Le président Paul Kagame du Rwanda serait-il en train de s’immiscer dans les prochaines élections européennes ?

Contexte

 

Les élections européennes sont prévues pour ce 09 juin 2024 dans tous les 27 pays membres de l’UE.  Entretemps, la même Union Européenne comme l’avait demandé l’espagnol Josep Borell qui est Vice-président de la Commission européenne et Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, vient de nommer le diplomate belge Bernard Quintin  comme Représentant Spécial de l’Union Européenne dans la région troublée des Grands Lacs d’Afrique.

 

Mais comme le fait remarquer le quotidien belge “Le Soir” dans son édition du 27 mai 2024 sous la plume de Colette Braeckman, c’était sans compter avec les caprices de l’enfant gâté de l’Occident de cette région qu’est le président Paul Kagame du Rwanda.

 

Le diplomate belge nommé à ce poste est un connaisseur de cette région. En effet, c’est un ancien ambassadeur de Belgique au Burundi et en RDC. Et à ce titre, il a suivi l’évolution de la situation politico-militaire dans la région et y a noué d’importants contacts.

 

Et c’est par ces atouts qu’il a battu ses concurrents prétendant aussi à ce poste comme le candidat de la France ou celui de la Finlande Pekka Haaviston présenté auparavant comme favori pour avoir été ministre des Affaires étrangères de son pays.

 

Les enjeux

 

L’ambassadeur Bernard Quintin, comme diplomate connaissant la réalité sur le terrain et ayant noué des contacts importants, pourrait fournir des rapports et des appréciations à la Commission Européenne en porte à faux à la position inamovible de l’UE allant dans le sens de tout permettre au président Paul Kagame du Rwanda et de tout exonérer dans ses actes même les plus criminels. Ce qui pourrait provoquer des fissures dans le mur de protection dressée depuis 30 ans en vue de protéger le général Kagame contre toute critique ou dénonciation de ses crimes.

 

Ceci serait d’autant plus inquiétant pour le président rwandais et ses protecteurs que des organisations de la société civile en Union Européenne osent produire un rapport d’enquêtes sur les crimes de Paul Kagame alors que c’était jusqu’ici tabou. Le collectif de journalistes Forbidden Stories a en effet publié mardi 28 mai 2024 son enquête sur la répression menée par les autorités rwandaises contre les opposants au régime du président Paul Kagame, ainsi que contre des journalistes critiques.

 

Calculs de Paul Kagame

 

Sentant le danger, le président Paul Kagame ne pouvait pas laisser passer cette nomination et donc il doit tout tenter pour empêcher son exécution.

 

Le prétexe et l’occasion lui sont donnés par la brouille diplomatique avec la Belgique et qui perdure. En effet Paul Kagame ayant nommé le criminel notoire parmi ses agents, le tristement célèbre Vincent Karega comme ambassadeur du Rwanda à Bruxelles. Celui-ci avait été expulsé d’Afrique du Sud et de la RDC pour actes criminels incompatibles avec le statut de diplomate. Pour cela, la Belgique, a refusé de lui accorder l’accréditation. L’affaire dure depuis un an et Paul Kagame jure que ce sera Vincent Karega comme ambassadeur à Bruxelles ou personne d’autre. Le gouvernement belge résiste toujours à ce dictat de Paul Kagame et jusqu’à présent pas d’ambassadeur du Rwanda à Bruxelles.

 

Mais avec la nomination d’un belge comme représentant spécial de l’UE dans la région des Grands Lacs, Paul Kagamee saute sur l’occasion pour dire que lui aussi, il refuse son accréditation en représailles à ce que la Belgique a infligé à son Vincent Karega.

 

Le représentant spécial de l’UE étant mandaté pour les pays comme la RDC et le Burundi qui eux veulent bien l’accueillir, devrait donc être recalé car Paul Kagame le refuse, comme pour dire que la région des Grands Lacs se réduit au seul Rwanda de Paul Kagame.

