Les avocats internationaux de la défense en appellent aux pays pour relocaliser les personnes acquittées et libérées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
Communiqué de presse
Les avocats d’un groupe de Rwandais qui ont été acquittés ou libérés après avoir purgé leur peine au Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR ») demandent aux gouvernements qui respectent l’État de droit de mettre fin à la détention illégale de leurs clients, pendant huit mois au Niger, en acceptant de les relocaliser.
François-Xavier Nzuwonemeye, 66 ans, Prosper Mugiraneza, 65 ans, Protais Zigiranyirazo, 84 ans, et André Ntagerura, 77 ans, ont été acquittés par le TPIR entre 2004 et 2014. Bien que leurs épouses et leurs enfants aient l’asile conventionnel ou soient citoyens de la France, de la Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas et du Canada, ces pays ont refusé de permettre aux hommes acquittés de rejoindre leur famille.
Alphonse Nteziryayo, 74 ans, Tharcisse Muvunyi, 69 ans, Anatole Nsengiyumva, 72 ans, et Innocent Sagahutu, 60 ans, ont été condamnés par le TPIR et libérés après avoir purgé leur peine de prison. Bien que leurs épouses et leurs enfants soient citoyens français et danois, ces pays ont refusé de permettre aux hommes libérés de rejoindre leurs familles.
Ces personnes ont été contraintes de résider dans une maison sécurisée à Arusha jusqu’en décembre 2021, date à laquelle le successeur du TPIR, le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (« IRMCT »), a négocié un accord avec le gouvernement du Niger afin de les réinstaller dans ce pays et leur accorder des documents de résidence. L’IRMCT leur a fourni un an de logement et une petite somme d’argent. Cependant, le 23 décembre 2021, après que le gouvernement rwandais ait exprimé son inquiétude, le gouvernement du Niger a retiré à ces personnes leurs titres de séjour et les a confinés dans leur résidence de Niamey, la capitale du Niger, en postant des policiers armés devant leur résidence. Quatre jours plus tard, le gouvernement du Niger leur a signifié qu’ils seraient expulsés dans sept jours pour des raisons diplomatiques.
Le gouvernement nigérien a retardé l’expulsion à la demande des Nations unies, le temps que l’IRMCT trouve un autre pays dans lequel il pourrait réinstaller ces personnes. Cependant, le Niger les a assignés à résidence depuis huit mois maintenant, malgré l’ordre d’un juge de l’IRMCT de leur accorder la liberté de mouvement et de leur rendre leurs papiers de résidence.
Pendant ce temps, le greffier de l’IRMCT, Abubacarr Tambadou, a contacté plus de 30 pays pour leur demander de relocaliser tout ou partie de ces hommes. Les avocats de la défense ont aussi fait campagne auprès du Conseil de sécurité et ont contacté 12 pays supplémentaires au nom de leurs clients. Jusqu’à présent, aucun pays n’a accepté de relocaliser ne fût-ce qu’une seule de ces personnes.
La situation est en train de devenir catastrophique car ces hommes commencent à manquer les moyens de payer la nourriture et les services utilitaires et ne peuvent pas subvenir à leurs besoins pendant qu’on les empêche de quitter leur résidence. Ils souffrent également du stress et de l’anxiété liés à leur éventuelle expulsion vers le Rwanda, où ils craignent d’être persécutés, voire pire, par le régime contre lequel ils se sont battus pendant la guerre et dont le piètre bilan en matière de droits de l’homme préoccupe aujourd’hui les gouvernements et les organisations de défense des droits de l’homme.
Les avocats de la défense ont travaillé bénévolement après le refus de l’IRMCT de fournir une assistance judiciaire à ces hommes détenus.
Peter Robinson, un avocat américain qui défend Nzuwonemeye, a déclaré : « La communauté internationale a autant le devoir de respecter un jugement d’acquittement du TPIR que d’empêcher la négation du génocide après une condamnation. Le fait de ne pas rétablir une personne acquittée dans ses droits est un échec de la justice internationale auquel il faut remédier. »
Kate Gibson, une avocate australienne qui défend Mugiraneza, a déclaré : « Les États se réunissent régulièrement à La Haye et dans le monde entier et proclament leur engagement en faveur de la justice internationale. Une partie de cet engagement doit consister à donner aux personnes acquittées par les tribunaux internationaux une chance réelle de terminer leur vie dans la dignité, avec leur famille. »
John Philpot, avocat canadien défendant Zigiranyirazo, a déclaré : « Un homme africain de 84 ans, né le 2 février 1938, acquitté par le TPIR en 2009 après sept ans de détention et un long procès, devrait être libéré de son assignation à résidence et accueilli dans n’importe quel pays du monde. »
Barbara van Straaten, une avocate néerlandaise qui défend Ntagerura, a déclaré : « Mon client, André Ntagerura, a été unanimement acquitté dans les deux instances par le TPIR. Malgré cet acquittement, mon client est privé de sa liberté depuis près de 20 ans maintenant. C’est un vieil homme qui ne demande qu’à passer le temps qui lui reste avec sa famille. Il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités et concrétise ses promesses en matière de justice internationale et d’État de droit. »
Iain Edwards, un avocat britannique qui défend Nteziryayo, a déclaré : « La communauté internationale, y compris l’ONU en tant qu’institution, ne peut se laver les mains sur mon client ou sa famille qui souffre depuis longtemps. Elle doit reconnaître que M. Nteziryayo a purgé sa peine et devrait être autorisé à vivre ses dernières années en paix, auprès de sa femme et ses enfants. J’appelle tous les pays qui croient en l’État de droit à se mobiliser et à proposer une solution durable à ce qui risque de constituer une tache indélébile sur l’héritage du TPIR. »
Jean Flamme, avocat belge défendant Sagahutu, a déclaré : » Ces personnes indigentes et détenues illégalement se sont vu refuser l’assistance d’un avocat, l’IRMCT ayant refusé tout paiement de frais ou d’honoraires sur les fonds d’assistance judicaire pour le travail juridique important et compliqué déjà effectué par le conseil soussigné. »
Abbe Jolles, avocate spécialisée dans le contentieux international des droits de l’homme basée à Washington, DC, représente Tharcisse Muvunyi depuis 2007. Elle a déclaré : « M. Muvunyi a terminé sa peine en 2012. Une fois libérée, une personne ne peut être détenue arbitrairement. La détention arbitraire est interdite par la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette détention arbitraire illégale met gravement en danger le financement actuel et futur de l’ONU pour tous les tribunaux pénaux, y compris l’IRMCT. »
Allison Turner, avocate canadienne représentant Anatole Nsengiyumva a déclaré : » Le principe de non-refoulement des Nations unies risque d’être violé alors qu’il existe aujourd’hui plusieurs voies de relocaliser mon client en toute sécurité. L’ONU doit adhérer à ses valeurs et coopérer avec nous pour atteindre notre objectif commun de réunir ces hommes avec leurs familles. »
Pour de plus amples informations, veuillez contacter :
Peter Robinson peter@peterrobinson.com
Kate Gibson k.gibson@doughtystreet.co.uk
John Philpot johnphilpot@gmail.com
Barbara van Straaten bvanstraaten@prakkendoliveira.nl
Iain Edwards iain.edwards@1mcb.com
Jean Flamme j.flamme@telenet.be
Abbe Jolles (202) 783-2424
Allison Turner aturner@delegatus.ca
23 août 2022
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