Kagame face au corps diplomatique : un cocktail de cynisme et de déni qui révèle un isolement sans précédent!
Dans un discours où le cynisme se dispute à l’arrogance, Paul Kagame a livré une démonstration inquiétante de son mépris pour les critiques internationales et de son déni des crimes de son régime, tant au Rwanda qu’en RDC.
Plus grave encore, il est allé jusqu’à traiter le président de la RDC, Félix Antoine Tshisekedi, d’« idiot » et d’« enfant qu’il fallait baby-sitter ». Présentant son régime comme une victime de l’injustice mondiale, Kagame a alterné entre attaques acerbes contre l’ONU, justifications fallacieuses de son implication en RDC, et autoglorification de son leadership.
Analyse d’une allocution révélatrice de la fragilité du généralissime dictateur.
Un mépris affiché pour l’ONU et la communauté internationale
Kagame a ouvertement raillé l’ONU et ses missions en RDC, déclarant que la présence des Casques bleus depuis 30 ans prouve leur échec total. Selon lui, cet échec justifie le fardeau « injuste » que le Rwanda porterait pour les problèmes de la région. Pourtant, cette rhétorique masque une réalité bien différente : le rôle central de son régime dans la déstabilisation de l’Est congolais, où les preuves de soutien au M23 et d’exploitation des ressources sont accablantes. Kagame retourne les accusations, mais son discours révèle une stratégie claire : rejeter toute responsabilité pour détourner l’attention de ses propres crimes.
Des « valeurs » au service du déni de responsabilité
Kagame a critiqué la notion de « valeurs » défendues par la communauté internationale, insinuant que celles-ci sont appliquées de manière sélective et biaisée. Cependant, il omet sciemment les valeurs qu’il piétine lui-même : respect des droits humains, souveraineté des États voisins, et justice pour les victimes des conflits qu’il alimente. Son discours n’est qu’un exercice de propagande visant à justifier l’impunité de son régime et à discréditer ceux qui osent le critiquer.
Ironiquement, Kagame a accusé le président Tshisekedi de ne jamais avoir été élu démocratiquement, oubliant qu’il est au pouvoir depuis 30 ans et prévoit d’y rester jusqu’en 2034 au moins. Régulièrement « réélu » avec près de 100 % des voix, Kagame semble faire l’unanimité plus que Jésus-Christ lui-même. Au Rwanda de Kagame, les opposants sont en exil, emprisonnés ou morts, et lire certains livres comme Comment faire tomber un dictateur… peut suffire à vous envoyer en prison pour très longtemps.
La justification fallacieuse de l’ingérence en RDC et Instrumentalisation des tutsis congolais
Dans un passage clé, Kagame a nié toute implication du Rwanda dans l’Est de la RDC, tout en insistant sur la menace posée par les FDLR. Il affirme que la présence rwandaise en RDC est une mesure défensive face à des « menaces historiques ». Cette justification, déjà maintes fois réfutée, ne tient pas face aux rapports de l’ONU qui documentent le soutien logistique et militaire rwandais au M23, ainsi que les flux financiers dont bénéficient les dirigeants rwandais. Ce double discours est révélateur : Kagame tente de légitimer une occupation déguisée et un pillage systématique des ressources congolaises.
Kagame s’est également dit préoccupé par la situation des Tutsi congolais. Pourtant, s’il est si préoccupé par leur sort, pourquoi alimente-t-il un conflit qui les oblige à fuir ? Cette hypocrisie ne peut plus être ignorée. De plus, comment peut-il, d’une part, justifier sa guerre en RDC par le besoin de défendre les populations tutsi congolaises avec lesquelles la RDC refuse de négocier, et, d’autre part, refuser de négocier avec les réfugiés hutus en RDC qu’il accuse collectivement de génocidaires, alors que la majorité d’entre eux sont nés après le génocide rwandais de 1994 ?
Enfin, le problème des FDLR, que Kagame évoque comme prétexte, n’a jamais pu être résolu militairement malgré la demi-douzaine d’interventions de l’armée rwandaise en RDC. Pourquoi continue-t-il d’utiliser cet argument, si ce n’est pour justifier son ingérence et son appétit insatiable pour les ressources congolaises ?
