Rwanda. Retour sur un génocide planifié

Depuis le procès du Dr Charles ONANA à Paris pour minimisation du génocide dans son livre La vérité sur l’opération turquoise : quand les archives parlent, les réseaux sociaux s’agitent au sujet de la planification du génocide contre les Tutsis, un sujet que M. ONANA aborde avec nuance. Trois thèmes reviennent souvent et méritent notre attention.

 

Il s’agit de :

  1. L’identification de l’ennemi
  2. La question de listes
  3. L’importation de machettes

Nous nous concentrons ici sur l’émission diffusée sur Radio Inkingi le dimanche 20 octobre 2024. Elle a mis en lumière deux points importants en lien avec deux émissions diffusées en ligne. La première a été animée par Jean Claude Mulindahabi, un journaliste reconnu, et la seconde par Tharcisse Semana, également journaliste. Ces deux animateurs ont reçu des invités pour discuter de sujets variés dont la planification du génocide. Après avoir écouté ces programmes, M. Gaspard Musabyimana de Radio Inkingi a relevé des éléments significatifs qu’il souhaite partager, car ils nécessitent une analyse approfondie. Il est essentiel que ceux qui ont suivi ces émissions prennent en compte son point de vue car il s’est appuyé sur différents écrits. Les trois points qu’il veut aborder concernent des preuves qui montrent que le génocide contre les Tutsis a été planifié.

 

 1. La définition de l’ennemi

 

La première preuve abordée dans ces émissions concerne « la définition de l’ennemi », un document rédigé par les militaires sous le régime de Habyarimana, visant à identifier l’ennemi. L’erreur majeure, extrêmement préoccupante, est qu’un des invités a répété à plusieurs reprises que « l’ennemi est le Tutsi », sans fournir davantage de précisions. Cette affirmation est choquante, car elle donne l’impression que les militaires avaient décidé d’exterminer les Tutsi. L’invité a insisté à plusieurs reprises sur cette idée : « l’ennemi est le Tutsi ». En entendant cela, Gaspard Musabyimana a été surpris qu’aucun des deux journalistes, Jean Claude Mulindahabi ou Tharcisse Semana, n’ait réagi pour clarifier : « Est-ce réellement ce que le document dit ? Permettons-nous de le lire mot à mot. » Peut-être n’étaient-ils pas suffisamment préparés ou ignoraient-ils la direction que prendrait la discussion.

 

Monsieur Gaspard Musabyimana souhaite apporter des éclaircissements sur ce document, car il est accessible, y compris sur Internet. Il précise qu’il peut démontrer comment ce texte a été largement débattu devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha. Les questions soulevées et répétées à ce sujet, tentant de les remettre en cause, ont déjà été résolues par les tribunaux. Il invite donc à examiner précisément de quoi il s’agit et à comprendre comment ce document, intitulé « la définition de l’ennemi », décrivait cet ennemi selon les militaires de l’époque.

 

Monsieur Gaspard explique que le document en question est répertorié dans les archives du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) sous le numéro K1020894. Il ajoute que ce document est également accessible dans certains ouvrages, qu’il compte montrer pour prouver son authenticité et souligner qu’il ne s’agit pas d’un faux. Il remarque ensuite que lors des émissions, les invités en parlaient sans réellement fournir d’explications ni préciser la source de leurs informations. Par exemple, certains affirmaient avoir vu des listes de personnes à assassiner, obtenues des Interahamwe, mais sans identifier précisément qui étaient ces Interahamwe. Monsieur Gaspard souligne qu’il reviendra sur ce point et insiste sur le fait que ces déclarations ne reposaient sur aucune preuve concrète pour les appuyer.

 

Examinons ce document daté du 21 septembre 1992. À cette époque, la situation était particulièrement tendue. L’année 1992 a en effet été marquée par une agitation politique intense. C’est durant cette période que diverses histoires, qu’elles soient vraies ou fausses, ont commencé à circuler, et c’est ce que certaines personnes continuent de répéter aujourd’hui, ce qui est surprenant.

