Les mensonges de l’Etat sur le nombre de victimes du génocide rwandais : le ministre Jean Damascène Bizimana à la manœuvre

Le génocide rwandais de 1994 a marqué l’histoire du pays et du monde, avec des pertes humaines et des souffrances incomparables. Cependant, depuis plusieurs décennies, un mensonge persistant a envenimé le souvenir de ce drame : celui des guerres de chiffres des victimes.

Le nombre de Tutsis tués est souvent exagéré ou manipulé à des fins politiques, financières ou idéologiques.

 

Afin de combattre cette désinformation, il est essentiel de se baser sur des données fiables et vérifiables, telles que celles provenant du recensement de 1991 réalisé par l’ONAPO en collaboration avec l’USAID.

 

Ce recensement offre une vue d’ensemble précise de la population rwandaise avant le génocide, et permet de remettre en question les récits déformés qui circulent encore aujourd’hui. À travers cet article, nous revenons sur l’émission diffusée le 9 avril 2025 par l’Abbé Fortunatus Rudakemwa sur sa chaîne YouTube « Amateka atagoretse » dans laquelle il s’efforce de démystifier les mensonges entourant les chiffres du génocide, de mettre en lumière les manipulations des faits et d’appeler à la vérité et à la justice pour toutes les victimes, qu’elles soient Hutus ou Tutsis.

 

L’abbé Rudakemwa souligne que l’un des mensonges persistants au Rwanda concerne le nombre des personnes tuées lors du génocide de 1994. Afin de contrer ce mensonge là où il se propage, il propose d’examiner les résultats d’un recensement effectué par l’ONAPO, un organisme d’État chargé de la formation des Rwandais en matière de planification familiale, en collaboration avec l’USAID, une organisation américaine œuvrant pour le développement mondial.

 

Il nous invite à analyser la répartition de la population rwandaise dans chaque préfecture. Il précise que, bien qu’il soit question ici de Hutus et de Tutsis, l’omission des Twa sera Cette analyse est essentielle pour combattre le mensonge qui entoure les chiffres relatifs au génocide au Rwanda en 1994.

 

Le recensement de 1991 comme référence fiable

 

Ci-dessous le tableau montrant les résultats du recensement général de la population fait en 1991.

 

L’Abbé Rudakemwa explique que les données du recensement de 1991 sont cruciales, car elles nous permettent de démontrer plusieurs vérités et, surtout, de réfuter certains mensonges qui circulent à propos du génocide de 1994 au Rwanda.

 

Le recensement de 1991 indique qu’il y avait 221 806 habitants dans la ville de Kigali. Certains avancent que 350 000 Tutsis ont été tués dans la capitale. Toutefois, ce chiffre est erroné, car seulement 39 000 Tutsis vivaient à Kigali. Les affirmations selon lesquelles des centaines de milliers de Tutsis auraient été tués dans cette ville sont donc fausses.

 

En réalité, bien que ces 39 000 Tutsis n’aient pas tous été tués, si 200 000 personnes ont perdu la vie à Kigali, que ce soit aux mains des Inkotanyi ou des Interahamwe, cela signifie que la majorité des victimes étaient des Hutus, et non des Tutsis. C’est ce que ces données révèlent.

 

Prenons l’exemple de la préfecture de Butare, où le Dr Rwamucyo Eugène a récemment été accusé à tort en raison des événements tragiques survenus lors du génocide.

 

En 1991, la population tutsie de Butare était de 130 419 personnes. Si l’on prend, par exemple, la commune de Rusatira et qu’on vous affirme que 75 000 Tutsis y ont été tués, soit la moitié de la population de Butare, cela constitue un mensonge. Si cette affirmation était vraie, cela voudrait dire qu’environ 300 000 Tutsis seraient morts à Butare, ce qui est manifestement faux. Il est important de comprendre que de tels mensonges sont souvent répétés et colportés.