Une attaque virulente contre les critiques internationales pour masquer un isolement diplomatique
Kagame a réservé ses flèches les plus acérées à la communauté internationale, notamment aux groupes d’experts de l’ONU, qu’il qualifie de « marionnettes manipulées ». Il a également ciblé les dirigeants africains et occidentaux, qu’il a qualifiés de « leaders idiots », reflétant un mépris profond pour toute tentative de médiation ou de pression sur son régime. Il a été jusqu’à menacer les représentants de la communauté internationale en disant que les rwandais se battraient jusqu’au dernier s’il le faut, … Ce ton belliqueux souligne une posture défensive, symptôme d’un isolement croissant sur la scène internationale.
Kagame s’est efforcé de montrer que le Rwanda reste un acteur incontournable, évoquant ses interventions en Centrafrique et au Mozambique. Mais derrière cette façade, le vent tourne : les États-Unis l’ont discrètement lâché depuis un moment. Les Britanniques, empêtrés dans leur accord migratoire avorté avec le Rwanda, évitaient de le critiquer, mais leur ton devient plus ferme maintenant que cet accord est enterré. Les Français ? Ils restent l’un des rares soutiens, mais leur crise de gouvernance les rend inaudibles sur la scène internationale. Kagame perd peu à peu ses alliés, ce qui annonce une mise à l’écart progressive sur la scène internationale, un basculement qui, tôt ou tard, deviendra inévitable.
Un dernier soutien clé : le Qatar
Propriétaire d’Al Jazeera, le Qatar investit massivement au Rwanda, notamment avec le rachat de Rwandair et l’aéroport de Bugesera, qu’il compte transformer en hub africain de Qatar Airways.
Mais ce soutien ne masque pas l’affaiblissement global de Kagame, surtout face à une communauté internationale de plus en plus critique. Et qui sait ? Peut-être que, lors de sa visite il y a quelques jours, le président Tshisekedi a su trouver les mots et les arguments économiques pour convaincre les Qataris de revoir leur alliance avec le Rwanda.
Un indicateur qui ne trompe pas : la publication des rapports de l’ONU.
Il fut un temps où les nombreux rapports documentant les crimes de Kagame et du FPR étaient systématiquement étouffés et mis au placard. En effet, des documents accablants comme le Mapping Report, le rapport Gersony-Lyons, le Rapport Hourigan et les enquêtes de la Special Investigation Unit du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) n’ont jamais été publiés officiellement, et l’ONU allait même jusqu’à réfuter leur simple existence.
De même, lorsque la procureure Carla Del Ponte, alors en charge du TPIR, a déclaré, suite entre autres au Rapport Hourigan, que s’il s’avérait que c’était bien le FPR de Kagame avait abattu l’avion du président Habyarimana, toute l’histoire du génocide rwandais et le narratif de la prise de pouvoir du FPR devraient être revus. Quelques temps après, elle a été sèchement remerciée par le Conseil de sécurité de l’ONU (sous l’impulsion de l’administration américaine de l’époque) et remplacée par des procureurs africains, qui ont vite compris que leur mission était simplement de condamner l’ancienne élite hutu sans poser de questions sur les crimes du FPR (bien que cela faisait partie du mandat du TPIR).
C’est donc un point d’inflexion non négligeable qu’aujourd’hui plusieurs rapports de l’ONU documentent officiellement les crimes de Kagame et du FPR et soient publiés malgré les vaines tentatives de blocage de Kigali.
La publication de ces rapports, qui s’enchaînent depuis quelques années, est certainement le prélude à un lâchage qui risque de faire mal et d’affaiblir le pouvoir de Kagame et du FPR. Le monde entier va enfin « découvrir » la face sombre du FPR et l’étendue de ses crimes avant, pendant et après 1994 au Rwanda, mais aussi, et surtout, ceux commis en RDC depuis 30 ans jusqu’à ce jour !
Jean-Luc Habyarimana
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