-tanganyika
[41] Ibid.
[42] Nations Unies. La montée des eaux du lac Tanganyika provoque des besoins humanitaires urgents au Burundi. cf. https://news.un.org/fr/story/2021/07/1100332
[43] Blandon Uwamahoro. Lac Tanganyika, des solutions urgentes pour la régulation de la montée des eaux. Journal Africa. 13 juillet 2021.
[44] Allison, E.H. et Al. Evaluation et conservation de la biodiversité du lac Tanganyika. Décembre 2000
[45] Gilbert Nkurunzinza. Lac Tanganyika. Les experts mettent en lumière les raisons de la montée des eaux. Burundi Eco. 16 juillet 2021. Cf. https://burundi-eco.com/lac-tanganyika-experts-mettent-en-lumiere-raisons-de-la-montee-de-ses-eaux/
[46] Ibid.
[47] Ibid.
[48] Ibid.
[49] Blandon Uwamahoro. Lac Tanganyika, des solutions urgentes pour la régulation de la montée des eaux. Journal Africa. 13 juillet 2021. Cf. https://lejournal.africa/lac-tanganyika-des-solutions-urgentes-pour-la-regulation-de-la-montee-des-eaux/
[50] Ibid.
[51] Ibid.
[52] Gilbert Nkurunzinza. Lac Tanganyika. Les experts mettent en lumière les raisons de la montée des eaux. Burundi Eco. 16 juillet 2021.
[53] OCHA. Burundi : Inondations des zones riveraines du lac Tanganyika – Flash Update No.1, 20 avril 2021. cf. https://www.unocha.org/publications/report/burundi/burundi-inondations-des-zones-riveraines-du-lac-tanganyika-flash-update-no1-20-avril
[54] Gilbert Nkurunzinza. Lac Tanganyika. Les experts mettent en lumière les raisons de la montée des eaux. Burundi Eco. 16 juillet 2021.-++
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