Expulsion des ex-prisonniers rwandais de l’ONU par le Niger. Scandale ou pagaille?

Rappel

 

Après la conquête militaire du Rwanda par le FPR en juillet 1994, un Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) fut créé par la résolution n° 955 du 8 novembre 1994 du Conseil de Sécurité, à la suite des conclusions d’une commission d’experts instituée par le Secrétaire général de l’ONU pour enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis au Rwanda entre le 1 janvier et le 31 décembre 1994.

Le TPIR a achevé ses travaux le 31 décembre 2015. Les dossiers du tribunal ont été repris par le Mécanisme des Tribunaux Pénaux Internationaux, dit “Mécanisme” dans le texte.

 

Le bilan est mitigé. Il n’a jugé que ceux du seul camp des vaincus à savoir les instances et les forces gouvernementales défaites par la rébellion du FPR. Ainsi, ce tribunal a inculpé 93 personnes, en a jugé 82 dont 14 furent acquittés et 2 dont les actes d’accusation furent retirés.

 

Le sort des acquittés ou libérés

 

Les acquittés du TPIR comme ceux qui étaient libérés pour avoir purgé leurs peines sont restés à Arusha en Tanzanie en attendant qu’ils puissent rejoindre leurs familles dans des pays qui les ont receuillies et dont elles ont acquis la nationalité. Seuls quelques chanceux ont pu rejoindre leurs familles tandis que la majorité des autres essuient des refus administratifs au prétexte de “crainte de trouble à l’ordre public” s’ils rejoignaient leurs familles. Ils sont donc restés à Arusha dans une “résidence sécurisée” de l’ONU, une sorte de détention pour des gens déclarés “libres” et cela, pour certains, pendant plus de dix ans.

 

Accord entre le Mécanisme et la République du Niger

 

C’est dans ce contexte que l’opinion a accueilli avec surprise l’annonce de l’Accord qui venait d’intervenir entre l’ONU à travers le Mécanisme et signé le 17 novembre 2021 comme quoi la République du Niger venait d’accorder à HUIT des acquittés ou libérés du TPIR un titre de séjour permanent dans ce pays pour une durée d’un an.

 

C’est ainsi que huit acquittés ou libérés par le TPIR ont été acheminés au Niger le 05 décembre 2021 selon les clauses de cet accord.

Mais la surprise et l’incompréhension sont totales depuis lundi 27 décembre 2021 quand le ministre de l’Intérieur du Niger a émis un décret comme quoi les mêmes huit acquittés ou libérés par le TPIR, et que le Niger avait reçus de l’ONU, sont expulsés de son territoire et n’ont que SEPT jours pour l’avoir quitté alors qu’ils n’ont nulle part où aller et sans papiers.

 

Arrêt d’expulsion par le Niger

 

Le ministre du Niger, pour justifier sa volteface, parle simplement de “motifs diplomatiques”. De là à penser que le Niger fut mis sous pression, après son accord du 15 novembre 2021 signé avec le Greffier du Mécanisme, il n’y a qu’un pas. D’autant plus qu’à l’ONU, aussitôt l’accord annoncé, l’Ambassadeur du Rwanda à l’ONU Madame Rugwabiza a vivement protesté arguant qu’aucune décision regardant ces acquittés ou libérés du TPIR ne devrait être prise sans l’accord du Rwanda et donc que le Rwanda serait la première destination de ces gens-là que l’ONU devrait privilégier.

 

Interrogations

 

A ce stade et à notre niveau, nous ne pouvons que, hélas ! nous interroger :

– Comment l’ONU peut-il assurer la crédibilité des juridictions qu’elle met en place si elle ne peut pas appliquer les décisions de celles-ci comme détenir les condamnés et libérer les acquittés et ceux qui ont purgé leurs peines?

 

– Quel jeu a joué et joue encore le gouvernement du Niger qui, quelques semaines après avoir attiré dans ses filets les acquittés et libérés du TPIR en leur assurant l’asile, les expulse dès qu’ils foulent le sol de ce pays?

 

– Entre le Rwanda de Paul Kagame et l’ONU, qui est-ce qui dirige la diplomatie internationale et qui peut amener un gouvernement souverain comme celui du Niger à renier sa parole et ses engagements internationaux au moindre saute d’humeur de Kigali? Corruption ou incompétence ou alors les deux?

 

– Comme malheureusement on le pressent, ces huit malheureux acquittés ou libérés par le TPIR seront déportés au Rwanda après un délais de 7 jours qui leur sont donnés par le Niger. La presse du régime jubile déjà et chauffe les esprits en proclamant qu’enfin les “plus grands génocidaires (pourtant acquittés) vont lui être livrés.

 

Leurs familles et surtout l’Histoire, à qui l’ONU et maintenant le Niger n’aura pas permis que les leurs les rejoignent comme il est de leur droit le plus élémentaire, devront s’en prendre à qui ?

 

Emmanuel Neretse

 

 

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