Genèse des massacres organisés par le FPR au Rwanda (1986-1990)

Le contenu de cet article s’inspire en grandes lignes d’une émission diffusée sur une chaine YouTube, Radio Inkingi, animée par Gaspard Musabyimana.

 

Tout le monde se souvient que la tragédie rwandaise a été annoncée par le président Kagame qui a été le premier à en parler. En effet, en pleines négociations de paix d’Arusha, il a dit au général Roméo Dallaire qu’il allait organiser une apocalypse, affirmant que lorsque celle-ci débuterait, rien ne serait laissé en vie[1]. C’est exactement ce qui s’est passé. Pour mettre en place ce « cataclysme », le général Kagame s’est préparé pendant de nombreuses années, depuis l’Ouganda où il était officier chargé des Services de renseignements dans l’armée de ce pays.

 

Depuis la prise de pouvoir par les rebelles de la NRA en janvier 1986, Paul Kagame, alors major, a activé son plan d’infiltration et de noyautage de l’appareil administratif et militaire rwandais. Il mis sur pied un réseau consistant à recruter des jeunes triés sur le volet, de leur donner des exercices militaires dans les centres d’instruction militaires ougandais et de les renvoyer au Rwanda. Ces commandos, embusqués dans le pays, seront le fer de lance, une « cinquième colonne » lors de la guerre d’agression déclenchée le 01/10/1990.

 

Aujourd’hui que le FPR fête ses 30 ans de victoire, les langues se délient et certains de ces infiltrés ne cessent de chanter leurs prouesses.

 

Ainsi, Philbert Muzima, alors qu’il faisait des études au Grand séminaire de Rutongo, est allé faire un entraînement militaire en Ouganda. Dans son témoignage sur YouTube et au cours duquel il présente son livre[2], il révèle qu’il avait rejoint le FPR, qu’il savait utiliser un fusil automatique et que ses camarades et lui-même gardaient cela secret. En 1994, face à une menace, ils se sont reconnus et ont décidé de se défendre. Muzima, comme ses collègues, était un commando. Le FPR a veillé à ce que tous ses membres sachent manier toute une série d’armes à feu. Ceci pousse les observateurs à conclure que c’est bien le FPR qui a planifié les massacres qui se sont produits au Rwanda.

 

En examinant la situation, on constate que les préparatifs du FPR ont été largement discutés et documentés, notamment sur la présence de techniciens (les assassins-tueurs) au sein de la population rwandaise.

 

Dans les écrits de Joseph Matata du CLIIR, il évoque souvent les brigades clandestines, comparant ces infiltrés à des clans qui s’introduisaient discrètement sous divers noms.

 

Les actions du FPR, consistant à former des individus au maniement des armes et à les réintégrer dans la communauté ont engendré des suspicions et des rancœurs parmi les Rwandais. La plupart des hommes armés étaient ceux qui ont commencé à tirer sur la population. La guerre a été initiée par ceux qui possédaient des armes, et ce sont également eux qui y ont mis fin. Il est connu que de nombreux membres du FPR avaient infiltré les groupes Interahamwe. La plupart de meurtres commis par les Interahamwe l’ont été en partie par des techniciens du FPR. Ces derniers s’y étaient préparés, souhaitant accuser leurs ennemis en disant : « Regardez les morts, c’est l’acte des Interahamwe ». Cela leur a réussi puisque des tas de cadavres ont fait le tour des médias du monde, les journalistes de grandes chaînes ayant été sans aucun doute aiguillonnés par ses infiltrés du FPR après leurs forfaits. C’est diabolique.

 

Le modus operandi des brigades clandestines a été évoqué par plus d’un, les récits les plus parlants étant ceux de ceux qui étaient en plein dedans dans l’exécution de ce plan criminel.

 

Ainsi, déjà en 1995, une année après la victoire militaire du FPR, Tite Rutaremara, une des éminence grise du pouvoir incarné par Paul Kagame, a révélé au journaliste François Misser[3] que le FPR avait plus de 36 cellules à travers tout le pays. Une cellule pouvait compter jusqu’à 300 personnes. Elles travaillaient en secret et dans le plus strict cloisonnement c’est-à-dire que les personnes ne se connaissaient pas du tout. Chacune agissait en solo en respectant les consignes donnés par le chef, à la manière de la mafia. Avec l’apparition du multipartisme en en 1991, ces infiltrés étaient encouragés à se dispatcher dans différents partis politiques MRND, PL, MDR, CDR?,…) alors à couteaux tirés dans la lutte politique.

