RDC-Rwanda. Echec du processus de Luanda
Quand l’arrogance, le mépris et l’égo surdimensionné de Paul Kagame font face à la bonne foi du président Félix Tshisekedi.
Le sommet tripartite de Luanda très attendu et qui devait réunir les chefs d’Etat du Rwanda et de la RDC autour de Joao Lourenço d’Angola a été annulé à la dernière minute et par surprise dimanche 15 décembre 2024.
C’est en effet par un communiqué laconique et sans d’autre explication que cette annulation fut annoncée par le service de presse de la présidence angolaise en fin de matinée.
Pourtant le rendez-vous était attendu de longue date dans le cadre du processus qui visait à mettre un terme au conflit entre les forces armées congolaises et le mouvement du M23, soutenu par le Rwanda avec plus de 4000 militaires de son armée régulière et les FARDC, dans l’Est de la RDC.
Les attentes sur ce sommet raté étaient nombreuses d’autant qu’il avait été précédé par plusieurs réunions préparatoires par des échelons politiques par des ministres et techniques, par des chefs militaires des trois pays.
L’événement devait donc intervenir après la négociation d’un cessez-le-feu au mois d’août puis la mise en place, le mois de novembre, d’un mécanisme de suivi de la crise sécuritaire dans la région et l’adoption d’un document opérationnel pour en sortir.
Ainsi, sur la table, chaque partie avait soumis ses exigences et donné ses engagements à l’autre partie, la médiation étant chargée d’en faire la synthèse qui constituerait le document à soumettre à la signature des chefs d’Etat lors de ce sommet.
Dans ce cadre, le Rwanda avait exigé et obtenu de la RDC la “neutralisation et le démantèlement” des FDLR, la fin des discours de haine des autorités congolaises contre les Tutsi en général et congolais en particulier.
En contrepartie, le Rwanda s’était engagé à “lever son dispositif défensif” sans que l’on sache ce que cela signifie ni où ce dispositif était déployé : au Rwanda ou en RDC ?
Quant à la RDC, elle exigeait du Rwanda le retrait de son territoire de toutes ses troupes estimées à plus de 4 000 hommes par les experts de l’ONU, ce qui permettrait aux milliers de déplacés de retourner dans leurs biens dans les zones et territoires conquis et sous administration du M23.
Ce qui était alléchant et qui a fait que depuis l’annonce de ce sommet par le médiateur, sommet dans lequel les deux chefs d’Etat devaient signer un “accord de paix”, les attentes étaient nombreuses et la médiatisation aidant, souvent exagérément optimistes. Voici pourquoi depuis mi-novembre 2024, ce sommet était appelé par certains “sommet de la paix”.
Pourtant certains analystes et spécialistes de la région étaient sceptiques quant à l’instauration de la paix grâce à cet accord tant les on-dit, les incompréhensions, les pièges étaient nombreux sur le chemin de ce processus de Luanda. Et ils l’ont souvent exprimé. Ce qui fait que l’annonce surprise de l’annulation de ce sommet, tout en douchant les espoirs de certains, n’a pas surpris tout le monde.
Lire à ce sujet :
*Processus de Luanda : vers une impasse prévisible ?
*Rwanda-RDC: une guerre sans ennemi et un accord de paix sans la fin des combats!
Le Jour J, à savoir dimanche 15 décembre 2024, l’annonce de l’annulation de ce sommet a été faite sans autre explication. La présidence angolaise s’est limitée à déclarer aux médias présents: «Contrairement à ce à quoi nous nous attendions, le sommet n’aura plus lieu aujourd’hui », a déclaré aux journalistes le responsable médias de la présidence angolaise, Mario Jorge, vers 11hr00 locales.
Peu à peu, on apprendra que le président de la RDC Félix Tshisekedi était présent à Luanda mais que Paul Kagame fut attendu en vain: « On constate que la tripartite n’aura pas lieu puisqu’une partie n’est pas là », confie une source sur place.
