Faisons connaissance du Busozo d’avant l’époque coloniale à aujourd’hui

Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur (Proverbe africain).

Certaines personnes qui parlent ou écrivent sur le Busozo n’y ont jamais mis les pieds, il pourrait même y en avoir qui ne savent pas le situer sur les cartes du Kinyaga, de Cyangugu et du Rwanda. Elles le font souvent sur base de ce qu’elles ont entendu ou lu. Sans le vouloir, elles peuvent déformer son histoire et sa géographie et raconter des contrevérités.

Source : Florent Piton/Twitter_@fpiton

Je suis natif de la région du Busozo et âgé de 71 ans.  Je connais le Busozo sur le bout des doigts du Nord au Sud, et de l’Est à l’Ouest. J’ai arpenté la plupart de ses collines de la rivière Rubyiro qui le sépare du Bukunzi à Rasano en passant par Rwimbogo,Nyantomvu, Bunyereri, Gahare, Mwegera, Gikundamvura, Nyabitimbo, Butare, Muramba et Gasumo. Ce sont les secteurs ou les collines bien connus dans l’histoire du Busozo.  J’ai aussi lu beaucoup de documents et entendu des vidéos qui parlent du Busozo.

Mon intervention a pour but d’apporter ma modeste contribution à la compréhension de   l’histoire du Busozo en racontant les faits qui m’ont été rapportés par mes parents et grands-parents, les personnes âgées du Busozo ainsi que les faits que j’ai vus, vécus et lus. Cela permettra de corriger et compléter certaines vidéos et écrits qui parlent du Busozo. A titre d’exemples, certains situent le Busozo et le sous-chef MAHENEHENE de Nyabitimbo dans la commune Nyakabuye tandis que d’autres se trompent sur les rois, chefs et sous-chefs. C’est méconnaitre l’histoire et la géographie de la région car Nyakabuye se trouve dans le Bukunzi. A ma connaissance, avant la révolution de 1959 et jusqu’en 1994, le Busozo n’a jamais été associé à Nyakabuye ; il l’a plutôt été avec Karengera et Bugarama comme nous le verrons dans la suite de ce document.

C’est avec la réforme administrative de 2005 que le secteur Bunyereri, qui avant 1959 se trouvait dans la sous-chefferie de Mwegera à Busozo a été rattaché au secteur Nyakabuye du district de Rusizi. Les autres secteurs se trouvant au Busozo sont restés des secteurs autonomes et intégrés audit district.

C’est donc une erreur de propager que le royaume du Busozo se trouvait dans l’ancienne commune Nyakabuye comme cela est écrit dans le rapport du CNLG sur Cyangugu publié en 2019.

J’espère que ce document pourra éclairer ceux qui sont intéressés par l’histoire du KINYAGA ainsi que du Rwanda en général et du Busozo en particulier.

Les habitants du Busozo sont ‘’ les Basozo’’ en français mais en kinyarwanda on les appelle ‘’Abasozo’’.

 

La région du Busozo est l’une des régions qui composaient le KINYAGA, les autres étant : ABIRU, BUKUNZI, CYESHA et IMPARA (voir carte du Kinyaga ci-dessus). Elle a toujours été associée au BUKUNZI dont l’histoire et l’évolution sont presque semblables et dans une moindre mesure à Bugarama. Le Bukunzi et le Busozo ont partagé beaucoup d’infrastructures : les écoles, les paroisses catholiques en commençant par Mibirizi, puis Mwezi, les lieux de santé comme le dispensaire de Mwezi et le centre de santé de Mashesha, les marchés de Nyakabuye, Mwezi, Kareba, Kicirabagabo etc… sans oublier les nombreux liens par des mariages.

 

Enfin, ils ont été comme nous le verrons dans la suite, placés pendant de nombreuses années sous l’autorité des mêmes chefs Tutsi.

Le Busozo et le Bukunzi étaient donc comme des régions jumelles, leur parcours ayant souvent été presque le même sauf aujourd’hui où les décisions radicales du gouvernement FPR les a séparés en mettant la grande partie du Bukunzi dans le District de Nyamasheke et le Busozo dans celui de Rusizi.

Les limites du Busozo sont : la forêt naturelle de Nyungwe au Nord et à l’Est, le Bukunzi à l’Ouest et le Burundi au Sud.

Les frontières naturelles avec le Bukunzi c’est la rivière RUBYIRO tandis qu’avec le Burundi c’est la rivière RUHWA.

