Génocide rwandais. Procès du Dr Rwamucyo à la Cour d’Assises de Paris, France. Compte-rendu de la première semaine
Le procès du Dr Eugène Rwamucyo à la Cour d’Assises de Paris est éminemment politique. Il a débuté à Paris mardi le 01 octobre et devrait se terminer le 29 octobre 2024.
Compte-rendu de la première semaine
Cette première semaine du procès politique et historique en France s’achève dans une situation politico-diplomatique qui ne manquera pas d’avoir un impact sur la suite de son déroulement.
En effet, vendredi 04/9/2024 s’est ouvert à Paris le sommet de la Francophonie que préside la rwandaise Louise Mushikiwabo, très proche du président Paul Kagame. Bien plus, Paul Kagame lui-même est présent à ce sommet et le samedi 06/10, il aura un tête à tête avec le président Macron qui, la veille aura reçu le président congolais Félix Tshisekedi.
Aucun doute que les procès intentés au même moment à Paris seront évoqués surtout celui du Dr Charles Onana, un franco-camerounais, donc ni Hutu ni Tutsi, mais qui est accusé de soutenir les Hutu contre les Tutsi, donc de “racisme et de négationnisme”. Mais surtout, Charles Onana a osé documenter et publier les crimes que Paul Kagame et son armée ont commis et commettent encore en RDC depuis plus de 2 décennies, un péché mortel aux yeux de Paul Kagame.
Semaine 1 : du 01 au 04/10/2024
C’est mardi le 01 octobre à 10h10 que s’est ouvert le procès du Dr Eugène Rwamucyo devant la Cour d’assises de Paris présidée par Monsieur Lavergne, un juge habitué des Cours d’Assises devant lesquels sont jugés les Hutu ayant fui Paul Kagame et exilés en France.
Dans ces procès (plus d’une dizaine), il est apparu que la seule sentence connue et autorisée aux Cour d’Assises de France qui jugeraient les Hutu rwandais serait “la condamnation de l’accusé’’.
Dès le premier jour d’audience, quelques faits inhabituels dans un procès normal ont été notés. Après les formalités d’usage : appel et tirage au sort et prestation de serment des six jurés titulaires (4 femmes et deux hommes) et six jurés remplaçants (1 femme et 5 hommes), le procès proprement dit commença.
D’entrée de jeu, il a semblé à toute l’assistance que le procès serait inéquitable ou purement politique mais non pénal et que le juge président s’y engagerait et l’assumait comme nous allons le montrer.
Ainsi le juge président Lavergne a rejeté toutes les requêtes des avocats de la défense qui demandaient un délai supplémentaire pour examiner le contenu des documents totalisant plus de 2 000 pages et produits tardivement par les parties civiles et l’accusation et éventuellement trouver de nouveaux témoins. Pourtant, le même Juge a rejeté ceux de quelques pages introduits par la défense sous prétexte qu’ils ne seraient pas nécessaires.
On a noté des attitudes et décisions frisant l’inhumanité ou le manque de civilité de la part du juge président Lavergne. Comme cette expulsion sans ménagement de la salle d’audience de l’épouse du Dr Rwamucyo, Madame Mamérique Mukamunana, et cela sans motif et sans explications!
Il est vite apparu qu’Alain Gauthier et sa puissante organisation CPCR ainsi que son avocat Maître Laval, seraient les vedettes de ce procès et même éclipseraient la Cour et les parties en procès du fait qu’ils se croient et admis comme tels “seuls juges et parties” dans ce genre de procès.
Les parties civiles ayant présenté plus de 800 personnes physiques qui se seraient constituées parties civiles, dont 530 par le seul CPCR d’Alain Gauthier, la défense a demandé à ce que chacune de ces parties civiles, personnes physiques, puisse justifier de cette qualité ou alors être déclarée irrecevable. Alain Gauthier et son avocat Me Laval ont tout simplement dit à la Cour de rejeter cette demande pourtant légitime et régulière. Ce qui fut aussitôt fait. Ainsi donc le CPCR d’Alain Gauthier et son avocat Me Laval sont si puissants et redoutés qu’ils obligent la Cour à avaliser les irrégularités des parties civiles et du Parquet.
