Entre Macron et Kagame, qui a peur de qui et pourquoi ?
A l’est de la RDC, la guerre dure depuis un certain temps. Beaucoup essaient de l’expliquer de différentes manières, lui attribuant parfois, ou devrais-je dire souvent, des interprétations divergentes, surtout parmi ceux qui y sont impliqués. Cependant, ce sur quoi tout le monde semble s’accorder aujourd’hui, c’est que toutes les actions sont principalement menées par le Rwanda.
Certains affirment que le Rwanda poursuit les ressources naturelles du Congo, tandis que Kigali déclare qu’il s’agit ‘‘d’empêcher les actions du groupe armé FDLR, composé d’anciens génocidaires de 1994 qui souhaitent revenir achever leur œuvre’’. De son côté, la RDC considère cela comme un simple prétexte, affirmant que le Rwanda a eu suffisamment de temps pour éradiquer ce groupe, et a même bénéficié d’un espace pour le faire dans le passé. Selon Kinshasa, la véritable raison de l’implication rwandaise est l’exploitation des minerais congolais.
Pendant ce temps, des millions d’innocents ont perdu la vie, et la communauté internationale observe, impuissante ou complice. C’est justement sur ce point que je veux insister, car ces derniers jours, certains pays, surtout en Europe, ont commencé à réclamer des sanctions contre le Rwanda pour violation des principes internationaux relatifs à l’intégrité territoriale des États. Pourtant, cela fait des années que ces faits sont documentés dans des rapports de l’ONU, sans qu’aucune action n’ait été entreprise. Pourquoi maintenant ? C’est une question surprenante, notamment au regard des récents accords conclus par l’Union européenne pour le commerce des minerais. L’Union européenne savait pertinemment que ces ressources ne provenaient pas du Rwanda. Il est donc difficile de croire qu’une soudaine illumination divine leur ait récemment fait réaliser leur erreur.
Du côté du président Kagame, l’interprétation est toute autre : il accuse désormais ces pays de commettre des crimes encore plus graves que les siens en RDC. Plus encore, il semble considérer cette situation comme une question de vie ou de mort. On pourrait se demander : qui Kagame redoute-t-il au point de prendre des décisions qui frôlent le suicide politique ?
Ceux qui connaissent l’histoire des relations entre les dirigeants autoritaires africains et les puissances occidentales savent que ces alliances finissent souvent mal, le dictateur finissant renversé, parfois de façon humiliante. On peut reprocher bien des choses à Kagame, mais lorsqu’il s’agit de sa survie, il ne recule devant rien.
L’un des hommes pointés du doigt ces derniers temps pour le protéger des sanctions est le président français Emmanuel Macron. Mais en analysant la situation, on pourrait conclure que Kagame craint Macron plus que quiconque. Leur coopération obscure fait que le président rwandais sait pertinemment que Macron ferait tout pour effacer les traces de leurs accords secrets, surtout à l’approche de son départ du pouvoir, et en voyant ce qui arrive à son prédécesseur Sarkozy dans l’affaire de financements libyens.
L’« idylle » entre Macron et Kagame remonte à l’arrivée de Macron à l’Élysée. À l’époque, les relations entre la France et le Rwanda étaient au plus mal. Macron a alors tout mis en œuvre pour enterrer les enquêtes sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, qui impliquaient Kagame et ses proches. Il a ensuite soutenu, contre toute attente, la nomination de Louise Mushikiwabo à la tête de l’OIF. Et comme si cela ne suffisait pas, Il a mis sur place une commission dirigée par le professeur Vincent Duclert pour enquêter sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi. Une commission qui a fini par impliquer la France dans cette histoire sombre du Rwanda. Et cerise sur le gâteau, Monsieur Macron a confié au Rwanda la sécurité des installations de Total Energies au Mozambique. Ce contrat a permis au Rwanda de bénéficier d’importants financements de l’Union européenne. Mais aujourd’hui, ces fonds risquent d’être suspendus, mettant en péril une source de revenus cruciale pour Kagame dans sa guerre en RDC. Il ne fait aucun doute que Macron a tiré profit de ces arrangements. Mais maintenant que les actes de Kagame deviennent de plus en plus visibles, Macron pourrait bien être tenté d’éliminer un allié devenu trop encombrant, notamment pour se protéger d’éventuelles poursuites judiciaires. Est-ce cela que Kagame qualifie de question de vie ou de mort ?
Ou bien, Macron est-il lui-même sous pression pour éviter que Kagame ne soit sanctionné par l’Union européenne, de peur que certains secrets compromettants ne refassent surface?
Quoi qu’il en soit, la RDC doit comprendre qu’elle ne sera pas sauvée par de beaux discours adressés aux puissances étrangères, car ces dernières ont aussi leur part de responsabilité dans ce qui se passe au Congo. Kinshasa devrait plutôt se rapprocher des pays africains qui, ces dernières années, ont refusé la domination des puissances occidentales et de leurs alliés. Sans cela, il ne serait pas surprenant que, dans un avenir proche, les deux Kivu se détachent de la RDC pour devenir des territoires indépendants. Un tel scénario offrirait à Kagame une porte de sortie à la crise actuelle, puisqu’il pourrait alors prétendre que cette séparation résulte de la volonté des populations locales. Et face aux armes, il serait difficile pour quiconque se trouvant dans cette zone de résister à ce plan imposé.
Axel Kalinijabo
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