 

Ce texte a été signé par le colonel Nsabimana Deogratias, qui était alors chef d’état-major général. Que Dieu lui accorde le repos éternel. Voici ce que contient le document :

 

Définition et identification de l’ennemi :

 « L’ennemi se subdivise en deux catégories : l’ennemi principal et les partisans de l’ennemi.
L’ennemi principal est le Tutsi, de l’intérieur ou de l’extérieur, extrémiste et nostalgique du pouvoir, qui n’a jamais reconnu et ne reconnaît pas encore les réalités de la révolution nationale de 1959 et qui veut reconquérir le pouvoir au Rwanda par tous les moyens, y compris les armes. »

 

Parmi les intervenants, certains ont persisté à affirmer que « l’ennemi est le Tutsi », ce qui n’est pas correct. En se limitant à cette seule déclaration, « l’ennemi principal est le Tutsi », on ne parvient pas à saisir le véritable sens des propos tenus. Ce que ce document affirme, c’est que « l’ennemi est le Tutsi extrémiste qui vise à s’emparer du pouvoir dans le pays », c’est cette notion qu’ils désignaient comme l’ennemi. Par la suite, ils ont précisé que « le partisan de l’ennemi est toute personne qui apporte son soutien à l’ennemi principal. » Ils ont ainsi expliqué comment reconnaître l’ennemi, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays : c’est quelqu’un qui a pris les armes pour attaquer le pays, quelqu’un qui achète des armes pour envahir le pays, ou encore quelqu’un qui finance, en prêtant de l’argent, afin de soutenir l’ennemi qui attaque le pays. Ce sont des aspects complexes, et Mr Gaspard montre que ce document ne dit à aucun moment que le Tutsi, en tant que groupe, est l’ennemi.

 

En plus, regardez comment ce document a été rédigé avec soin et intelligence : ils précisent que « les opposants politiques qui souhaitent un changement politique pacifique et démocratique du régime actuel au Rwanda ne doivent pas être confondus avec l’ennemi ou les partisans de l’ennemi ». Cela montre clairement que le document fait la distinction entre ceux qui s’opposent pacifiquement au régime et ceux qui sont réellement considérés comme des ennemis du pays.

 

Peut-on vraiment affirmer que ce document est mauvais ? Monsieur Gaspard estime que les militaires qui l’ont rédigé avaient une approche plutôt démocratique. Il souligne également que cette même commission, qui a élaboré ces déclarations, a fait l’objet de discussions et de débats à Arusha. Parmi les personnes impliquées dans la rédaction de ce document, on trouve le colonel Marcel Gatsinzi, tandis que le major Augustin Cyiza occupait le poste de secrétaire.

 

Après la victoire du FPR, ces deux individus ont intégré les forces armées du FPR et n’ont jamais été condamnés pour cela. Contrairement à d’autres qui ont été emprisonnés, personne ne leur a jamais reproché : « Vous êtes responsables de la rédaction du document sur l’ennemi, et nous allons vous juger pour cela. » Absolument pas. Cela démontre que ce document, en dehors des perceptions que certaines personnes en ont aujourd’hui, ne constitue pas un crime. On pourrait même affirmer qu’il s’agit d’interprétations personnelles qui déforment son véritable contenu.

 

Ce document a suscité de nombreuses discussions, mais c’est un professeur français, Bernard Lugan, qui en a fait une analyse approfondie. Ayant vécu au Rwanda, il a enseigné l’histoire dans le pays il y a longtemps. Les anciens étudiants de l’université nationale du Rwanda le connaissent bien, car c’est un homme d’une grande érudition. Le tribunal d’Arusha l’a également sollicité en tant qu’expert, où il a fourni plusieurs témoignages en apportant des documents qu’il lisait et commentait, tout en partageant ses réflexions. C’est lui qui a abordé la notion de « définition de l’ennemi ». Il a écrit deux ouvrages : « Rwanda : Contre-enquête sur le génocide » et « Rwanda, un génocide en question. » Ceux qui s’intéressent à l’histoire et souhaitent découvrir la vérité devraient absolument les lire.

 

Monsieur Gaspard a lu ces ouvrages et y a ajouté des annotations. Il se souvient d’un passage où Bernard Lugan disait : « Les gens affirment que les militaires de l’état-major se sont réunis pour rédiger la définition de l’ennemi. » Il poursuit en expliquant : « Dans une guerre, si tu ne te poses pas la question de savoir qui est ton ennemi, comment peux-tu mener le combat ? » Cela montre qu’il considérait qu’il était normal, dans un contexte de guerre, de définir qui était l’adversaire.