 

L’autre calcul de Paul Kagame dans ce bras de fer avec la diplomatie belge est de faire qu’à la longue, il n’y ait jamais de consensus à la Commission de l’UE en ce qui concerne la région des Grands Lacs  et donc de bloquer toute décision qui lui serait défavorable.

 

Pour cela, Paul Kagame compte sur ces pays dont les candidats ont été battus, que sont la France de Macron déjà acquise et la Finlande qui ne connait rien sur la région et n’ y a directement aucun intérêt.

 

Conséquences prévisibles et escomptées

 

Paul Kagame et ses conseillers dans son “Presidential Advisory Council” (PAC), son gouvernement-bis comprenant les grands patrons des multinationales et magnats de la Finance mais aussi certains  anciens chefs d’Etats et de gouvernements occidentaux, comptent semer la cacophonie dans la diplomatie de l’UE à la veille des élections. De cette manière, ils vont discréditer l’équipe sortante qui commençait à s’inquiéter des actes de Paul Kagame dans la région. Ils œuvrent pour favoriser  dans ces élections des inconditionnels de Paul Kagame en Europe à savoir : la droite dure et l’extrême droite.

 

Ainsi, en France où il s’agit seulement des élections pour le Parlement européen, ils militent pour la parti d’Emmanuel Macron et le RN de Marine Le Pen, pour battre et marginaliser les socialistes et la France Insoumise (LFI) de Jean Luc Melenchon et les partis alliés au Parlement de Strasbourg.

 

En Belgique, il s’agira de 3 élections: européennes, fédérales et régionales. Chez les francophones, les lobbies de Kagame militent pour le MR du clan Michel et pour DEFI des frères Maingain pour battre et marginaliser les Engagés en Wallonie et à Bruxelles. Et en Flandre, ils poussent le Vlams Belang pour marginaliser et battre le CD&V. Et enfin, ils travaillent pour que ce soit le MR du clan Michel sous l’impulsion du président du Conseil Européen sortant, un Michel, qui envoie le plus, sinon tous les députés européens belges à Strasbourg. Ainsi, les lobbies de Paul Kagame seront assurés qu’aucune question ou débat critique sur leur créature Paul Kagame ne serait jamais à l’ordre du jour dans les institutions européennes.

 

Actions en cours

 

Parallèlement à ses actions médiatiques et diplomatiques perceptibles et avouables, le régime de Paul Kagame, à travers son parti-Etat, le FPR, s’adonne à des actes sournoises mais ayant le même objectif: maintenir l’omerta sur ses crimes et lui assurer l’impunité et soumettre toute décision politique de la Belgique au bon vouloir de Paul Kagame.

 

C’est ainsi que sa diplomatie parallèle s’agite énormément et plus que jamais Paul Kagame doit entretenir son image en Occident en général et en Union Européenne en particulier en payant abondamment les services d’experts en relations publiques dans ces pays.

 

Entretemps, des événements-bidons sont organisés à Kigali et sont surmédiatisés alors que rien ne le justifie à part faire diversion sur le côté macabre et inhumain de la dictature en place depuis trois décennies. Il y a lieu de citer: un tournoi de Basket Ball des mineurs d’Afrique dont Kagame et sa femme assistent à chaque match pour plus de médiatisation, ou encore l’inauguration d’un “stade ultramoderne” qu’il prétend avoir construit,  alors que Paul Kagame l’a découvert dans Kigali en 1994 en montant sur le  trône du Rwanda venant d’Ouganda.  En ce 2024,  il n’a fait que l’illuminer davantage, repeindre ses façades extérieures et changer les sièges dans les gradins.

 

Et puis il y a aussi et surtout l’instrumentalisation de la justice en politisant et en réduisant les procès en cours en Europe en des séances de cultes religieuses.

Sur ce chapitre, les lobbies de Paul Kagame dans l’Union Européenne, spécialement ceux de Belgique et de France,  qui ont réussi à imposer la tenue des procès en Assises pendant la période que Kagame appelle “de deuil du génocide des Tutsi” soit, d’avril à juillet pour jouer sur les émotions, sont à l’œuvre pour rendre ces procès en cours, des séances de catéchisme de la religion du Seigneur Kagame, le Sauveur du Monde”.