 

Il pourrait être souligné que ces chiffres omettent les Abatwa. Cette observation est pertinente, mais elle peut être rectifiée. Rectifions donc cette omission en intégrant les Abatwa dans le recensement complet, afin d’inclure cette population dans les données globales du Rwanda.

 

Le recensement mené en 1991 par l’ONAPO  en collaboration avec l’USAID donne les chiffres suivants :

La population totale du Rwanda s’élevait à 7 099 844, dont 6 467 958 Hutus (soit 91,1 %), 596 387 Tutsis (8,4 %) et 35 499 Abatwa (0,5 %).

 

Le mensonge d’État le plus dévastateur

 

IBUKA affirme que, selon le recensement qu’ils ont effectué, 1 685 784 Tutsis ont été tués lors du génocide de 1994 au Rwanda. Aujourd’hui, ils avancent même que ce nombre aurait atteint deux millions. Cependant, en 1991, la population tutsie n’atteignait pas la moitié de ce chiffre. Si l’on constate une telle augmentation, passant d’environ un demi-million à ce chiffre, cela suggère qu’en réalité, ils n’étaient probablement pas plus de 600 000 ou 650 000.

 

Les chiffres réels, sans déformation, révèlent que lorsqu’il s’agit du nombre de victimes du génocide en 1994, IBUKA, le FPR Inkotanyi et le gouvernement du FPR manipulent les statistiques. Cette manipulation semble être motivée par un désir de tirer profit de la situation, car ceux responsables de la mort de ces victimes doivent être punis et dépouillés de leurs biens. Plus le nombre de victimes Tutsis est élevé, plus le nombre de ceux qui seront privés de leurs biens augmente. Voilà la première raison de cette manipulation des chiffres.

 

La deuxième raison est d’ordre politique : l’argument selon lequel « nous avons été tués et devons rester au pouvoir pour éviter de nouveau d’être tués » est souvent avancé. Pourtant, cette idée est erronée. Les Inkotanyi ont également commis des meurtres pendant le génocide de 1994, tuant aussi bien des Hutus que des Tutsis, sans distinction. Il ne fait aucun doute que les Inkotanyi ont tué des Hutus dans les régions qu’ils occupaient depuis le 1er octobre 1990, et qu’ils ont perpétré des massacres partout où ils sont passés.

 

Les premiers Bagogwe tués en 1991 ont été assassinés par les Inkotanyi dans le but de faire accuser le régime du président Habyarimana. De même, les premiers Tutsis tués à Bisesero ont également été tués par les Inkotanyi pour incriminer le gouvernement de Habyarimana.

 

Permettez-moi de rendre hommage à toutes les personnes tragiquement assassinées par le FPR dans ce qui était alors désigné sous le nom de « Zone tampon ». Une pensée particulière va à mon frère, Kazabakira Innocent, et à ma sœur, Nyirantabire Xaverinne, qui ont été sauvagement tués par le FPR en juin 1994 dans la commune de Kidaho. Ils ont été brutalement frappés jusqu’à perdre la vie, puis jetés de manière inhumaine dans une latrine, près du marché de Rugarama. Ils méritent non seulement la justice, mais également une inhumation digne du respect et de la dignité humaine.

 

Durant la période des ‘‘Abacengezi’’ à Mudende, les réfugiés présents ont été tués par les Inkotanyi afin de faire croire que les Interahamwe étaient responsables des attaques. Les Inkotanyi n’ont donc pas hésité à tuer aussi bien des Tutsis que des Hutus pour atteindre leur objectif de prise de pouvoir.

 

Et même aujourd’hui, à l’approche de la semaine de commémoration, ces événements continuent de se reproduire, comme chaque année. Ils tuent les survivants du génocide Tutsis, ils détruisent leurs biens et leur bétail pour faire croire qu’il y a encore une idéologie génocidaire au Rwanda. Les Hutus et les Tutsis tués par les Inkotanyi pendant ce génocide n’ont même pas de chiffres précis.