 

Monsieur Gaspard rappelle que Bernard Lugan a interrogé les juges en ces termes : « Les personnes formées à l’état-major, ayant étudié les stratégies de guerre, comment pourraient-elles mener une guerre sans savoir qui est l’ennemi ? » Il a ensuite ajouté : « C’est une question à laquelle vous devez répondre. » Et en effet, les juges n’ont pas répondu à cette question. Lugan revient sur ce point à la page 210 de son livre, car lors du procès à Arusha, ils ont tenté de démontrer que c’était cette définition de l’ennemi qui avait conduit au génocide. Il a également fait référence aux écrits d’Alison Des Forges, que Monsieur Gaspard mentionne également. Alison Des Forges, de Human Rights Watch (HRW), avait travaillé sur le Rwanda et abordé la question de la « définition de l’ennemi ».

 

Bernard Lugan écrit : « Sur les dix hommes qui composaient la commission, trois sont jugés à Arusha : Bagosora, Nsengiyumva et Ntabakuze ; trois sont morts : Nsabimana, décédé le 6 avril 1994 dans l’avion du président Habyarimana, Hakizimana et Bahufite, morts en exil. » Ensuite, il ajoute : « Les autres sont encore vivants, parmi eux Karangwa Pierre Claver et le colonel Muberuka. » Il poursuit : « Les deux derniers sont Augustin Cyiza et Marcel Gatsinzi. Ces deux derniers ne sont pas soupçonnés d’avoir été des extrémistes hutus, puisqu’ils ont rejoint le FPR avant d’occuper de hauts postes après la victoire de ce dernier en juillet 1994. Augustin Cyiza fut nommé vice-président de la Cour suprême et président de la Cour de cassation avant de disparaître mystérieusement le 23 avril 2003 au Rwanda. »

 

Il explique que ce document a été rédigé et gardé secret avant d’être envoyé à Habyarimana. Les brouillons et même tous les stencils utilisés pour sa rédaction ont été détruits. Deux exemplaires ont été remis au ministre de la Défense, le colonel Augustin Ndindiriyimana. Jusqu’au mois de septembre 1992, ce rapport est resté confidentiel. Puis, le 21 septembre 1992, le colonel Déogratias Nsabimana, chef d’état-major des FAR, signe une lettre à tous les commandants opérationnels, dans laquelle il rend publique l’existence de cette commission, rappelle ses objectifs et fait une synthèse de ses travaux.

Dans cette lettre, Nsabimana écrit : « Parmi les chapitres abordés, la commission a défini l’ennemi contre lequel nous nous battons. En annexe, je vous transmets le rapport établi par la commission, qui traite justement de la définition de l’ennemi, son identification, sa situation, en mettant en évidence notamment son organisation politique et militaire, ses objectifs, ses moyens, ses méthodes, ainsi que ses atouts et ses faiblesses. »

 

Bernard Lugan affirme qu’il n’y a rien de répréhensible dans ce document. Lorsqu’une personne déclare que ce texte désigne l’ennemi comme étant le Tutsi, cela n’est tout simplement pas vrai. Dans les discussions à ce sujet, cette fausse affirmation a été répétée plusieurs fois. Monsieur Gaspard encourage ceux qui suivent ces débats en ligne à prêter attention à ce qui est dit, mais avec discernement. Ce qui démontre que ces déclarations sont mensongères, c’est le fait qu’elles sont avancées sans jamais mentionner la source d’où proviennent ces informations.

 

Le document a été discuté longuement à Arusha, dans le procès de Bagosora, qui était considéré comme le « cerveau du génocide », aux côtés de Gratien Kabiligi, Aloys Ntabakuze et Anatole Nsengiyumva. Le verdict rendu par le tribunal stipule : « Selon les éléments examinés, le tribunal ne partage pas l’avis du procureur selon lequel le fait d’identifier un ennemi implique que tous les Tutsis étaient des extrémistes et désiraient prendre le pouvoir. De plus, le tribunal a constaté que ceux qui affirment ne pas être d’accord avec le gouvernement et qui aspirent à un changement pacifique ne doivent pas être considérés comme une menace, car ils ne représentent aucune menace réelle. »

Le tribunal a également observé que les généralisations selon lesquelles « l’ennemi est le Tutsi » ne sont pas fondées. Il a conclu que ce document ne mentionne en aucun cas que les Tutsis doivent être chassés.