Me Laval a même poussé le bouchon plus loin jusqu’à sauter les étapes en commençant par sermonner les membres du jury tout juste nommés, de considérer le Dr Rwamucyo devant eux comme “un criminel à condamner” et cela avant même la lecture de l’acte d’accusation et encore moins des plaidoiries des parties. Mais le plus étonnant, c’est que le juge président Lavergne l’a laissé continuer à pérorer sans oser le recadrer alors qu’il déraillait visiblement.
Le caractère plus politique que judiciaire de ce procès a encore été mis en exergue quand le rapport d’expertise de François Delbar sur la personnalité de l’accusé, le Dr Eugène Rwamucyo, fut présenté ainsi que les insinuations et les interprétations tendancieuses du CPCR d’Alain Gauthier et son avocat Me Laval.
C’est au cours de l’interrogatoire de l’accusé sur sa personnalité, interrogatoire qui a duré plusieurs heures étalées sur 2 jours, que l’auditoire, ébahi, se posera toujours des questions comme celles-ci : comment, dans une instance criminelle, ordonner que l’accusé parle en premier avec ses témoins avant même de savoir ce de quoi il est accusé ? Comment faire face à ces 850 parties civiles apparues subitement et ex nihilo alors que lors du dépôt de l’acte d’accusation, il n’y en avait aucune personne physique comme “partie civile”? Et comment faire face aux théories très vagues et larges de l’accusation sans avoir eu l’occasion de les apprendre auparavant ni avoir eu le temps d’en chercher les réponses? On se retrouve dans la démesure! “qui nimis probat nihil probat” (celui qui prouve trop ne prouve rien !)
Il semble qu’évoquer les crimes de guerre et contre l’Humanité commis par le FPR de 1990-1994 devient un crime en France! Ou encore, qu’il faut être absolument Hutu pour être jugé pour un crime en France. Ceci s’est manifesté pendant les audiences successives dans des cas suivants:
Audition du Général Augustin Ndindiliyimana, ex-Chef d’Etat Major de la Gendarmerie au Rwanda de 1992 à 1994, cité à la demande de la défense.
Le témoignage du général Ndindiliyimana, pourtant précis et essentiel dans la défense de l’accusé, serait, d’après Alain Gauthier et ses avocats du CPCR, à considérer comme “inutile” et l’ont clamé haut et fort devant la Cour et en direction des jurés, car selon Alain Gauthier et ses avocats “… il continue à rendre le FPR responsable de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, et donc responsable du génocide”. Comme quoi ces militants du FPR n’hésitent même pas à nier l’évidence (acte déclencheur du génocide que constitue l’attentat du 06 Avril 1994 commis par le FPR de Paul Kagame) et vont même jusqu’à criminaliser ceux qui l’évoquent.
Le même puissant lobby pro-Kagame/FPR de France que constituent le CPCR d’Alain Gauthier et ses avocats a eu même le culot d’insinuer que le général Ndindiliyimana n’aurait pas été acquitté de tous les chefs d’accusation par le TPIR. Ce lobby prétend donc que le général Ndindiliyimana aurait été condamné en première instance et que donc l’acquittement prononcé en Appel n’aurait pas de valeur. Il en donne pour “preuve” que le général est quand-même resté en prison pendant 10 ans! Les magistrats et les juristes en général devraient savoir à qui ils ont à faire quand le CPCR d’Alain Gauthier se présente devant eux! Toute notion de Droit devrait disparaître et au profit du militantisme pro-FPR/Kagame.
Audition et interrogatoire de Madame Mamérique Mukamunana, l’épouse du Dr Rwamucyo.