 

Les témoignages à charge contre un accusé quelconque fournissent ,comme toute preuve de culpabilité, non ses actes concrets mais son  état de “ Hutu” ou d’ancien adhérant au parti unique MRND du président Habyarimana ou encore le fait de ne pas avoir pu sauver des Tutsi pendant la guerre,  alors qu’il n’était qu’un civil et sans autorité.

 

Et paradoxalement, quand un accusé signale et prouve qu’il a sauvé des Tutsi au risque de sa vie, ceci se retourne contre lui car les procureurs et surtout les juges estiment avoir dans cet acte humanitaire la preuve de sa culpabilité car s’il a pu sauver quelques Tutsi, c’est qu’il avait droit de vie et de mort sur eux. Imparable!

 

Les procureurs, souvent des magistrats, après plusieurs séjours au Rwanda, ne font que sermonner les membres du jury en leur répétant que dans un procès pour “genocide contre les Tutsi” la seule décision qu’ils devraient prendre est de déclarer l’accusé coupable et de le condamner à perpetuité!

 

Réactions possibles et souhaitables

 

Face à cette contre-offensive tous azimuts du président Paul Kagame, ses cibles actuelles que sont la Belgique et l’Union Européenne ne devraient pas laisser ce dictateur, qui semble aux abois, se débattre autour d’eux car comme toute fauve blessée, il pourrait faire très mal.

 

L’Union Européenne, plus précisément la présidence sortante de la Commission, devrait empêcher Paul Kagame de la discréditer juste au moment où son bilan doit être évalué par la population à laquelle elle demande un renouvellement de la confiance. La nomination unanime de son représentant en Afrique des Grands-Lacs ne devrait donc pas être contestée et annihilée par un dictateur du plus petit de ces Etats.

 

De même la  diplomatie sortante de l’Union Européenne en la personne de Josep Borell ne devrait pas offrir au président Paul Kagame l’occasion d’accréditer la thèse comme quoi celle-ci ne pèse pas grand-chose en Afrique et que donc elle ne servirait à rien.

 

Le gouvernement belge encore aux affaires, devrait lui-aussi résister à ce “Tsunami” que Paul Kagame entend faire monter pour le submerger le 09 juin. Il ne devrait donc pas donner l’accréditation au criminel Vincent Karega comme ambassadeur de Kagame à Bruxelles et encore moins accepter que le diplomate belge choisi unanimement par l’UE pour la représenter, soit empêché par les caprices du seul Paul Kagame.

 

La diplomatie de la RDC, qui vient d’être revigorée, devrait faire de ce dossier son premier test d’efficacité dans ses relations avec l’UE en faisant notamment comprendre que la région des Grands-Lacs n’est pas seulement constituée du Rwanda de Paul Kagame pour que lui seul accorde ou refuse l’accréditation des diplomates envoyés dans cette région.

 

La diplomatie du Burundi devrait joindre sa voix à celle de la RDC pour dire que le Burundi a aussi un mot à dire concernant l’accréditation d’un diplomate dans son pays. Occasion aussi de rappeler que les jugements et mesures injustes de l’UE envers le régime démocratique du Burundi visant à l’affaiblir par rapport au régime dictatorial de Paul Kagame du Rwanda, sont immoraux et donc devraient être revus par la Commission qui sortira des élections du 09 juin 2024.

 

Enfin, les sociétés civiles de la région des Grands Lacs surtout celles ayant voix au chapitre car installées en UE et donc dont les membres sont électeurs, devraient saisir l’occasion pour dire aux décideurs de la Commission et surtout aux candidats que leurs voix tiendront compte de la façon dont le dossier de Paul Kagame est traité ou alors des promesses électorales dans ce sens.

Et en Europe chaque voix compte. Ce n’est pas comme au Rwanda de Paul Kagame qui est  déjà “élu à 99.9 %” avant même le 15 juillet 2024.

 

Emmanuel Neretse

 

 

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