 

2. La question des listes

 

Dans les deux émissions en question, les invités ont persisté à affirmer que des listes de Tutsis destinés à être tués avaient été établies, répétant cette idée à plusieurs reprises. Après 30 ans, continuer à soutenir une telle affirmation est vraiment étonnant. Cette personne prétend avoir obtenu ces listes des Interahamwe, mais elle ne précise pas qui lui a fourni ces informations. Est-ce Robert Kajuga, qui dirigeait les Interahamwe ? Nous connaissons bien les chefs des Interahamwe dont il a déjà été question, mais vous avez pu constater qu’ils ont été totalement protégés.

 

Les questions relatives aux listes ont également fait l’objet de longs débats. Ce qu’un témoin a déclaré à ce sujet fait référence à des passages du livre d’Alison Des Forges « Aucun témoin ne doit survivre », qui compte 940 pages. Tout ce qu’elle y a écrit provient des informations qui lui ont été fournies. J’ai déjà souligné qu’en 1992, ils rédigeaient des éléments, certains vrais, d’autres faux, dans le but de discréditer le gouvernement de Habyarimana. À la page 120 de son livre, elle mentionne l’existence de ces fameuses listes.

 

Un témoin a également affirmé avec assurance que des listes existaient bel et bien, et qu’elles comportaient même des signatures et ont été trouvées dans le véhicule du colonel Nsabimana. Cette information a aussi été mentionnée par le général Ndindiriyimana. Dans un document qu’il a rédigé à Bruxelles le 13 octobre 1999, il formule des « observations critiques » au sujet du livre Aucun témoin ne doit survivre d’Alison Des Forges.

 

À la page 5 : liste trouvée dans le véhicule du chef d’état-major de l’armée, aux pages 121-122 du livre d’Alison Des Forges : « quelques semaines plus tard, le colonel Nsabimana, qui avait signé la lettre du 21 septembre définissant l’ennemi, a été blessé dans un accident de voiture. Au moment de son transport à l’hôpital, un document a été découvert dans son véhicule. Ce texte, cyniquement intitulé « Aide-mémoire pour la protection des droits de l’homme », contenait une liste de 331 personnes à contacter qui étaient supposées être affiliées au FPR. Leurs noms et adresses étaient indiqués, accompagnés, dans certains cas, d’un bref exposé des accusations. À certains d’entre eux, il était reproché d’avoir laissé leurs enfants rejoindre le FPR, d’avoir organisé chez eux des réunions suspectes, ou encore d’avoir stocké des armes destinées aux FPR… »

 

Ndindiriyimana affirme que la liste mentionnée par Alison Des Forges dans son livre est présentée comme la fameuse liste des personnes à éliminer. À Arusha, lorsqu’elle a été introduite, on a modifié son interprétation en disant qu’il s’agissait de personnes à abattre, comme l’ont affirmé certains témoins au cours des discussions. Selon Alison Des Forges, il s’agissait d’une liste de personnes à contacter, tandis que d’autres prétendent qu’elle concernait des individus destinés à être tués. Ndindiriyimana ajoute que cette liste est souvent présentée comme une preuve de la préparation du génocide.

Il précise qu’il est cité parmi les personnes qui auraient eu connaissance de cette liste sans avertir les individus concernés. Il souligne que Alison Des Forges  aurait pu informer les lecteurs que c’est lui-même qui a découvert la liste. Ainsi, qui d’autre serait mieux placé que lui pour en parler ?

 

Ndindiriyimana rappelle les faits en expliquant qu’il faut revenir à l’accident du colonel Deogratias Nsabimana. Après l’accident, Ndindiriyimana avait d’abord conduit les blessés à l’hôpital de Kanombe. De retour sur les lieux de l’accident, il a récupéré les armes et les documents qui se trouvaient dans le véhicule. Une enveloppe non fermée avait attiré son attention. En vérifiant son contenu, il s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une liste. Il précise que c’est le 6 mars 1993 qu’il a découvert cette liste, et non à la fin de l’année 1993 comme certains l’ont affirmé, y compris le procureur M. Nsanzuwera.

