La “rentrée” en région des Grands Lacs d’Afrique. Événements à scruter en ce dernier trimestre de 2023 et au début de 2024

Introduction

 

En Occident et partout où prévaut son mode de vie sociétal, la période de la fin du mois d’août et le début du mois de septembre correspond à ce qui est appelée globalement la “rentrée”. Celle-ci est principalement une “rentrée scolaire”, mais aussi une “rentrée politique”, soit parlementaire ou gouvernementale après les vacances d’été de juillet et août.

C’est souvent l’occasion aux chefs politiques (présidents ou premiers ministres) d’annoncer de nouveaux projets et souvent de remanier leurs gouvernements.

 

En ce qui concerne la région des Grands Lacs d’Afrique, plusieurs événements y sont programmés dont certains détermineront le sort des populations pour les prochaines décennies. Il importe donc de les suivre avec attention et de scruter à la loupe leurs déroulements.

Dans cet exercice purement intellectuel nous en avons retenus huit et que nous recommandons aussi à nos lecteurs de suivre attentivement. Nous indiquons brièvement pourquoi.

 

  1. Déploiement ou non des troupes de la SADC en RD-Congo.

 

L’insécurité à l’Est de la RDC spécialement au Nord Kivu envahi, ravagé et actuellement occupé par les troupes de Paul Kagame sous l’étiquette de “M23” est flagrante depuis 2 ans. Le gouvernement de la RDC qui avait fait appel aux troupes de l’EAC (East African community) dans laquelle la RDC venait d’adhérer n’a pas tardé à comprendre qu’elle s’était complètement trompée.

Actuellement, il est question de déployer des troupes de la SADC (Southern Africa Development Community) dont la RDC fait aussi partie, pour faire bouger les lignes. Mais les détails de ce déploiement (effectifs, zones à occuper, quand les occuper et quelle mission précise, …) ne sont pas révélés.

 

  • Le sort des troupes de l’EAC

 

Le déploiement probable des troupes de l’EAC posera sans aucun doute la question de savoir quel sort sera réservé aux troupes de l’EAC. En effet, tous les observateurs ont noté que ces troupes de l’EAC sont non seulement inutiles et inefficaces  mais en plus, elles opèrent en complicité avec les terroristes envahisseurs du M23. Rien ne peut faire occulter ce constat et surtout pas les discours diplomatiques car l’avis des populations concernées est clair et irréfutable.

 

Face à ce dilemme cornélien, le gouvernement de la RDC a annoncé une mission d’évaluation de l’action des troupes de l’EAC et ses conclusions et décisions sont justement prévues en ce mois de septembre 2023 ; raison pour laquelle il faudrait suivre les méandres de ce processus.

 

  • Etat de siège maintenu ou non au Nord Kivu et en Ituri

 

Une Table Ronde sur l’évaluation de l’état de siège en vigueur depuis plus de deux ans en Ituri et dans le Nord-Kivu, deux provinces de l’Est du pays particulièrement touchées par l’insécurité s’est tenue en ce mois d’août 2023. Cette rencontre, convoquée par le président Félix Tshisekedi, a eu lieu du 14 au 16 août dernier à Kinshasa avec des délégués des deux provinces concernées.

En attendant, les conclusions de la table ronde ont été remises au chef de l’État qui décidera du maintien ou de la levée de l’état de siège.

A suivre donc.

 

  • Montée en puissance des FARDC et leur déploiement ou non au Nord Kivu et la fin de la formation de base de plus de 10.000 recrues à Kitona

 

Sur la même situation , l’on se souviendra que dès la conquête du chef lieu du territoire de Rutshuru, le gouvernement de la RDC avaient procédé au recrutement des jeunes à travers tout le pays  pour les acheminer au centre d’instruction de base de Kitona afin qu’à la fin de leur formation initiale de combattant, ils soient affectés dans des unités des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) dans le cadre du programme global de la montée en puissance des mêmes FARDC.

 

La presse congolaise vient d’annoncer que plus de 12.000 nouveaux soldats ont reçu leurs brevets des mains du chef d’Etat-major général des FARDC comme combattants ayant terminé pour la majorité la phase individuelle; pour d’autres la phase section ou adjoint de peloton, et que donc ils allaient être affectés dans les unités combattantes.