C’est lors de son audition et interrogatoire qui ont été différés à plusieurs reprises qu’il est apparu que la Cour, sur insistance des parties civiles, admettait qu’un Hutu était d’office “coupable” même avant son jugement, et que même tout témoin Hutu devait être disqualifié. D’où l’embarras de la même Cour quand Madame Mamérique Mukamunana l’épouse de l’accusé a affirmé qu’elle ne pourrait pas se considérer comme étant de telle ou telle ethnie (Hutu ou Tutsi). Elle eu beau d’expliquer qu’elle est issue d’une lignée généalogique provenait du mélange des Hutu et des Tutsi depuis des générations et que donc elle ne peut pas dire si elle est “plus Tutsi que Hutu” ou vice-versa.
La Cour et les parties civiles ont été vent debout pour exiger qu’elle choisisse entre être Hutu ou Tutsi afin qu’ils sachent ou la classer sur leur échelle des valeurs : bons et mauvais rwandais.
De même, comme pour le général Ndindiliyimana, Madame Rwamucyo, née Mukamunana, ne devrait point évoquer les membres de sa famille tués par le FPR, car cela constituerait un crime de “lèse majesté Paul Kagame” surtout devant une Cour de justice française.
Madame Rwamucyo fut ensuite attaquée (ou plutôt cuisinée comme s’en vante le CPCR d’Alain Gauthier) sur des sujets qui n’ont rien à voir avec la personnalité de son mari ni ses actes en 1994.
On lui demanda entre autres comment elle a pu travailler comme journaliste de Radio Rwanda, un “média anti-tutsi”! Alors que Radio Rwanda était le seul média audio-visuel public depuis l’indépendance du Rwanda en 1962.
On lui demanda ensuite comment a-t-elle pu lire un journal comme Kangura ou écouter la RTLM, etc., alors que comme journaliste, elle devait justement s’informer et cela à toutes les sources ; ce qui est différent de prendre position pour une telle ou telle opinion.
Bref on était loin du procès de son mari le Dr Rwamucyo mais en plein dans celui des Médias qui pourtant est terminé au TPIR il y a des décennies.
Forcing du CPCR d’Alain Gauthier pour imposer Maria Malagardis comme “juge et partie”
Un autre acte étonnant et de désinvolture du puissant lobby pro-FPR/Kagame de France, qui fut noté lors des audiences de cette première semaine, fut le forcing du CPCR pour imposer, à la dernière minute à la Cour, une journaliste nommée Maria Malagardis.
Mais qui est Maria Malagardis?
Cette femme est une gréco-française actuellement célèbre et star pour être une journaliste d’un grand quotidien de France “Libération”. Côté social, elle est une proche et amie personnelle du couple franco-tutsi d’Alain et Daphroza Gauthier du CPCR. C’est dans ce cadre qu’elle est invariablement témoin “expert, de contexte, ou factuel” dans tout procès que le CPCR d’Alain Gauthier intente aux Hutu en France.
Sur le plan littéraire, elle a écrit un livre sur le couple Alain et Daphroza et sur leur engagement et ayant pour titre : “Sur la piste des tueurs rwandais”, Éd. Flammarion, 2012. Curieusement le chapitre 7 de ce livre est consacré au Dr Rwamucyo.
Sur le plan judiciaire, Maria Malagardis jouit d’une impunité totale lorsqu’elle calomnie ou insulte des habitants de France pourvu qu’ils soient d’origine Hutu ou opposants au régime du FPR/Kagame du Rwanda. Elle peut donc qualifier des personnes non jugées et condamnées par la justice de “Nazis, de génocidaires, de racistes, d’anti-sémites etc. et cela impunément. Ceci vient récemment d’être confirmé par un jugement d’un Tribunal correctionnel de Paris du 13 mars 2024 qui a innocenté la journaliste et débouté un paisible exilé Hutu vivant en France que Maria Malagardis continue de qualifier de “génocidaire Nazi” alors qu’il ne s’est jamais caché et donc pas jugé et encore moins condamné pour ces crimes et qui avait osé porter plainte.