 

La liste a été présentée aux officiers de l’état-major de la gendarmerie, conformément aux procédures habituelles. Il l’a ensuite remise au ministre de la Défense, James Gasana, qui a pris des mesures concrètes, notamment en demandant à la gendarmerie de mener une enquête, tout en informant les services de renseignement du Premier ministre. Malgré l’enquête, il n’a pas été possible d’identifier l’auteur de cette liste. Après sa convalescence, le colonel Nsabimana, interrogé par Ndindiriyimana, a affirmé que la liste venait du FPR.

 

3. L’importation des machettes

 

La question des machettes et de leur rôle présumé dans la préparation du génocide a été soulevée lors des procès au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha. Certains alléguaient que l’importation massive de machettes avant 1994 faisait partie d’un plan délibéré pour commettre le génocide. Cependant, le tribunal a analysé ces accusations dans le contexte des preuves disponibles.

 

La défense, dans plusieurs cas, a souligné que les machettes étaient des outils agricoles courants dans le pays, utilisés pour des tâches quotidiennes, comme l’agriculture ou la coupe de bois. Au Rwanda, la machette faisait partie des outils usuels dans les foyers ruraux, et son importation en grande quantité ne prouvait pas automatiquement une intention criminelle.

 

Le tribunal a étudié cette question et, bien qu’il ait reconnu que les machettes ont été massivement utilisées pour commettre les massacres, il n’a pas pu établir de manière concluante que les importations de machettes étaient exclusivement destinées à préparer le génocide. Aucun lien direct n’a été formellement établi entre les commandes de machettes et un plan de génocide préétabli, même si certaines parties ont tenté de lier ces faits.

 

Cela est d’autant plus vrai que Félicien Kabuga, qui avait été mis en accusation comme celui ayant importé la plus grande quantité de machettes dans le cadre de la préparation du génocide a vu finalement cet acte retiré. En effet, après des années de cavale, Kabuga a été arrêté en France et jugé par le Mécanisme résiduel du TPIR. Le nouvel acte d’accusation ne comportait plus l’importation de machettes comme signe de préparation du génocide. Cette preuve, chère au Procureur dès le début des procès d’Arusha, a été tout simplement abandonnée.

 

Conclusion

 

Après une analyse approfondie des trois éléments clés liés à la préparation du génocide au Rwanda – l’identification de l’ennemi, l’établissement des listes et l’importation des machettes – nous pouvons conclure ce qui suit : à travers les débats devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il est apparu que « l’identification de l’ennemi » désignait principalement les « Tutsis extrémistes qui attaquaient le pays », en particulier ceux affiliés au Front Patriotique Rwandais (FPR), comme des ennemis. Cela visait à justifier l’effort de guerre contre le FPR, qui combattait le régime en place, et il est important de noter que le texte n’appelait pas à l’extermination de la population tutsie.

 

La question des listes de personnes ciblées pour être tuées a également été débattue. Des témoignages et des écrits, notamment dans le livre d’Alison Des Forges, ont avancé que des listes de personnes à assassiner, principalement des Tutsis, avaient été établies avant le génocide. Cependant, la véracité et l’usage de ces listes comme plan systématique pour éliminer les Tutsis n’ont pas été prouvés de manière concluante à Arusha. En ce qui concerne les machettes, largement utilisées dans les massacres, celles-ci ont souvent été associées à la planification du génocide. Cependant, au TPIR, il a été démontré que les machettes étaient des outils agricoles courants au Rwanda. De plus, leur importation massive avant 1994 n’a pas été considérée comme une preuve  d’un plan génocidaire.

 

Ainsi, bien que ces éléments soient souvent cités pour soutenir l’idée d’une planification délibérée du génocide, ils ne fournissent pas de preuves définitives de l’existence d’un plan génocidaire au sens strict. Les nuances de ces analyses sont essentielles pour comprendre la complexité de la situation au Rwanda à cette époque.

 

Vestine Mukanoheri

 

 

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