Percée diplomatique de la RDC versus succès militaires du M23/RDF

Ce mois de mars 2025 a été riche en événements. Il y a eu la conquête de Bukavu, chef-lieu de la province Sud-Kivu et cela après celle de Goma au Nord Kivu par les troupes de l’armée de Paul Kagame mettant au devant de la scène médiatique ses pantins du M23/AFC.

 

Après un survol de ces événements, le constat est que, les succès politico-diplomatiques engrangés n’ont de poids que celui que leur donne le rapport des forces sur le terrain militaire.

 

Événements

 

Le mois de mars a vu l’annonce surprise de l’acceptation par la RDC de négocier directement avec le M23, chose qu’elle avait juré de ne jamais faire et en avait même fait une ligne rouge qu’elle ne franchirait  jamais.

 

Dans la foulée, une rencontre entre les délégations de la RDC et du M23/AFC à Luanda fut programmée par la médiation angolaise. Mais tout aussi surprenant qu’avait été son annonce, elle fut annulée  car le même M23 refusa de rencontrer les officiels de la RDC.

 

Il s’en est suivi l’annonce des sanctions ciblées contre le M23 et certaines personnalités du Rwanda prises par l’Union Européenne et à l’unanimité des 27 états membres car le pion de Kagame dans cette Europe, à savoir le Luxembourg, n’a pas, cette fois-ci, mis son véto.

 

Aussitôt après, il eut l’annonce par Kagame de la rupture par Kigali des relations diplomatiques entre le Rwanda et la Belgique, son bouc émissaire accessible en UE à qui il a mis sur le dos l’initiative de ces sanctions pourtant très légères et plutôt symboliques.

 

C’est dans ces circonstances que le président angolais João Lourenço, qui était médiateur dans ce  conflit, a jeté l’éponge. Il avait déjà annoncé qu’il souhaitait se concentrer à son mandat comme président de l’UA auquel il venait d’être élu en février, mais le coup de Paul Kagame  qui, pourtant, exigeait à la RDC de négocier directement avec ses pantins du M23 a changé son fusil d’épaule en les empêchant d’aller à Luanda. Ce  fut, pour lui, un coup de trop.

 

Une autre surprise fut l’annonce de la rencontre de Paul Kagame avec Félix Tshisekedi à Doha au Qatar le 18 mars, prenant à contre-pied sa médiation alors que Kinshasa et les rebelles du M23 étaient censés se rencontrer le même 18 mars à Luanda en Angola.

 

Ce rendez-vous a capoté en dernière minute. Visiblement l’Émirat arabe du Proche Orient, le Qatar, venait de  remplacer tous les autres Chefs d’états africains en exercice comme seul médiateur dans ce conflit.

 

Tout aussi surprenant fut l’annonce de la désignation par l’EAC et la SADC de 5 nouveaux médiateurs dans ce conflit au lieu des 3 désignés auparavant. Trois nouvelles personnalités dont deux femmes, mais toutes anciennes chefs d’états dans leurs pays. Elles se sont ajoutées aux anciens présidents du Kenya, Uhuru Kenyatta et du Nigeria, Olusegun Obassanjo.

 

La dernière décision annoncée par le M23/AFC concernant le chef-lieu du territoire qu’il venait de conquérir devrait donner lieu à réflexion. En effet, le 22 mars 2025, ce groupe armé a déclaré évacuer le centre de la cité de Walikale qu’il venait de conquérir moins de 48 heures auparavant.

 

Mais les connaisseurs ont compris que c’était une occasion que se donnait  ce groupe armé pour fêter le 23 mars, date dont il tire l’appellation M23 mais personne ne savait où ni quand il allait ouvrir un nouveau front après cette fête de son anniversaire. Effectivement, c’était un bluff, car, plus de 5 jours plus tard, les combattants de ce groupe, encadrés par les troupes de Paul Kagame, étaient toujours présentes et encore plus en force, dans Walikale-centre.