Depuis le règne de RUGANZU II Ndoli (1510-1543), le Busozo fut un royaume autonome et insoumis aux rois du Rwanda.

 

Du point de vue historique, le roi RUGANZU II Ndoli fut le premier roi du Rwanda à s’être rendu au Busozo où il trouva un roi indigène. Il y fut bien accueilli et le miel coula à gogo. Il décida alors que le royaume du Busozo resterait indépendant et le roi du Busozo s’engagea à lui envoyer une contribution volontaire de miel chaque année ainsi qu’à ses successeurs.

Pratiquement, le Busozo resta insoumis aux rois du Rwanda si bien que le roi KIGERI Rwabugiri décida d’en effectuer la conquête par les Tutsis. Il donna le Busozo au nommé KAMAKA mais en laissant le roi indigène à la tête. Mais KAMAKA ne mit jamais les pieds au Busozo, il se contenta de la contribution que lui envoyait le roi indigène par des intermédiaires RUVUMBA puis RWAMIHETO se trouvant au Kinyaga.

En réalité, le royaume du Busozo était une forteresse imprenable par une armée équipée d’armes traditionnelles. Il avait l’avantage d’être entouré par les rivières Rubyiro et Ruhwa ainsi que la forêt naturelle de Nyungwe qui sont des obstacles naturels difficiles à franchir.

A cela, il faut ajouter le relief montagneux et accidenté qui décourage les personnes qui n’ont pas les talents d’alpiniste ou ne sont pas robustes physiquement ; il suffirait d’aller de Nyakabuye ou Karengera à Bweyeye pour s’en rendre compte.

 

De plus, les rois du Busozo étaient des guerriers redoutables, ils étaient souvent en guerre avec les rois du Burundi qui voulaient se rendre maîtres de cette région. Le nom ‘’RASANO’’ donné à l’une des collines du Busozo vient du mot’’ kurasa’’ en kinyarwanda signifiant en français’’ tirer à l’arc’’ et tire sa signification sur ces guerres.

Les Tutsis conquérants ne devaient sans doute pas ignorer cette attitude guerrière des Basozo.

Ce sont tous ces éléments qui ont permis au Busozo d’échapper pendant longtemps au sort qui a été réservé aux chefferies ABIRU et IMPARA qui portent les noms des armées Tutsi conquérantes.

Il est raconté qu’avant de fonder leur royaume, les rois du Busozo seraient venus du Burundi en provenance du Gisaka.

 

Les premiers rois du Busozo connus et cités dans les documents écrits et oralement sont : BUHINGA I, KAREMERA, KIBYUTSA, BATSINDA, MUSUMBA, NYABYUNGO, GISANGANYA, NYUNDO, BUHINGA II et NKORABIRI[1].

Lorsque les Européens sont arrivés au Rwanda en 1894, c’est NYUNDO qui était roi du Busozo. Il mourut en 1904 et fut remplacé par son fils BUHINGA II qui fut déporté par les belges en 1926. Dans la foulée, BUHINGA II fut remplacé par son frère NKORABIRI qui n’a pas régné longtemps car il mourut d’une mort naturelle en 1926.

La résidence royale du Busozo se trouvait à NYARUTEJA (voir carte du Kinyaga ci-dessus).  C’est actuellement dans le secteur Butare, district de Rusizi.

Entre 1924 et 1925, l’Administration belge a profité de l’occupation du Bukunzi pour infiltrer le Busozo en plaçant quelques soldats à Butare au sommet du Busozo.

Entre 1925 et 1926 un détachement de soldats belges dirigé par l’Aspirant BENZING s’est définitivement installé au Busozo sur la colline de Butare[2].

 

En 1926, ces militaires belges infiltrés à Butare profitèrent du vide institutionnel occasionné par la mort de NKORABIRI pour s’emparer militairement du Busozo. Le caractère guerrier des Basozo et leur bravoure n’ont pu rien faire face aux fusils des belges. Ainsi se termina l’histoire du royaume du Busozo qui fut érigé en province indigène sous l’ordre du roi du Rwanda ; l’Administration belge en confia le commandement local au chef RWAGATARAKA mais ce dernier préféra s’y faire représenter par d’autres chefs.

Depuis lors, tous les chefs Hutu ont été chassés et remplacés par des Tutsi sauf la sous- chefferie de Rasano qui comme nous le verrons dans la suite sera dirigée par le Hutu NTEMABITI pendant de nombreuses années.