 

Rutaremara s’est félicité de ce phénomène à plusieurs reprises. En 1997, lors d’une conférence du parti PTB à Bruxelles, il a déclaré que leurs cellules avaient atteint 3500 unités.

 

Les exemples de ces recrutements sont nombreux et des témoignages ne manquent pas.

En 1987, K.L., qui commençait ses études secondaires au petit séminaire de Zaza, a été recruté par  des membres du FPR venus d’Ouganda. Il travaillait pour eux  jusqu’à ce qu’il aille à l’université pour finalement rejoindre le FPR au front en 1992. Il est clair que le FPR ne reculait devant rien jusqu’à utiliser des enfants, car lorsqu’une personne entre au séminaire, elle a 13 ou 14 ans. Ce cas de K.L. n’est pas isolé car depuis le  déclenchement de la guerre en octobre 1990, beaucoup de jeunes de toutes catégories, surtout des étudiants, ont rejoint le FPR pour faire la guerre.

 

Dans son livre paru en 2001 et intitulé « De la terre de paix à la terre de sang », Valens Kajeguhakwa, l’un des hommes les plus riches sous le régime du président Habyarimana, n’y va pas par le dos de la cuillère. Il y affirme qu’ils possédaient des armes et que les personnes à sa disposition étaient celles qui avaient quitté la NRA ougandaise pour venir au Rwanda ; elles sont restées chez lui en tant que commandos. À la page 276, il écrit : « Quelques-uns venaient juste de rentrer de la guerre de libération conduite par Museveni et gagnée en 1986. Ils allaient constituer une milice à l’intérieur de la parcelle. J’achetai les armes à feu qu’il fut facile aux guérilleros de faire traverser la frontière et d’introduire clandestinement dans mon domicile par pièces détachées (…). Nous avions 15 Kalachnikov, 4 fal, 3 uzzi, des pistolets et une cinquantaine de grenades de toutes sortes… »[4].

 

Kajeguhakwa avait mis en place une agence de renseignements, financée avec son propre argent, sous la direction d’un certain Mazimpaka. Ils cherchaient également à recruter des techniciens dans tous les départements du pays. Même parmi les prêtres, l’abbé Ntagara, avait parcouru le pays en exhortant les gens à se préparer pour la bataille, selon toujours Kajeguhakwa[5].

 

Un homme du nom de George Rwakampala a également combattu dans l’armée du FPR. Il a été intégré parmi les 600 soldats emmenés au CND (Parlement rwandais). Il raconte qu’au CND, chaque semaine, 100 commandos recevaient une formation militaire et après ils étaient envoyés dans la capitale Kigali. Ce témoignage a été donné en 2002 devant le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) d’Arusha. Ces personnes, une fois formées, ont infiltré Kigali et se sont dispersées dans l’armée et à travers tout le pays.

 

Une autre personne ayant mentionné ce sujet est Robin Philpot dans son livre « Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali »[6]. Selon des informations fiables, il y avait 146 cellules dans la seule ville de Kigali, chaque cellule contenant 5 personnes, soit environ 600 à 700 personnes.

 

Dans son livre « Aucun témoin ne doit survivre »[7], Allison Desforges affirme qu’il y avait 600 cellules dans tout le pays, dont 147 à Kigali, ce qui est très proche des chiffres avancés par Philpot.

 

Dans son livre « Carnage d’une nation »[8], Edouard Kabagema raconte qu’en 1994, il avait une fille amie qui lui a dit qu’elle était la représentante du FPR à Gitarama. Kabagema décrit cette fille, qui semblait si innocente, en disant qu’il n’aurait jamais pensé qu’elle saurait se battre et se demande quand elle avait appris tout cela. C’est un témoignage impressionnant.

 

Charles Karemano, dans son livre « Au-delà des barrières », écrit : « Nous sommes au Rwanda en 1994. Les militaires nous disaient qu’ils avaient l’habitude de faire des travaux de ménages chez les personnalités importantes à Kigali, en particulier parmi les militaires de haut rang. Ils disaient qu’ils étaient allés là-bas pour obtenir des informations[9]« . Ce sont ces personnes qui ont été envoyées dans le cataclysme que Dallaire a décrit. Karemano affirme les avoir vus dans l’armée.