 

Il y eut aussi, au cours de la dernière semaine de ce mois de mars 2025, le refus d’entrée et le refoulement des experts de l’ONU par le M23/AFC qui dans les zones qu’il contrôle.

 

Ces experts étaient pourtant mandatés pour enquêter à l’Est de la RDC sur les crimes de guerre et contre l’Humanité qui  auraient été récemment commis en RDC. Ils ont été retenus à Kigali en demandant l’entrée au Nord Kivu par Goma avant d’être refoulés.

 

Et cerise sur le gâteau, Thomas Lubanga, un ancien condamné  par la CPI de la Haye pour crime de guerre et contre l’Humanité en Ituri qui, après avoir purgé sa peine de 14 ans, fut accueilli en Ouganda où il se trouve sous protection directe du fils du président Museveni, le tout-puissant général chef des armées, Muhoozi Kaenerugaba. Thomas Lubanga vient de déclarer la naissance d’un nouveau groupe armé qui aura comme base arrière l’Ouganda et comme objectif d’occuper l’Ituri avec des visées déclarées de  conquérir le pouvoir en RDC, exactement comme le M23/AFC.

 

Il faut souligner aussi que la guerre à l’Est de la RDC se mêle même dans les événements culturels et caritatifs en Occident : cas du concert « SOLIDARITE CONGO » à Paris qui était prévu pour le 07 avril prochain et qui devrait  être reporté ou interdit comme l’exigent à la Mairie de Paris les lobbies pro-Kagame de France.

 

Ainsi, par la volonté du FPR de Paul Kagame, aucun événement culturel, même caritatif, ne doit se dérouler nulle part au monde en mémoire des victimes des conflits et autres catastrophes entre le 07 avril et le 04 juillet 1994.

 

Enfin le 26 et 27 mars 2925, lors de l’évaluation, par le Conseil de Sécurité de l’ONU de l’état d’application de sa résolution 2773 sur le conflit à l’Est de la RDC, le représentant de Kagame, Olivier Nduhungirehe, s’est attaqué violemment à la représentante du Sécrétine général de l’ONU en RDC et Chef de la MINUSCO Madame Bintou Keita en l’insultant et en l’accusant de tous les maux:

 

C’est après cette réunion du Conseil de Sécurité que le même Nduhungirehe, dans un excès de zèle, lors d’une conférence de presse, s’est ridiculisé et fut la risée des médias dans ce que beaucoup appellent “les turpitudes d’Olivier Nduhungirehe” avec comme toute réponse à la question précise et insistante des journalistes sur les effectifs des troupes rwandaises  opérant en RDC, la répétition de la formule lancée par son maître Kagame quelques semaines auparavent:“I don’t know”!

 

Constat général

 

Nul ne peut douter que la RDC a déployé des efforts énormes pour faire entendre sa détresse dans les instances internationales durant ce mois et après la conquête militaire et l’annexion de presque toute l’étendue de ses deux provinces de l’Est, le Nord et le Sud Kivu.

 

Mais certains observateurs ne croient pas que ces efforts diplomatiques, certes bien accueillis et entendus par les instances internationales et plusieurs états, peuvent à eux-seuls être de nature à soulager les populations de l’Est de la RDC ni à restaurer l’intégrité du territoire et encore moins à mettre fin à cette guerre d’agression qui lui est imposée depuis un quart de siècle.

 

On vient de le voir, les initiatives politico-diplomatiques pour résoudre ce conflit ont été nombreuses en ce mois de mars. Ayant toutes ce noble devoir, il apparaît plutôt qu’elles créent la cacophonie et la confusion, rendant difficile la lecture et la compréhension de ces initiatives.

 

Et pour cause, c’est une situation inédite de cette guerre que Paul Kagame du Rwanda impose à la RDC car toute initiative pour résoudre politiquement et diplomatiquement ce conflit, se retrouve embarrassée par cette situation.

