L’Union Européenne en compromission avec le régime de Paul Kagame?
Lundi le 18 novembre 2024, la nouvelle est tombée comme une douche froide sur les opposants au régime dictatorial de Paul Kagame du Rwanda exilés dans des Etats de l’Afrique australe.
En effet la dépêche de RFI précisait que: “L’Union Européenne finance à nouveau la mission rwandaise au Mozambique. La décision a été formellement approuvée ce lundi 18 novembre par les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. Vingt millions d’euros seront de nouveau alloués aux forces de sécurité rwandaises par l’Union européenne’’.
Le journal Democracy in Afrika (DIA ) parlait carrément de mauvaise politique derrière les nouveaux 20 millions d’euros de l’UE pour l’armée rwandaise.
La journaliste anglaise Michela Wrong, dans son tweet, a qualifié cette décision d’ahurissante, qu’elle mine la crédibilité de l’UE dans la région des Grands Lacs, alimente l’impression de double standards moraux en Occident et risque de pousser la RDC dans les bras de la Russie.
Les réserves de la Belgique n’ont rien pu empêcher.
Ainsi donc, l’Union Européenne confirmait son obstination à aller contre toute logique légale et diplomatique allant même jusqu’à transgresser les règles établies en la matière quand il s’agit de soutenir et d’imposer les vues du régime dictatorial instauré au Rwanda depuis 1994 et incarné par Paul Kagame. Dans ce cadre l’UE, va donc continuer à assurer le financement des opérations militaires résultant d’un accord de défense bilatéral entre deux états souverains. Du jamais vu!
Constat ahurissant et appréhensions légitimes
Nul n’est besoin de rappeler chaque fois la nature du régime de Paul Kagame, qui règne sur le Rwanda depuis trois décennies. Il s’agit non seulement d’une féodo-monarchie ethnique mais aussi d’une dictature implacable et obscurantiste qui ne tolère aucune voix discordante et donc qui réduit au silence, en tuant ou en emprisonnant tout habitant qui aspirerait ouvertement à la liberté ou à la démocratie.
Les violations des Droits de l’Homme de ce régime dépassent l’entendement. Ceci est régulièrement rapporté par des organisations de défense des Droits de l’Homme qui étaient aux premiers rangs pour soutenir le FPR de Paul Kagame dans sa guerre de conquête militaire du Rwanda de 1990-1994 tels que Amnesty International, HRW, RSF, etc.
L’armée de Paul Kagame au Rwanda est pléthorique et monoethnique : plus de 180.000 hommes encadrés par plus de 100 généraux d’active, sur un mouchoir de poche de 26.336 Km2 et d’une population d’environ 12 millions d’habitants.
Dans ces conditions, Paul Kagame doit non seulement trouver comment les occuper journellement mais surtout comment assurer leur approvisionnement et le paiement régulier de leurs soldes car sinon ils deviendraient une bombe à retardement. Il doit donc les commercialiser comme “mercenaires” et heureusement pour lui des instances comme l’ONU et l’UE sont là pour lui venir au secours.
Le financement par l’ONU ou l’UE des opérations de l’armée de Paul Kagame déployée dans les pays étrangers constitue une contribution à la corruption et une complicité dans le détournement de fonds publics.
De fait, les sommes versées ne servent pas seulement à financer ces opérations et à payer les militaires engagés sur le terrain mais aussi, le gros va dans les caisses privées de Paul Kagame et de sa famille. Le militaire au front reçoit uniquement sa maigre solde réglementaire selon le barème des traitements des agents de l’Etat au Rwanda.
A ceux qui osent réclamer, Kagame leur répond que : “L’Etat leur a acheté et doté des armes et qu’avec ces armes ils peuvent accéder à tout ce qu’ils souhaiteraient partout où ils seraient, et que donc l’Etat ne peut pas les payer doublement”. Un appel clair au pillage et au banditisme.
Le financement de l’UE des opérations extérieures de l’armée de Paul Kagame sert à perpétuer ses violations du droit international car les sommes versées par UE servent à l’acquisition des matériels et des équipements militaires pour agresser, occuper et piller la RD-Congo en y commettant des crimes de guerre et contre l’Humanité et de génocide depuis 1996. Ceci est documenté et dénoncé régulièrement dans plusieurs rapports de l’ONU et des organisations internationales.
En finançant Paul Kagame pour les opérations militaires des éléments de son armée envoyés dans les pays étrangers, l’Union Européenne crée intentionnellement une confusion qui fait l’amalgame entre les opérations de maintien de la paix sous le drapeau de l’ONU et les interventions dans le cadre des accords de défense bilatéraux.
Ainsi, personne ne sait, qui des soldats de Kagame déployés en République Centrafricaine est payé par l’ONU ou l’UE ou alors, est à la charge du gouvernement rwandais. Certains portent le “casque bleu” le jour et le “béret vert rwandais” la nuit! Il en est de même au Soudan du Sud et au Darfour, en Haïti et certainement ailleurs dans les prochaines années compte tenu du succès de cette supercherie.