 

Il faudra donc suivre et voir si cet apport et ces nouveaux soldats des FARDC vont concrétiser la montée en puissance tant attendue et souhaitée par les citoyens congolais de l’Est qui croupissent sous le poids de l’occupation des troupes de Kagame car la RDC, avec ses forces armées du moment, ne pouvait pas garantir leur sécurité physique ni leur garantir le droit de vivre chez eux dans leurs biens.

 

  1. Elections générales en RDC

 

Enfin, soulignons qu’en décembre 2023 plus exactement le 20 du même mois, se tiendront en RDC des élections présidentielle et législatives. Le président actuel Félix Tshisekedi, qui sera alors en fin de son premier mandat, demandera au peuple de lui accorder un second. Cette élection présidentielle est en un seul tour. Ce qui signifie que même si quelqu’un obtiendrait moins de 10 % des suffrages exprimés mais qu’aucun autre ne réalise mieux, surtout quand l’élection est disputée entre des dizaines de candidats comme c’est le cas, il est automatiquement proclamé “président de la République”. Mais en même temps, les élections de cette date devront déterminer si le président élu dispose ou non d’une majorité à l’Assemblée nationale en considérant le nombre de députés élus de son parti ou coalition qui la composera. Ce à quoi veille tout prétendant au poste de président car autrement, il serait contrait à n’être qu’un président d’apparat pour inaugurer les chrysanthèmes alors que la gouvernance du pays reviendrait au bloc majoritaire à l’Assemblée et au Sénat.

 

  • Déroulement

 

Le premier point à observer sera donc de voir si ces élections se tiendront bien  à la date prévue et partout dans tout le pays, car les défis sont énormes: insécurité et sabotages des groupes terroristes, ingérences des organisations à la solde des puissances étrangères pour semer le chaos après ces élections, etc.

 

  • Résultats de la présidentielle

 

Autre défi et menace majeure: l’acceptation ou non des résultats de la présidentielle. On note déjà qu’une certaine tranche de la  classe politique congolaise dont certains disent qu’elle est abonnée au “ministère de la parole, même lorsqu’elle n’a rien à dire”, a déjà commencé son show.

 

En effet, certains politiciens ont déjà déclaré qu’ils ne prendraient pas part à cette élection et que leurs formations politiques ne présenteront pas de candidats. Mais en même temps, ils déclarent qu’après la date du 20 janvier 2024 correspondant, jour pour jour à 5 ans après la prestation de serment du président actuel pour son premier mandat soit le 20 janvier 2018, le pouvoir serait vacant en RDC et que donc le président qui serait déclaré comme élu en décembre 2023 serait illégitime et donc à ne pas reconnaître comme tel. Pour planifier et semer le chaos dans un Etat, on ne peut pas trouver mieux. Bravo aux politiciens congolais !!!

 

  • Répercussions internes et dans la région

 

Mais les répercussions de ces élections seront nombreuses. D’abord en RDC même, si le président élu est contesté et déclaré “illégitime” par des politiciens influents et qui ont des échos parmi les populations diverses de la RDC, un chaos s’ensuivrait au grand plaisir des puissances qui souhaitent la balkanisation de la RDC ou alors la rendre un terrain vague et un non-Etat comme la Libye de l’après Mouammar Kadhafi.

Ainsi Paul Kagame aurait son Nord et Sud Kivu  pour y faire régner ses M23 et ses Banyamulenge sans aucune entrave, car l’Etat congolais n’existerait que de nom comme l’Irak, la Libye ou le Yémen .

A suivre donc.

 

  1. Consolidation du régime de Touadéra en Centrafrique

 

Une autre situation à scruter concerne la République Centrafricaine. Dans ce pays, le président Archange Touadera, qui est au pouvoir depuis 2016, vient, sur conseil de Paul Kagame, de modifier la Constitution du pays pour y enlever la limitation des mandats. Il pourra donc se présenter indéfiniment aux élections présidentielles dont Kagame lui donne la recette et les astuces pour les gagner toutes jusqu’à sa mort. Le président (désormais à vie de Centrafrique) Touadéra, a non seulement noué des liens diplomatiques avec le Rwanda de Paul Kagame mais est en plus, il est lié au Rwanda par les liens de sang.