 

En effet, dans ce cas précis, il apparaît un trop grand déséquilibre dans le rapport des forces des deux belligérants. Mais il est universellement établi que dans une guerre quand le Droit et le bon sens sont du côté du plus faible des belligérants, il est quasiment exclu aux acteurs extérieurs de prendre en compte les arguments de ce perdant pour prendre des décisions et encore moins les mettre en pratique.

 

Dans le cas de la guerre entre la RDC et le Rwanda de Paul Kagame qui, pour le moment, se déroule encore seulement à l’Est, les acteurs extérieurs (ONU, organisations régionales, internationales, les Etats souverains., etc.) se retrouvent plutôt dans l’embarras quelque soit leur bonne volonté et leur bonne foi.

 

En effet, la RDC ne montre pas un minimum de capacité ni de volonté militaires : résister ou contre-attaquer au lieu de se replier aux premiers coups de feu de l’ennemi, afin de faire sortir de cet embarras ceux qui s’activent pour mettre fin à ce conflit. La balle est donc dans le cas de la RDC qui semble incapable de faire en sorte que Paul Kagame et son M23 ne restent pas maitres sur le terrain militaire en monopolisant toute initiative de choisir quand et où ils lancent leurs offensives de conquête.

 

Dernière illustration de cet embarras: même le Conseil de Sécurité de l’ONU, réuni les 27 et 28 mars 2025 pour évaluer l’impact de sa Résolution 2773 prise un mois auparavant, n’a fait que constater qu’elle est ignorée et même ridiculisée par Paul Kagame et ses troupes d’invasion du M23.

 

Ainsi, toutes les recommandations du Conseil de Sécurité ont été foulées au pieds: le cessez-le-feu a été aussitôt violé par les troupes de Kagame. Bien plus, ce fut comme le signal pour réaliser de nouvelles conquêtes non seulement à l’Est de la RDC mais cette fois-ci vers l’Ouest, dont la prise de la ville de Walikale.

 

Logique et principes

 

Il faut que les populations de l’Est de la RDC puissent faire entendre leurs voix et cris de souffrance du drame auquel elles sont soumises. Et parallèlement, que les arguments juridiques et diplomatiques du gouvernement de Kinshasa puissent peser d’un certain poids dans les négociation envisagées et incontournables à cet effet.

 

Mais, hélas !, sans aucun poids militaire et en position de perdant de guerre, aucun argument juridique et encore moins politico-diplomatique ne peut peser dans ce genre de négociations.

 

Donc, tout dépend et reste suspendu sur un aspect: que les FARDC, dans un sursaut de dignité, d’honneur et d’humanité pour défendre le peuple dont elles sont issues, parviennent à prendre des initiatives sur le champ de bataille au lieu de subir chaque fois les volontés de l’ennemi.

 

En effet c’est l’ennemi, Paul Kagame, ses troupes et ses pantins M23/AFC qui décident où et quand attaquer, au moment où les FARDC sont réduites à uniquement subir les volontés de l’ennemi. Ou alors qu’elle parviennent à stabiliser le front où et quand elles veulent, en attendant ces négociations. Or, il nous semble que ce n’est pas acquis!

 

Bref, comme l’avait bien dit Otto von Bismarck, chancelier de l’empire allemand à la fin du  19è siècle : “la diplomatie sans les armes, c’est la musique sans instruments!”

Aux politiciens et stratèges militaires congolais de le méditer, si ce n’est déjà trop tard comme ce fut le cas des tenants du régime républicain et démocratique de la IIè République Rwandaise qui s’en sont rendus compte mais beaucoup trop tard.

 

Ce cas du Rwanda agressé par les éléments tutsi de l’armée ougandaise commandés par Paul Kagame dans leur guerre de conquête de 1990-1994, devrait servir de leçon aux congolais qui, actuellement, 35 ans après le Rwanda démocratique, sont confrontés aux mêmes conquérants et sous le commandement du même chef de guerre Paul Kagame.

 

Emmanuel Neretse

 

 

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