Il est dit qu’avant 1925, aucun Tutsi n’habitait au Busozo. Même après sa conquête par l’armée belge, lesTutsi y étaient très peu nombreux et cela   pourrait s’expliquer par l’accès difficile et la géographie tel qu’expliqué dans les lignes précédentes. Je crois que lesTutsi ne se précipitaient pas pour suivre les sous- chefs envoyés au Busozo d’autant plus qu’y aller à pied était un parcours du combattant si ce n’était pas un calvaire.

Je suis en mesure d’en témoigner car durant ma scolarité aux écoles primaires de Bunyereri et de Nyabitimbo de 1957 à 1964, je n’ai connu qu’un seul écolier Tutsi à l’école primaire.

 

Pendant ma scolarité à l’école primaire à Busozo, je n’ai connu que deux enseignants Tutsi, à savoir Messieurs   KALINDA Prosper et RYUMUGABE Dismas, ils étaient tous deux diplômés et non originaires du Busozo.  Je reviendrai sur eux dans la suite de ce document.

De 1926 à 1928, RWAGATARAKA qui avait reçu le commandement du Busozo y fut représenté par le Tutsi GISAZI, puis de 1928 à 1932, il s’est fait remplacer par RUKORO fils de GISAZI. RWAGATARAKA n’a jamais foulé le sol du Busozo et ses administrés ne le connaissaient que de nom.

Etant donné que RWAGATARAKA ne visitait jamais le Busozo, en 1932 l’Administration belge lui retira officiellement son commandement et le confia provisoirement à RUKORO[3].

A RUKORO furent adjoints plusieurs sous chefs[4] suivants, chacun ayant sous sa responsabilité des collines précises.

BAGIRISYA Chrysostome Tutsi des Abashambo : les collines de Mwegera, Rwimbogo, Bunyereri, Bugungu, Gahare et Nyabihanga ;

MAZIMPAKA Léonidas Tutsi des Abanyiginya : les collines de Butare et Nyabitimbo ; MUGABOMBWA Tutsi des Abanyiginya : la colline de Nyantomvu ;

MUHUTU Trojan Tutsi des Abacyaba : la colline de Muramba ;

NTEMABITI, Hutu des Abagesera et originaire de Gikongoro : la colline de Rasano.

 

En 1933, le chef RUKORO fut destitué par les autorités belges et remplacé à titre provisoire par BAGIRISHYA chrysostome ; par la même occasion, RUKORO perdit aussi les collines qu’il avait dans l’IMPARA.

En 1935, BAGIRISHYA fut nommé chef du Busozo à titre définitif et restera en place jusqu’à la constitution de la grande chefferie Bukunzi-Busozo-Bugarama (BBB en abrégé) en février 1942[5].

En février 1942, la grande chefferie Bukunzi -Busozo-Bugarama nouvellement créée fut placée sous le commandement du chef STEFANO GITEFANA jusqu’en 1949[6]. Il était assisté par des sous chefs au Bukunzi, Busozo et Bugarama.

De 1949 à 1959 la chefferie Bukunzi-Busozo-Bugarama fut dirigée par le chef RWIYAMIRIRA[7], Tutsi. Il habitait à Mwezi qui sous les deux premières Républiques était dans l’ancienne commune de Karengera et actuellement dans le district de Nyamasheke.

Je noterais en passant que la sous-préfecture de Bugumya créée sous la Deuxième République avait exactement les mêmes frontières que la chefferie Bukunzi-Busozo-Bugarama. Elle comprenait les communes Karengera, Bugarama et Nyakabuye et avait son siège à Nyakabuye considéré comme le centre de gravité de la sous-préfecture.

Les activités des Basozo d’avant la conquête par les belges en 1926 étaient principalement l’agriculture, l’élevage de petit bétail, la chasse et l’aviculture ; le gros bétail y était inconnu, il a été introduit par les sous chefs Tutsi.

 

Le Busozo d’avant 1959 avait de grandes surfaces de terres non défrichées. De nombreux agriculteurs du Bukunzi notamment de Nyakabuye et Karengera y avaient des champs ou en louaient. Ces terres vierges servaient aussi   de pâturages pour les vaches des sous- chefs et leurs familles.

Pendant les périodes d’été, le Busozo était le lieu de transhumance privilégié et très prisé des éleveurs des régions ABIRU et IMPARA. Ces mouvements de nombreuses vaches étaient très impressionnants pour les Basozo.

Lors de la révolution de 1959, lesTutsi sont partis avec leurs vaches ce qui fait qu’avant 1994, il était rare de voir une vache à Busozo.