 

Si l’on revient en arrière, le FPR  a aussi commis des atrocités en ajoutant un élément de terrorisme, particulièrement dans la région d’Umutara. Ces techniciens, qui étaient des commandos, volaient, tuaient très facilement. Le livre e Gaspard Musabyimana[10] regorge d’exemples éloquents de ce phénomène.

 

Le 12 décembre 1989, une femme nommée Mukamana Devota, caissière dans un projet appelé « Projet agricole de Gitarama », a détourné 846 000 francs de ce projet et s’est enfuie en Ouganda. Malgré une enquête, il a été découvert qu’elle avait réussi à passer la frontière.

 

La même année, en mars 1989, une personne nommée Udahemuka JMV, qui travaillait au ministère de l’Agriculture, a demandé une mise en disponibilité et est allé en Ouganda pour suivre la formation militaire au sein du FPR. Cette formation n’a pas été inutile, car en janvier 1990, un après-midi, il a suivi un homme nommé Vénuste Nsabimpuhwe, qui allait déposer 640 000 francs dans une banque dans la ville de Gitarama (Muhanga). Lorsque Nsabimpuhwe est entré dans la banque, Udahemuka l’a suivi. Alors que Nsabimpuhwe était au guichet, Udahemuka a tiré en l’air, provoquant la panique dans la banque. Profitant de la confusion, il a tenté de s’échapper avec l’argent, mais a été confronté à un garde qu’il a fini par abattre avant de s’enfuir. Les soldats du camp de Gitarama ont poursuivi Udahemuka et l’ont abattu, bien qu’il ait tué un autre soldat dans l’affrontement. Le journaliste Kanyankore J.B., responsable du centre d’information régional de Gitarama à l’époque, a écrit un article questionnant comment un civil comme Udahemuka avait pu commettre un braquage armé.

 

En mai 1990, un homme nommé Mbanzendore, surnommé Bidede, a tendu une embuscade à l’inspecteur scolaire de Mwendo à Kibuye et lui a volé 800 000 francs destinés aux salaires des enseignants, sous la menace d’une arme à feu.

 

En juin 1990, Artémon Rurangwa et un complice se sont rendus à Rugobagoba, sur l’axe Kigali-Gitarama (Muhanga). Ils ont intercepté  une fourgonnette de la Banque de Kigali qui transportait  47 millions de francs rwandais pour approvisionner sa succursale de Butare. Informés du transfert, ils ont attaqué la camionnette et se sont emparés de l’argent. Plus tard, Rurangwa est retourné à Kigali et a confié les billets de 100 à sa femme, qui les a déposés à la banque. Les numéros des billets ont été identifiés, et elle a été arrêtée car ils correspondaient à ceux volés par son mari avant de s’enfuir en Ouganda. Artémon Rurangwa, après la victoire du FPR, est allé s’installer au Canada où il coule des jours heureux.

 

Le livre du lieutenant Abdul Ruzibiza[11] est lui aussi pleins d’exemples de ces « techniciens »  avec des noms et leurs zones d’action.

 

De tout ce qui précède, il est légitime d’affirmer que le FPR avait minutieusement planifié son plan d’extermination et de massacres au Rwanda.

 

Vestine MUKANOHERI

 


Notes

[1] Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable, ‎ Editions Libre Expression, 2004, p.279

[2] Philbert Muzima, Imbibé de leur sang, gravé de leurs noms, Izuba Editions, 2016.

[3] François Misser, Vers un nouveau Rwanda, entretien avec Paul Kagame, Bruxelles, Luc Pire/Paris, Karthala, 1995, p.155

[4] Valens Kajeguhakwa, De la terre de paix à la terre de sang. Et après ? Paris, Rémi Perrin, 2001, pp. 256-257.

[5] idem, p. 218

[6] Philpot Robin, 2003, Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali, Montréal, Editions Les Intouchables, 2003, p. 39

[7] Aucun témoin ne doit survivre, Paris Editions Karthala, 1999, p. 214.

[8] Edouard Kabagema, Carnage d’une nation. Génocide et Massacres au Rwanda 1994, Paris, Editions L’Harmattan, 2001, pp. 32 et ss.

[9] Charles Karemano, Au-délà des barrières. Dans les méandres du drame rwandais, Paris, Editions L’Harmattan, 2003, p.105.

[10] Les années fatidiques pour le Rwanda. Coup d’œil sur les préparatifs intensifs de la « Guerre d’octobre », 1986-1990, Kigali

[11] Abdul Ruziziba, Rwanda. L’histoire secrète, Paris, Editions du Panama, 2005.

 

 

 

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