 

En effet, depuis qu’il a confié sa garde personnelle rapprochée aux éléments de l’armée des Inkotanyi que Kagame a mis à sa disposition, il a par la suite créé de lui-même un autre lien de sang et donc indéfectible avec une Tutsi. En effet celle que Kagame lui avait envoyée pour veiller à lui et à sa famille jour et nuit et qui était une jolie fille tutsi a fini par séduire le président Touadéra. Celui-ci est alors tombé sous ses charmes et se l’est tapé. Quelques mois plus tard, il est apparu que la garde-corps chez le président était enceinte des œuvres de son maître, au grand dam de la First Lady officielle.

 

La “garde du corps”, au propre comme au figuré, a alors été rapatriée au Rwanda. Et tout naturellement, neuf mois plus tard, un enfant est né de cette union. Actuellement, c’est Touadéra qui doit se rendre régulièrement à Kigali pour revoir sa maîtresse et son enfant rwando-centrafricain à qui il doit payer une pension alimentaire mensuelle digne d’un fils de président et  d’une First Lady après leur avoir acheté une villa cossue dans le quartier des VIP de Kigali.

A suivre donc.

 

  1. Evolution des relations entre le Congo-Brazza avec le Rwanda

 

Une autre situation à suivre dans la région sera comment vont évoluer les relations nouvellement nouées entre Kagame et l’inamovible Denis Sassou Nguessou du Congo Brazzaville.

Il faudra observer et évaluer si le jeu d’équilibrisme que Sassou Nguessou entend jouer avec la RDC dont la capitale Kinshasa  et la sienne Brazzaville sont à un jet de pierre car séparées par le seul fleuve Congo et dont les populations sont plus que frères et parlent la même langue (le lingala). Dans ses conditions, Sassou Nguessou pourra-t-il continuer à être considéré comme un voisin crédible alors qu’en même temps, Paul Kagame multiplie des entreprises non seulement pour mettre dans sa poche le régime en place à Brazza mais surtout pour s’approprier des territoires de ce vaste pays peu peuplé et ainsi encercler le pauvre régime de Kinshasa. Surtout que le dauphin présumé de Denis Sassou Nguessou, à savoir son fils Cristel, déjà super-ministre de la Coopération régionale, est déjà conquis par Kagame et qu’il cède tout ce que ce dernier demande au Congo en contre-partie des offres souvent basses et scandaleuses que lui offre le régime rwandais de Paul Kagame.

 

  1. Evolution des relation entre le Rwanda et l’Angola

 

Basculement ou non de l’Angola dans le camp des pro-Kagame.
Là il faudra sonder si ce grand et influent pays en Afrique centrale et australe et même dans certaines situations en Afrique de l’Est qu’est l’Angola, maintiendra son cap dans son attitude par rapport aux agressions que subit la RDC de la part de Paul Kagame depuis 1996, ou alors s’il a varié.

 

En effet, l’Angola fut toujours du côté de la victime n’hésitant pas parfois à lui venir au secours militairement comme en 1998. Et dans l’agression en cours depuis 2021, l’Angola est l’un des pays médiateurs et qui trace des feuilles de route pour la fin des hostilités, hélas non suivies d’effet car ignorées ou rejetées par Paul Kagame à travers son M23.

 

Mais depuis quelques années, un facteur inquiétant est susceptible de faire basculer l’Angola. En effet l’entourage immédiat du président Joao Lourenço a été investie par Kagame qui est parvenu à lier, par les mariages avec des femmes tutsi rwandaises et donc des alliances de sang,  doublés des alliances d’affaires avec sa société Crystal Ventures, certains des décideurs politiques d’Angola.

 

Tout dépendra donc du rapport de force entre la suprématie des liens que l’entourage du président angolais a noué avec les agents de Kagame et les défenseurs des intérêts supérieurs de l’Etat angolais parmi ses décideurs.

A suivre donc.

 

  1. Déroulement du simulacre de la réélection de Paul Kagame au Rwanda

 

Pour mémoire, on sait que Paul Kagame se fera “réélire” en 2024 pour un Nième mandat. Une pure formalité pour amuser la galerie car un monarque féodal absolu n’a logiquement pas besoin d’être confirmé au trône après X ou Y années.

 

Après ce show médiatique, on veillera simplement à noter si le dictateur se tient toujours au minimum des 98% exigés, ou si cette fois-ci il aurait opté pour l’annonce de 100% sans plus chipoter avec les 98/99 %  comme pendant les actes précédents de cette tragi-comédie interminable de la scène rwandaise.