A la veille de la révolution de 1959, à Busozo le chef RWIYAMIRIRA était assisté par 3 sous chefs : MAHENEHENE pour Nyabitimbo, NTEMABITI pour Rasano et BAYINGANA Edmond pour Mwegera[8].

 

Avec les troubles de 1959, le chef RWIYAMIRIRA et les trois sous-chefs du Busozo dont NTEMABITI d’ethnie Hutu se sont exilé laissant les Basozo livrés à eux-mêmes sans dirigeants. Pour faire face à cette vacance du pouvoir, l’Administration a remplacé le chef RWIYAMIRIRA par Mr KAMOSO Augustin et l’a chargé d’administrer provisoirement la chefferie Bukunzi -Busozo-Bugarama[9]. Plus tard, Mr KAMOSO Augustin deviendra Ministre dans les gouvernements de la première République jusqu’au coup d’Etat de HABYARIMANA Juvénal le 5 juillet 1973.

En février 1960, le’’ Conseil Spécial Provisoire’’ qui venait de remplacer le ‘’Conseil Supérieur du pays’’ a décidé le remplacement des chefferies et sous -chefferies par les communes. Les sous-chefferies de Nyabitimbo, Mwegera et Rasano ont donné naissance à la commune Busozo comprenant 5 secteurs : Butare, Gasumo, Bweyeye, Bunyereri et Gikundamvura.

 

Dans le cadre de la restauration de la sécurité et pour faire barrage au désordre, le nouveau chef intérimaire Mr KAMOSO Augustin après concertation avec l’Administrateur a envoyé à Busozo Mr RWAMAKWENE Titien, alors juge assesseur dans la chefferie Bukunzi-Busozo-Bugarama. Mr RWAMAKWENE devait veiller à la sécurité de la région et organiser les élections communales dans la jeune commune Busozo comme prévu dans tout le pays fin juin début juillet 1960. Il a demandé aux trois sous-chefs qui s’étaient réfugié de revenir pour participer au développement du pays en général et de la jeune commune Busozo en particulier mais seul NTEMABITI d’ethnie Hutu est revenu.

 

En plus des sous- chefs Tutsi, les trois seuls enseignants diplômés dont disposait le Busozo se sont réfugiés laissant les enfants désœuvrés, sans formateurs. Il s’agissait de Messieurs RYUMUGABE Dismas et KARINDA Prosper tous deux d’ethnie Tutsi ainsi que Mr NYIRUMURINGA Jean Damascène, fils du sous-chef NTEMABITI et d’ethnie Hutu.

 

A l’issue de l’élection communale de 1960, Mr KANAMUGIRE Fidèle fut élu Bourgmestre de la commune Busozo dont le siège se trouvait à Nyabitimbo. Le jeune bourgmestre KANAMUGIRE Fidèle qui connaissait bien ces 3 enseignants car il était leur collègue avant son élection, alla les chercher et les persuada de revenir en promettant d’assurer leur sécurité.

 

Messieurs RYUMUGABE Dismas et KALINDA Prosper sont restés enseignants à Nyabitimbo jusqu’au génocide des Tutsi de 1994 qui les a emportés suite à une expédition meurtrière menée par les Interahamwe venus de Bugarama. Les Basozo ont été très attristés par leur mort et les remercient pour leur contribution à la formation de leurs enfants pendant plus de trois décennies. Moi-même je les ai eus comme enseignants et m’incline devant leur mémoire et continue de prier pour eux pour le repos éternel. Sans eux, beaucoup d’intellectuels ne serions pas devenus ce que nous sommes. Quant à Mr NYIRUMRINGA Jean Damascène, il est resté enseignant pendant plusieurs années et est par la suite devenu Juge Président du Tribunal de Canton de Nyakarenzo dans la commune Gishoma. Il est décédé en 1994 d’une mort naturelle.

 

En 1963, la commune Busozo a été supprimée ; les secteurs Bunyereri et Gikundamvura furent rattachés à la commune Bugarama, tandis que les secteurs Butare, Gasumo et Bweyeye furent rattachés à la commune Karengera.

Cela a fait passer la commune Bugarama de 6 à 8 secteurs, tandis que Karengera est passée de 9 à 12 secteurs. Ce fut un déchirement et la désolation pour les Basozo.

Toutefois, les Basozo qui ont rejoint la commune Bugarama sont restés combatifs et ont refusé de se faire dévorer par leur nouvelle commune d’accueil.