 

Les premiers jours, les 7 et 8 avril 1994, toutes les télévisions du monde montraient des cadavres flottant dans la rivière Akagera, les bras attachés derrière le dos, ligotés : cette façon d’assassiner  c’est la signature des Inkotanyi. Ce qui est tragique, c’est que dans le nord du Rwanda, ainsi qu’au sud et au centre, les Inkotanyi tuaient les gens en les brûlant et ajoutaient une grande quantité d’oignons pillés  de sorte qu’au lieu que les gens sentent la puanteur, ils percevaient une odeur ressemblant à celle de la viande grillée. Cela aussi s’est produit.

 

Il est essentiel de connaître non seulement le nombre de personnes tuées, mais aussi d’identifier ceux qui ont commis ces crimes et combien ils sont. Tous les responsables, qu’ils soient Hutu ou Tutsi, doivent répondre de leurs actes devant la justice. De la même manière, il est important de reconnaître qu’il y a eu des Hutu et des Tutsi qui n’ont tué personne : ces individus méritent d’être connus et honorés, car certains ont même sacrifié leur vie en tentant de protéger les autres.

 

Durant cette semaine de commémoration, on observe chez certains menteurs un comportement bien particulier : ils se frottent les yeux, se grattent nerveusement, froncent les sourcils et transpirent abondamment, comme pour dissimuler leur malaise et empêcher que leur mensonge soit remis en question. Et si quelqu’un ose les contredire, il doit s’attendre à en subir les conséquences.

 

D’autres, pendant cette période de mémoire, jouent sur l’émotion : ils dramatisent, vont jusqu’à simuler une forme de traumatisme, dans le but de faire peur, de culpabiliser, et d’empêcher toute contestation de leur récit sous prétexte que cela les blesserait. Mais en réalité, ces démonstrations émotionnelles visent à tirer avantage de la situation : être seuls à recevoir l’empathie, seuls à bénéficier du soutien, seuls à conserver le pouvoir et à profiter des richesses du pays.

 

Cependant, falsifier la vérité en déformant les faits, en omettant ce qui s’est réellement passé, et en exagérant son témoignage en y ajoutant des éléments inutiles ou spectaculaires – comme si l’on y mettait des épices pour le rendre plus percutant – revient à trahir la réalité.

 

Dans son émission,  l’abbé Rudakemwa évoque le témoignage présenté cette année, le 7 avril 2025, par un certain Mutanguha Freddy. Selon lui, ce récit soulève de nombreuses interrogations, notamment parce qu’il semble renier ceux qui l’ont soutenu. Heureusement, souligne-t-il, Gahunde Chaste a immédiatement apporté une réponse critique ce même jour, à travers une prise de position intitulée « Kwibuka pour la 31e fois – Je conteste Mutanguha Freddy : Pourquoi renie-t-il ses frères ? »

 

Comment quelqu’un peut-il renier ses frères, renier les Hutus qui l’ont protégé au péril de leur vie ? Comment peut-on proférer de telles paroles mensongères ? C’est profondément triste. Mentir dans la douleur du deuil, mentir lors des funérailles, mentir pendant la veillée, tout cela dans le but de tirer parti des souffrances des autres ? Ce n’est pas de la dignité, c’est de la lâcheté et une mauvaise intention, bien plus que de simples intentions malveillantes. Même si le Rwanda aspire à la paix, une telle mauvaise intention mériterait une sanction sévère. Mais nous choisissons la paix.

 

L’abbé Rudakemwa se demande comment un citoyen ordinaire comme Freddy Mutanguha pourrait être dissuadé de mentir, lorsque même le ministre Bizimana soutient que la Belgique a détruit le Rwanda pendant 109 ans. Si l’on devait expliquer en détail comment la Belgique aurait soutenu les Inkotanyi et aidé les Tutsi depuis 1916 jusqu’à aujourd’hui, ceux qui aborderaient ce sujet n’en viendraient jamais à bout.

