Discours de Mme Victoire Ingabire Umuhoza à la soirée Ingabire Day du 26/10/2024 à Bruxelles
Mesdames et Messieurs, Bonsoir,
A l’occasion de la soirée INGABIRE DAY que vous célébrez en Belgique ce 26 octobre 2024, je remercie encore une fois les différentes organisations qui ont eu l’idée d’instaurer le moment de réflexion sur les prisonniers politiques et d’opinion au Rwanda.
Je remercie ces organisations de m’avoir donné l’occasion de vous dire ce que je pense sur le thème qu’ils ont choisi cette année, à savoir : « Au Rwanda les prisonniers politiques, les prisonniers d’opinons, ceux qui ont été assassiné et les disparus, que leur souffrance ne soit pas vain :NTIBAZAPFIRE UBUSA ».
J’ai beaucoup réfléchi sur le thème de cette soirée. Il est très pertinent. J’espère que vous tous présents dans cette soirée et toutes les personnes que vous côtoyez chaque jour, pensent à ces victimes.
Nos prisonniers politiques et d’opinion, vous les connaissez tous, je ne reviendrai pas sur leurs noms.
Au moment où je vous parle, plus de 5 journalistes indépendants et les youtubeurs sont derrière les barreaux.
Entre octobre 2016 et juin 2020, au moins quatre membres de l’opposition sont disparus et trois autres ont été assassinés. Et certains activistes et youtubeurs sont aussi disparus dans les circonstances non encore élucidées jusqu’à présent.
Le plus récent, c’est Me Matimbano Barton qui a disparu après avoir gagné le procès contre l’officier de la police qui dirige le triste célèbre centre de transit connu sous le nom de “ Kwa Kabuga”.
Depuis le 10 octobre jusqu’à la date d’aujourd’hui, nous ne savons pas où il se trouve.
Notre Parti DALFA et moi personnellement avons une pensée spéciale pour toutes ces victimes.
Je rappelle que toutes ces personnes sont victimes de s’être engagées dans la lutte contre l’injustice sociale et la défense de la dignité humaine dans notre pays.
Mesdames et messieurs
La lutte contre les injustices sociales et la défense de la dignité humaine ne sont pas seulement des valeurs morales qui doivent guider le comportement des individus. Elles sont également essentielles au maintien de la paix et du développement.
Le préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme rappelle en effet que, je cite: « la reconnaissance de la dignité inhérente et des droits égaux et inaliénables de tous les membres de la famille humaine est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». Fin de citation.
Par ailleurs, la déclaration stipule, dans son article 1, que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont dotés de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
Je peux confirmer sans me tromper que cette déclaration des droits de l’homme reste la référence universelle. Et je reste convaincue que les valeurs exprimées dans la déclaration restent les piliers universels de la paix et de la sécurité dans le monde.
La question que nous ne pouvons pas manquer de nous poser est donc la suivante :
comment en sommes-nous arrivés là où nous sommes aujourd’hui ?
Nous assistons à des guerres qui ravagent des populations dans différentes régions du monde. C’est pourtant après la Seconde Guerre mondiale que cette déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée.
Soixante-seize ans après l’adoption de cette déclaration, les guerres et les conflits font toujours rage dans le monde et dans la région des Grands Lacs d’Afrique en particulier.
En fait, la région des Grands Lacs est devenue un foyer de conflits, de guerres et de pauvreté malgré ses vastes ressources naturelles, notamment en RDC. Il est donc légitime de se demander pourquoi la situation n’a pas fondamentalement changé.
À mon avis, le problème réside dans le fait que les conflits et les guerres sont examinés à travers les « lunettes » du tribalisme plutôt qu’à travers les « lunettes » de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui souligne l’importance de la justice sociale et du respect de la dignité humaine afin d’anticiper ou résoudre les conflits.
Le Rwanda est considéré comme un cas d’étude du pire tribalisme et la dictature est suggérée comme une solution pour la stabilité et le développement.
L’instabilité dans la région des Grands Lacs africains remonte aux années 1990.
Personnellement, je pense que cette instabilité est contextuelle et non le résultat d’un tribalisme irrationnel. Il s’agit de la mauvaise gouvernance, du manque de démocratie et de respect des droits de l’homme.
Et, il ne faut pas se le cacher, il y a surtout la question de l’intérêt économique de ceux qui veulent accaparer les richesses de la RDC à un prix réduit des matières premières mais avec un prix très élevé des vies humaines.
Je reste convaincue que sans solution pacifique au problème politique interne du Rwanda, il sera impossible d’instaurer la stabilité dans la région des Grands Lacs et en particulier dans l’Est de la RDC.
C’est dans ce cadre que j’ai avancé avec d’autres collègues de l’opposition et ceux de la société civile notre projet intitulé : « La feuille de route vers un avenir prometteur pour le Rwanda ». La feuille de route identifie une série de défis, notamment l’état de droit, la démocratie, le développement durable et la prospérité partagée au Rwanda.
Ces défis ne peuvent être résolus par des opérations militaires, mais uniquement par le dialogue.
Les décideurs de ce monde ont reçu notre proposition ; pourtant ils continuent d’investir des millions et des millions de dollars dans les projets dits de développement dans notre région mais ils oublient que l’essentiel c’est « aider les peuples de cette région à lutter contre l’injustice sociale et à restaurer la dignité humaine ».
Il ne peut y avoir de développement durable sans démocratie car « seule la démocratie permet à un pays de bénéficier de toute l’énergie et du talent de ses citoyens ».
Pour le cas du Rwanda qui est salué pour son miracle économique, même si ce constat est discutable, nous savons tous qu’aucun développement n’est durable sans démocratie et sans respect des droits de l’homme.
Ces décideurs du monde ne parlent pas de justice pour la mort de plus de 6 millions de personnes, les violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants à l’est de la RDC. Aucune solution adéquate aux déplacés de l’intérieur du pays dont le nombre a dépassé le chiffre de 7 millions tout à l’Est de la RDC.
Ils parlent dans leurs rapports annuels des cas de victimes parmi ceux qui luttent contre l’injustice sociale au Rwanda mais ils ne prennent jamais des mesures pour améliorer la situation.
Ici je veux dire par exemple contraindre le gouvernement rwandais à libérer de l’espace politique.
Il faut comprendre que résoudre le problème politique interne du Rwanda est la seule voie de rendre le Rwanda un partenaire crédible dans la chaîne d’approvisionnement responsable des ressources naturelles régionales. L’objectif ultime est de faire progresser le développement et la prospérité de l’ensemble de la région des Grands Lacs d’Afrique.
Dans le monde globalisé d’aujourd’hui et au vu du contexte politique et économique, mon souhait est que nous vivions tous en harmonie et cela est possible.
J’aime bien lire les écrits de Martin Luther King. Et il y a un passage d’un de ses écrits qui me tient beaucoup à cœur, là où il dit, et je le cite, « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir comme des idiots ! »
Nous vivons à la même planète ; nous respirons le même air, nous sommes donc obligés de vivre ensemble en paix. Que chacun apporte sa contribution pour rendre cette humanité plus agréable à vivre ensemble.
J’y crois et c’est possible.
Travaillons donc ensemble pour lutter contre l’injustice sociale et défendre la dignité humaine dans notre région des Grands Lacs !
Je vous remercie et que Dieu vous bénisse.
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