C’est ainsi qu’en 1963, grâce à leur lobbying, ils ont pu faire élire un des leurs en la personne de Mr KANDEGE Martin originaire de la colline Rwimbogo au poste de Bourgmestre de la commune Bugarama. Il a remplacé Mr MITUNU Jacques qui était Bourgmestre depuis la création des communes en 1960.

 

A la fin de son mandat en 1967, Mr KANDEGE Martin a refusé de reposer sa candidature au poste de Bourgmestre. Il est fort probable qu’il avait été usé par la gestion des attaques terroristes des Inyenzi à Bugarama et Bweyeye respectivement en 1964 et 1966. Les Basozo ont alors présenté la candidature de Mr NTERANYA Faustin de Bunyereri pour le remplacer mais il fut malheureusement battu de justesse par Mr MITUNU Jacques qui récupérait ainsi son poste qui lui avait été arraché 4 ans auparavant.

 

Les Basozo ont difficilement digéré la défaite et le retour de MITUNU Jacques à la tête de la commune et ont préparé la r reconquête. Ce fut chose faite car aux élections communales de 1971, ils ont encore fait élire leur ressortissant en la personne de Mr NGIRUWONSANGA Ildéphonse alias RUTICUMUGAMBI lui aussi de la colline Rwimbogo au poste de Bourgmestre.

 

Malheureusement, l’embellie a été de courte durée car après le coup d’état militaire du 5 juillet 1973, Mr NGIRUWONSANGA a été destitué.  Les bourgmestres n’étaient plus élus mais nommés par le Président de la République.

Depuis lors et jusqu’en 1994, les Basozo collés sur la commune Bugarama ont dû composer avec les bourgmestres qui ont été nommés à savoir : Mr GAHIGIMA Félicien, Mr KAMAZI Meschac et Mr GATABAZI Vénuste, tous originaires de Bugarama.

Les frères Basozo qui ont été collés sur la commune Karengera n’ont pas eu la même réussite, ils ont été marginalisés car leur commune d’accueil avait beaucoup d’intellectuels sans oublier que les Bakunzi à tort ou à raison aimaient chambrer les Basozo qu’ils considéraient comme des villageois. Ils n’ont jamais pu faire élire un ressortissant du Busozo à la tête de la commune Karengera.

 

Après le coup d’état de 1973, ce sont Mr RUTIHUNZA Théobald et NATETE Fulgence qui ont été nommés au poste de Bourgmestre de Karengera et aucun d’eux n’est originaire du Busozo.

Les Basozo originaires de Butare, Gasumo et Bweyeye n’ont jamais eu la chance de participer activement à la direction de leur commune d’accueil.

Le démantèlement de leur commune en 1963 a laissé un goût amer chez tous les Basozo.

Pendant la première et la deuxième République, ils n’ont jamais cessé de réclamer la réunification du Busozo mais leurs demandes ont malheureusement eu une fin de non-recevoir.

 

Malgré cette séparation forcée, les Basozo sont restés très soudés et le sont même aujourd’hui. Ils organisaient régulièrement des réunions de concertation dans lesquelles ils s’encourageaient à garder leur identité et à se battre là où ils étaient.

Il a fallu attendre 1998 pour que le Gouvernement dirigé par le FPR- Inkotanyi rétablisse les Basozo dans leur droit en recréant la commune Busozo[10] dans ses anciennes limites ; elle a été dirigée par Mr MUYOBOKE Jonathan, un Tutsi Munyamulenge ; il avait deux assistants Hutu originaires du Busozo. Le siège de la commune se trouvait à Nyabitimbo comme en 1960.

 

Malheureusement, comme en 1963 la joie des Basozo a été encore de très courte durée puisqu’avec la réforme administrative de 2001 la commune Busozo a une deuxième fois été supprimée et incorporée dans la région de Bugarama[11], une des 7 régions qui composaient la préfecture de Cyangugu.

La situation a empiré avec la réforme administrative du Gouvernement rwandais décidée par la loi N° 29/2005 du 31/12/2005 qui a mis tout le Busozo dans le District de RUSIZI.

Ainsi s’achève l’anéantissement de la culture des Basozo par le FPR.

 

Dans l’histoire, chaque pays ou région a ses héros et les Basozo en ont eus ; les générations Hutu actuelles et futures ne devraient pas les oublier. Il s’agit des personnes suivantes :

-Mr NTEMABITI : fils de GIKUNGA, originaire de Gikongoro, Hutu des Abagesera, païen et illettré. Il a pu se maintenir à la tête de la sous- chefferie RASANO de 1931 à 1959, cette longévité exceptionnelle est difficile à expliquer.