 

On observera ensuite le chambardement de son gouvernement et instances décisionnaires après sa “réélection” pour un premier mandat de cinq ans après trois septennats (2003-2020; 2020-2017; 2017-2024) et neuf ans de “transition” sous sa houlette (1994-2003). Soit au total trente années d’un règne qui ne fait que commencer sous le régime de quinquennats renouvelables sans limite. Et on fera attention à tout signe qui pourrait donner des indications sur comment et surtout qui de ces fils ou filles il aurait décidé de céder le  trône du royaume féodal du Rwanda à son décès.

Rien donc d’intéressant en 2024 au Rwanda dans ce domaine.

 

  1. En ce qui concerne l’Ouganda, il faudra continuer à suivre l’évolution de la campagne du dauphin de Yoweri Museveni à savoir son fils le général Muhoozi Kainerugaba qui bat déjà son plein pour qu’il reprenne le fauteuil présidentiel en 2026

 

  1. Enfin, en Tanzanie, il faudra voir si ce pays, longtemps considéré comme “faiseur de rois” en Afrique de l’Est, continue de sombrer dans la léthargie ou si au contraire il va connaître un sursaut pour restaurer sa puissance et sa considération.

 

En effet, ce pays, à cause de sa stabilité politique et l’intégrité des dirigeants successifs, fut, depuis les indépendances, le leader moral des autres pays de l’Afrique de l’Est.

Hélas, depuis quelques années, la Tanzanie semble avoir sombré dans la léthargie, que certains appellent “une sagesse féminine” depuis qu’une femme ait accédé à la magistrature suprême de ce vaste et stratégique pays qui constitue un pont et donc un passage obligé entre l’Afrique de l’Est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe ainsi que les archipels africains de l’Océan Indien (Comores, Madagascar, Seychelles, … ).

Et comme la nature a horreur du vide, c’est le dictateur et sanguinaire du Rwanda Paul Kagame qui s’engouffre petit à petit dans la brèche pour occuper la place que la Tanzanie avait dans la région et cela depuis les indépendances.

 

Ainsi nous pouvons relever quelques tentatives ou réussites du dictateur et mégalomane Paul  Kagame dans cette entreprise:

– La conquête et au minimum le “Remote control’” de l’Est de la RDC;

– Le fait de terroriser et maintenir le Burundi démocratique sous pression;

– Le fait d’occuper militairement le Mozambique, notamment sa région frontalière avec la Tanzanie;

– Coiffer les Services de sécurité et judiciaires ( Police, Parquet, …) des Comores, du Malawi ou de la Zambie, pour pouvoir à volonté arrêter et incarcérer sur place, kidnapper et déporter au Rwanda ou tout simplement tuer les réfugiés qui y avaient trouvé refuge fuyant sa dictature.

 

Accessoirement, compte tenu de l’actualité brûlante, il faudrait scruter aussi à la loupe les actions du dictateur Paul Kagame du Rwanda par rapport à ce qui se passe au Niger. Le connaissant, on peut jurer qu’il n’hésiterait pas à envoyer sa “Killing Machine“ au Niger sous prétexte d’y rétablir le pouvoir déchu. Il pourrait le faire sur demande de la France de Macron. Mais aussi il pourrait d’initiative proposer ses services à ce pays, non pas pour les beaux yeux du président renversé Bazoum qui ne sera plus jamais président du Niger, mais bien pour mettre la main sur les sept hautes personnalités hutu acquittées ou libérées par le TPIR depuis des décennies mais qui sont actuellement retenues en otage par la même ONU au Niger, les mêmes puissances occidentales leur ayant renié le droit de rejoindre leurs familles vivants et travaillant dans leurs pays.

 

A surveiller donc afin de le dénoncer le moment venu.

 

Nos vœux

 

Bonne année scolaire pour les scolaires, bonne rentrée politique pour les gouvernants et bonne session parlementaire pour les élus. Mais surtout et simplement bon espoir de paix et de tranquillité aux populations de la région des Grands Lacs d’Afrique martyrisées par ces mêmes politiciens de l’Occident à travers leur laquais mégalomanie qu’est Paul Kagame, et cela depuis trois décennies.

 

Emmanuel Neretse

 

 

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