Le président camerounais Paul Biya et son épouse Chantal dans une messe d'action de grâce
Tendance. Depuis la formation du gouvernement, les traditionnelles fêtes au village semblent avoir été remplacées par les prières et autres messes d’action de grâce.
Jamais on aura autant prié pour le chef de l’Etat, Paul Biya. Depuis la formation du gouvernement, le 9 décembre dernier, les ministres promus ou maintenus au gouvernement multiplient des prières et des messes pour remercier le chef de l’Etat.
Samedi dernier, une grande messe œcuménique a été organisée à Mbankomo dans la banlieue de Yaoundé, à l’initiative de Luc Magloire Mbarga Atangana, le ministre du Commerce, maintenu dans ses fonctions. Comme officiant du jour, Joseph Atanga, l’archevêque de Bertoua et président de la Conférence épiscopale nationale. En compagnie de ses ouailles, ils ont prié pour « l’heureux maintenu », mais surtout pour le président Paul Biya, afin que le bon Dieu lui accorde « santé et longévité ».
Quelques jours plus tôt, le quartier Ngousso à Yaoundé était le théâtre d’une autre messe d’actions de grâce initiée par le curé du coin. Au cours de cet office religieux, on a prié pour Martin Belinga Eboutou (directeur du Cabinet civil), Philippe Mbarga Mboa (ministre chargé de missions à la présidence), Bidoung Kwpatt (ministre de la Jeunesse), Patrice Amba Salla (ministre des Travaux publics), Benoît Ndong Soumhet (secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education de base), etc., et imploré le Seigneur afin qu’il accompagne Paul Biya dans ses « grandes réalisations ».
« L’évangile social »
Avec le dernier remaniement ministériel, la tendance semble être à la méditation et moins à la fête au village comme c’était souvent le cas. Selon l’ancien président du Manidem, Anicet Ekane, que ce soit les cultes ou les fêtes au village, rien de tout cela ne change grand-chose au quotidien des Camerounais.
Paul Biya semble avoir tracé lui-même le chemin que suivent ses ministres. Le chef de l’Etat avait inauguré son nouveau septennat, le 4 novembre dernier, par un office religieux à la cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé. Le service interreligieux avait été présidé par l’archevêque de Yaoundé, Tonyé Bakot, et des leaders d’autres confessions religieuses, en présence de pratiquement tout le gouvernement de l’époque.
Cet office religieux va susciter l’ire d’un prêtre catholique, Ludovic Lado, dans une tribune publiée le 21 novembre 2011. « Dans une liturgie fabriquée de toutes pièces, on a vu la crème de la hiérarchie catholique introniser le prince, écrit le prélat. On se croirait au Moyen Age où les évêques intronisaient les rois. Messeigneurs, depuis quand êtes-vous aumôniers de la présidence de la République du Cameroun ? Et à supposer que vous l’étiez, la neutralité politique de l’Eglise aurait demandé un minimum de réserve et de discrétion dans un contexte comme le nôtre où les Camerounais sont divisés sur la légitimité de la victoire de votre protégé. »
Interrogé hier, Vincent Sosthène Fouda, homme politique et candidat recalé à la dernière présidentielle du 9 octobre dernier, se dit révulsé par l’attitude de l’Eglise au Cameroun qui, à son avis, a péché en ce qui concerne « l’évangile social ». « Quand vous regardez la position qui a été prise par Mgr Laurent Mosengwo pour le compte de la Conférence des évêques du Congo au sujet de la présidentielle dans ce pays, elle n’a rien à voir avec celle qui a été prise par la Conférence épiscopale nationale du Cameroun. En fait, nos évêques sont du côté de l’oppresseur. L’oppresseur n’étant pas forcément le pouvoir, mais l’injustice. La plupart de nos évêques sont compromis. C’est pour cela qu’il y a une rupture entre les évêques, les prêtes et les fidèles. »
Jean-Bruno Tagne