-Mr KANAMUGIRE Fidèle : enseignant à Nyabitimbo, Bourgmestre de la commune Busozo de 1960 à 1963, Secrétaire Régional du MDR Parmehutu dans la Préfecture de Cyangugu et Député à l’Assemblée Nationale.

Comme bourgmestre, il a dû tout construire en partant de zéro : bureau communal et autres infrastructures de base et gérer une population surchauffée suite à la révolution sociale.

-Mr KANDEGE Martin : conseiller communal de la commune Busozo de 1960 à 1963 puis Bourgmestre de la commune Bugarama de 1963 à 1967. Il a géré la situation chaotique lors des attaques terroristes des Inyenzi à Bugarama.

-Mr NGIRUWONSANGA Ildéphonse alias RUTICUMUGAMBI : enseignant et Bourgmestre de la commune Bugarama de 1971 à 1973. Avec l’aide de la population, il a construit le pont sur la rivière Rubyiro entre Karengera et Busozo. Cela a permis aux Basozo d’éviter les nombreuses noyades dont ils étaient victimes.

-Mr NYIRUMULINGA Jean Damascène : enseignant puis Juge Président du Tribunal de Canton de Nyakarenzo dans la commune Gishoma. Il se souciait du développement du Busozo matin, midi et soir. Il organisait des réunions conjointes des Basozo des communes Karengera et Bugarama pour les inviter à rester unis et mettre en avant le Busozo dans leurs actions.

 

Les principaux événements intéressants le Busozo :

-1903 : Fondation de la paroisse catholique ‘’Notre Dame du Bon Conseil’’ de Mibirizi.

Les Basozo allaient prier à la paroisse catholique de Mibirizi jusqu’à la création de celle de Mwezi en 1944.

– Entre 1925 et 1926 : Occupation militaire du Busozo par les troupes belges. Ils se sont installés à Nyabitimbo sur la colline Butare.

-1944 : fondation de la paroisse catholique ‘’ Notre Dame de l’Annonciation’’ de Mwezi.

Depuis cette date, les Basozo ont été transférés de la paroisse de Mibilizi à celle de Mwezi.

-Juin -juillet 1960 : création de la commune Busozo ayant son siège à Nyabitimbo.

-1963 : démantèlement de la commune Busozo et rattachement de 2 de ses secteurs à la commune Bugarama et 3 autres à la commune Karengera.

-1964 : attaque terroriste des Inyenzi à Bugarama : ils sont allés jusqu’à Mpinga et Gikundamvura deux collines qui se trouvent à Busozo. Lors de cette attaque, c’est Mr KANDEGE Martin originaire de Busozo qui était Bourgmestre de la commune Bugarama.

-1966 : Attaque terroriste des Inyenzi à Bweyeye.

A cette occasion, les hommes valides du Busozo ont été réquisitionnés pour transporter les munitions de Bunyereri à Bweyeye à l’aller comme au retour.

-Janvier 1994 : fondation de la paroisse catholique ’’Mère de Dieu’’ de NYABITIMBO sur la colline de Butare. Finalement, les Basozo sont soulagés et peuvent prier près de chez eux.

-1998 : Nouvelle création de la commune Busozo ayant le même périmètre et siège que ceux de 1960.

-2001 : nouveau démantèlement de la commune Busozo et son incorporation dans la Région de Bugarama

-2005 : le Busozo est incorporé dans le District de Rusizi.

-2014 : fondation de la paroisse catholique ‘’Notre Dame de la Route’’ de Rasano.

Comme pour Nyabitimbo, elle permet à la population d’assister aux offices religieux près de chez eux.

 

Fait à Lille le 04/04/2022 par Habyarimana Malien


[1] Notes sur l’Administration des indigènes du Territoire de Shangugu (Rwanda) par Bourgeois Administrateur Territorial 1934, Notice sur la province du Busozo pp 78-81.

[2] Ibidem

[3] Ibidem

[4] Ibidem

[5] Cahier numéro 43, histoire du Rwanda sous la colonisation par Bernard Muzungu.

[6] Ibidem

[7] Ibidem

[8] Kinyaga/Cyangugu twanze gutoberwa amateka

[9] Ibidem

[10] Rapport du CNLG sur l’ancienne préfecture de Cyangugu, 2019.

[11] Ibidem

 

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