 

Qu’est-ce qui pourrait empêcher Mutanguha Freddy de mentir, lorsque même le ministre des Affaires étrangères, Nduhungirehe, ment ? Qu’est-ce qui pourrait l’arrêter, quand même le président Paul Kagame ment ? C’est une réalité tragique. Il est impératif que la vérité soit dévoilée : la vérité sur les chiffres, la vérité sur les responsables des meurtres, la vérité sur ceux qui n’ont pas tué – tout cela doit être mis en lumière.

 

Les autorités rwandaises affirment que les restes des victimes du génocide au Rwanda seront enterrés dans le sol afin qu’ils reposent en paix. Cependant, ne pourrait-il pas s’agir, en réalité, de la crainte que des experts viennent examiner ces ossements, identifient chaque personne, déterminent la date de leur décès et découvrent que beaucoup sont morts à une époque où les Interahamwe n’étaient même pas présents au Rwanda, mais où seules les troupes du FPR Inkotanyi étaient actives ? Une telle découverte mettrait en contradiction la version officielle. Il est donc raisonnable de penser que cette peur soit l’une des raisons pour lesquelles ces restes vont être enterrés.

 

Dans son décryptage, l’abbé Rudakemwa appelle les Rwandais à se dresser contre les mensonges du FPR et revient sur la guerre à l’Est du Congo. Il exhorte les Rwandaises et Rwandais à continuer de lutter contre les falsifications, en particulier celles concernant les chiffres.

 

En République Démocratique du Congo, dans cette guerre à laquelle le président Paul Kagame a entraîné le pays, près de 15 millions de personnes ont perdu la vie, principalement des Hutus et d’autres membres de la communauté des Bantous. Quinze millions de vies perdues, tout cela à cause de la recherche du profit et de la cupidité.

 

Ce qui rend cette guerre à l’Est du Congo encore plus tragique, c’est qu’elle a coûté la vie à de nombreux enfants rwandais. Imaginez un instant que votre mari, votre frère, votre ami ou votre voisin partent se battre au Congo, y meurent, devenant ainsi des corps abandonnés dans une terre étrangère, la terre du Congo, qui n’en avait pas besoin. Et pendant ce temps, le président déclare : « Il n’y a pas de troupes rwandaises au Congo« , ou « Si elles y sont, je ne suis pas au courant. »

 

Le ministre des Affaires étrangères répète cette même version, et nos compatriotes continuent de mourir. Même le ministre de l’Unité nationale soutient cette déclaration. Mais entendent-ils vraiment la souffrance que cela cause au peuple rwandais ? Comprennent-ils la cruauté de ces mensonges ? Et pourtant, ils prétendent servir le peuple rwandais, servir l’Afrique ?

 

Nos compatriotes sont morts au Congo, et on nous dit qu’il n’y a pas de Rwandais là-bas ? Non, cela est inacceptable. Nous devons continuer à lutter contre ces mensonges, notamment ceux concernant les chiffres. Sans la vérité, nous construirions sur du sable. Que Dieu bénisse le peuple rwandais et notre pays.

 

En conclusion, la manipulation des chiffres relatifs au génocide rwandais de 1994 est un phénomène complexe et dangereux qui cherche à déformer la vérité historique. Loin de contribuer à la réconciliation, ces mensonges ne font qu’aggraver les tensions et détruire la mémoire collective.

 

Les données issues du recensement de 1991, notamment celles de l’ONAPO et de l’USAID, démontrent que la vérité est bien plus nuancée que certains récits ne le laissent entendre. Les victimes du génocide, qu’elles soient Hutus ou Tutsis, méritent toutes d’être honorées dans leur dignité, et leur souffrance doit être comprise sans distorsion.

La manipulation des chiffres à des fins politiques, économiques ou idéologiques ne fait qu’empêcher le véritable processus de guérison et de justice.

 

Vestine MUKANOHERI

 

 

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