Cas spécial du Mozambique
Les troupes de Paul Kagame ont été déployées au Mozambique officiellement dans le cadre d’un accord de défense bilatéral signe entre le Rwanda et ce pays. Mais en réalité, l’accord vise à assurer la protection du champ gazier en Océan Indien appartenant à Total Énergies, le géant énergétique de France. Paul Kagame a donc déployé ses troupes dans la région de Cabo Delgado au Nord du Mozambique non pas pour protéger la population locale contre des terroristes islamiques, mais pour permettre à Total Énergies de continuer à exploiter le gaz de l’Océan Indien.
Ces troupes de Paul Kagame déployées au Mozambique, en plus de veiller à l’exploitation du gaz par Total Énergies, ont aussi pour mission de faire la chasse aux opposants Hutu comme Tutsi exilés dans ce pays et dans la région et leur élimination physique.
Des commandos infiltrés dans cette armée ont déjà fait des dégâts parmi les opposant politiques rwandais exilés dans ce pays. Il y a lieu de citer : Cassien Ntamuhanga (journaliste), Révocat Karemangingo et son frère (hommes d’affaires), Théogène Turatsinze (banquier), etc.
Beaucoup plus récent et plus grave, après les élections du 09 octobre 2024 au Mozambique , les troupes de Paul Kagame participent à une forte répression des manifestants pacifiques dans les rues de la capitale Maputo par la police locale encadrée et appuyée par les éléments du contingent envoyé dans ce pays pour la lutte anti-terroriste et financées par l’Union Européenne en raison de 20 millions d’Euros par an.
Ainsi, la société civile locale signale la mort de plus de 60 manifestants tués par les éléments du contingents de de l’armée de Kagame déguisés et présentés comme étant de la police du Mozambique malgré les dénégations du gouvernement rwandais.
Un mauvais précédent et qui risque de “faire jurisprudence”
Désormais Paul Kagame devrait exiger à l’UE de financer aussi la présence militaire de ses troupes en République Centrafricaine selon l’accord bilatéral entre ces deux pays. Celles-ci assurent ont la mission officielle d’assurer la sécurité du président Faustin Touadera et de ses proches, mais officieusement elles gardent aussi les sites miniers (or, diamants, …) qui intéressent les multinationales occidentales, comme le gaz du Mozambique de Total Énergies.
Notez que la République centre africaine regorgent de militaires rwandais sous une double casquette car un autre contingent y a été déployée dans le cadre de la mission de l’Onu dans ce pays (MINUSCA) et commandée par une dame du sérail de Paul Kagame, Valentine Rugwabiza.
A ce rythme, le même Paul Kagame devrait exiger et obtenir de l’UE qu’elle finance aussi sa prochaine déstabilisation du Burundi voisin comme il le fait en RDC. En effet, Kagame ne se prive pas de prélever sur ces sommes lui versées par l’UE au Mozambique pour financer sa guerre en RDC.
Désormais, Paul Kagame a un argument-massue à faire taire l’UE chaque fois qu’il serait accusé de violations du droit de la guerre au cours des opérations que ses troupes mènent partout dans le monde. Il pourrait dire et avec raison, que ces actes sont admis et même soutenus par l’Union Européenne, car c’est elle qui les finance.
Un sursaut de dignité pour l’Union européenne?
Il est compréhensible que les modestes et non avertis ministres des Affaires étrangères de l’UE ne peuvent pas prétendre faire contre-poids à la superpuissance des lobbies pro-Kagame en UE notamment en France et en Allemagne, pays reconnus comme moteurs de l’UE ou en Italie avec le Vatican, devenu une chapelle privée de Paul Kagame où officie son ancien lieutenant devenu Cardinal, Antoine Kambanda.
Mais l’UE devrait saisir l’occasion du départ de Josep Borell, le vieux diplomate espagnol de 77 qui se trouvait à la tête de la diplomatie de l’UE et qui va céder sa place à l’estonienne Kaja Kallas pour se racheter.
Lors de son dernier discours devant les ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles le 18 novembre 2024, Josep Borell a en effet fait le constat de l’échec de l’UE en matière diplomatique et a prévenu ses successeurs sur le jugement de l’Histoire. Il a dit: “Ma plus grande frustration est de ne pas avoir été capable de faire comprendre qu’une violation du droit international est une violation du droit international, quel qu’en soit l’auteur. L’histoire nous jugera tous, n’est-ce pas ?”.
L’UE devrait faire son autocritique et éventuellement rectifier le tir en ce qui concerne l’attitude à adopter par rapport au régime du dictateur de Paul Kagame du Rwanda.
Espérons que l’inconnu et non au fait de l’histoire et de la situation de la région des Grands Lacs et du Rwanda en particulier, l’estonienne Kaja Kallas qui va remplacer Josep Borell comptera souvent sur l’expertise belge sur le cas du Rwanda de Paul Kagame, car la Belgique malgré sa diversité et ses turpitudes maîtrise le cas plus qu’une autre puissance pour avoir été colonisateur, mandataire, tutélaire du Congo Belge et du Rwanda-Urundi depuis 1885 jusqu’à leurs indépendances en 1960 et 1962.
L’Union Européenne, même déjà en perte de toute crédibilité en Afrique, et jugée décadente par les pays émergents, ne devrait donc pas en rajouter pour le jugement de l’Histoire, qui la jugerait d’avoir été complice et financier d’un régime les plus éloignés de ses idéaux ayant à sa tête un des pires criminels et dictateurs féroces du monde, au nom de Paul Kagame.
Emmanuel Neretse
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