Paul Kagame n’a, semble-t-il pas pris le chemin vers Luanda. Le président congolais arrivé lui plus tôt dimanche matin était alors au palais présidentiel en tête-à-tête avec le chef de l’État angolais.
Plus tard on apprendra que lors de la réunion des ministres qui devait précéder et finaliser le document à faire signer aux chefs d’états, la délégation du Rwanda avait trouvé un prétexte imparable et de dernière minute pour faire annuler ce sommet. Le Rwanda a en effet exigé et en faisant “une ligne rouge” et la condition sine qua none pour signer quoique ce soit, qu’un nouveau paragraphe soit ajouté au document et sans débats, et disant clairement que la RDC s’engageait à entamer les négociations politiques directes avec le M23.
Ce coup du régime Kagame n’est pas un incident de parcours mais une stratégie longuement bien étudiée. Il s’explique par le fait que Paul Kagame souhaite poursuivre et achever sa conquête de l’Est de la RDC et pour cela il devait en trouver un prétexte et en créer des conditions favorables.
Il va d’ores et déjà accuser la RDC d’avoir fait capoter le processus de Luanda et donc de vouloir la guerre. Et comme toujours, son accusation à miroir risque d’être entendue beaucoup plus que la réalité des faits et la bonne foi de la RDC.
Ainsi, Paul Kagame voudrait que lui et son M23 continuent leur offensive pour, dans l’immédiat, conquérir les villes de Goma et de Butembo et la totalité du territoire de Walikalé, au moins.
Son but ultime est d’être en position de force et incontournable, afin d’imposer ses exigences à la RDC quand elle sera acculée pour les accepter sans autre alternative.
Ces conditions se résumeraient à imposer le M23 comme autorité administrative du Nord Kivu dans un premier temps, intégrer ses officiers dans les FARDC et aux grades et fonctions de leur choix et les cadres politiques au Gouvernement et autres instances.
Et sur le plan juridique et diplomatique, en se mettant en position de force militaire, Paul Kagame sera davantage craint et évitera ainsi toute condamnation possible venant des ONG ou des puissances étrangères qui agissent toujours par Realpolitik que par logique.
Dans une telle situation, la RDC comme tout autre pays, n’a pas beaucoup de choix. Avec une portion du territoire national conquise et occupée par l’ennemi, avec les plus grands gisements de coltan du pays et donc du monde, exploités illégalement par un pays voisin, avec plus d’un million de citoyens chassés de leurs biens par l’ennemi et vivant dans des camps de fortune dans des conditions suprahumaines, face à un ennemi qui fait capoter tout processus de paix (hier Nairobi, aujourd’hui Luanda, demain ?) et imposant la guerre, il ne reste que d’accepter cette guerre imposée et de la faire.
Mais un pays comme la RDC doit au préalable s’assurer de quelques conditions minimales s’ajoutant et précédent celles de faire la guerre sur le terrain.
Sur le plan politique, un minimum d’unité et de même perception de l’intérêt supérieur de la nation devraient primer avant tout calcul politicien pour les postes éventuellement visés. La défense d’une nation menacée dans son existence même par un ennemi externe, passe avant toute autre considération. Il en va de même de la société civile et autres institutions religieuses.
Les faux calculs de certains politiciens hutu rwandais de 1990-1994, qui croyant lutter seulement pour renverser et remplacer le président Habyarimana, se sont alliés au même FPR de Paul Kagame et qui aujourd’hui se morfondent en exil ou dans ses geôles, devraient leur servir de leçon.
La diplomatie, comme l’économie, devraient être désormais “de guerre” et en user en conséquence.
Bref, tout devrait être fait pour que Paul Kagame ne soit pas encore en position de force militairement lui permettant d’imposer ses volontés à la RDC notamment l’imposition de son M23 et la “neutralisation” (massacre) des populations non tutsi de l’Est de la RDC, à l’occasion et dans le cadre des autres initiatives de paix qui seront obligatoirement prises ou imposées aux deux parties.
Emmanuel Neretse
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