C’est donc ainsi que subitement et en fin du 2è jour du procès, l’avocat des parties civiles et l’avocat général ont présenté des documents audio-visuels signés de Maria Malagardis et demandant à ce qu’ils soit versés au dossier d’accusation. Ces documents sont des DVD rapportant des scènes fictives filmés on ne sait où et quand et présentés par la journaliste comme des reportages de ce qui se serait passé au Rwanda en 1994. Et pour couronner le forcing, plusieurs extraits des livres écrits par Malagardis ou ses amis furent aussi versés au dossier d’accusation sans que la défense ne puisse en prendre connaissance et surtout avoir le temps d’y réagir.
Ensuite, ce fut l’audition de Monsieur Alain Verhaagen, un belge cité par le ministère public. Alain Verhaagen est un habitué des Cours d’assises de France jugeant les Hutu rwandais. Depuis une dizaine d’années, il n’a raté aucun procès pour venir raconter les mêmes affabulations. C’est donc un “témoin professionnel du Procureur ”. Et pour cause: en 1994 il séjournait au Rwanda en tant qu’agent des services secrets belges, opérant comme toujours, sous le couvert de MSF-Belgique. Son récit ne devrait point émouvoir même le plus naïf et non averti des jurés. Mais l’accusation y recourt toujours et cela lui réussit.
Alain Verhaagen a été suivi par un autre témoin cité par le ministère public, la française Hélène Dumas. Celle-ci se présente comme une “historienne spécialiste du génocide au Rwanda” tout simplement pour avoir découvert les Tutsi et s’être liée à eux au cours de ses études à l’Institut des Hautes Etudes en Sciences Sociales (IHESS) de Paris dont le célèbre José Kagabo qui y était professeur. Depuis lors, elle défend avec passion et sur tous les fronts (médiatique, édition, académique et surtout judiciaire) leurs mensonges et leur idéologie. Les prédications de cette passionnée de la cause tutsi sont donc sans aucun intérêt pour la justice surtout dans la présente affaire,
Cette première semaine des audiences devrait se terminer avec les auditions de Damien Vandermeerch, un juge d’instruction belge qui a systématiquement instruit tous les dossiers d’accusation contre les Hutu accusés de génocide et vivant en Belgique. Et de ce fait, il témoigne souvent devant les Cours d’assises en France jugeant les affaires similaires comme pour leur indiquer comment s’y prendre pour ne pas rater un Hutu.
Un obscur psychologue cité par IBUKA devrait aussi être entendu pour enseigner, selon lui, ce qu’est un “Hutu génocidaire”.
Enfin la journée devrait se terminer avec l’audition, par visioconférence à partir des Etats Unis d’Amérique, du professeur Stephen Smith qui enseigne à l’université de Duke.
Le professeur Stephen Smith connaît l’Afrique et spécialement le Rwanda pour avoir été jounaliste aux quotidiens Libération et Le Monde de France. A ce titre il est un des rares sinon le seul intellectuel qui n’adhère pas automatiquement aux thèses officielles et dogmatiques sur le drame rwandais de 1990-1994. Il s’est notamment fait remarqué en soutenant la thèse selon laquelle l’actuel président rwandais, Paul Kagame, aurait commandité l’attentat contre le président de l’époque, Juvénal Habyarimana, provoquant sciemment le génocide de sa propre communauté, les Tutsis. Smith a décrit l’évolution de ses positions sur le Rwanda dans un article publié en 2011 par la London Review of Books.
Sa déposition est donc essentielle dans ce procès. Pour la défense c’est une chance (rare) qu’il ait été retenu par la Cour comme témoin et non contesté par les puissantes parties civiles (CPCR, IBUKA, …).
A suivre pour la semaine du 14 au 18/10
Emmanuel Neretse
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