RDC-Rwanda : l’heure des sanctions contre le régime Kagame a sonné

Introduction

 

Après avoir fait la nique au président Trump et à la communauté internationale en reprenant l’offensive pour s’emparer de la ville d’Uvira et d’autres localités du Sud-Kivu le lendemain de la signature de l’accord de Washington le 4 décembre 2025, beaucoup se demandaient quelles sanctions infliger au régime de Paul Kagame au Rwanda.

 

La présente analyse tente de montrer comment mettre fin à l’impunité dont jouit le régime de Paul Kagame dans la déstabilisation de la région.

 

Contexte et bref rappel historique

 

La région des Grands Lacs d’Afrique est déstabilisée depuis trois décennies par le dictateur Paul Kagame, et ce, en toute impunité.

 

Début décembre 2025, l’actualité a été dominée par le pied de nez et l’humiliation que le Rwanda de Paul Kagame a infligés au président Donald Trump des États-Unis d’Amérique. Ce dernier avait été garant d’un « accord de paix » entre le Rwanda et la RDC, signé par Paul Kagame et Félix Tshisekedi, respectivement président du Rwanda et de la RDC, à Washington le 4 décembre. Le lendemain, le Rwanda a lancé une vaste offensive meurtrière et a conquis de larges zones du Sud-Kivu, dont la ville d’Uvira, occupée par les troupes rwandaises du M23 depuis le 10 décembre 2025.

 

Cette récente évolution n’est toutefois qu’un épisode de la guerre d’agression que le Rwanda mène en RDC depuis 1996.

En effet, on se souvient que l’assassinat du président Habyarimana en avril 1994 avait déclenché des massacres d’une ampleur jamais égalée dans l’histoire du Rwanda. En juillet 1994, le FPR prit le pouvoir et poussa plus de deux millions de personnes, principalement d’ethnie hutu, à se réfugier massivement au Zaïre.

 

En novembre 1996, le FPR et ses alliés ougandais, sous prétexte de neutraliser les génocidaires réfugiés au Zaïre, envahirent le pays, en soutenant une rébellion zaïroise dirigée par Laurent-Désiré Kabila.

 

Cette campagne militaire renversa Mobutu en mai 1997, et transforma le Zaïre en République démocratique du Congo (RDC). L’influence rwandaise se matérialisa notamment par la présence de James Kabarebe, officier rwandais, comme Chef d’État-major de l’armée congolaise.

 

Dès 1998, les relations entre Laurent Désiré Kabila et ses anciens alliés rwandais et ougandais se détériorèrent, déclenchant la Deuxième Guerre du Congo, parfois appelée « Grande guerre africaine ». Malgré les accords de paix de 2003, l’Est de la RDC ne connut jamais la stabilité. Les groupes armés proliférèrent, alimentés par : les tensions foncières locales, les rivalités ethniques, l’implication persistante du Rwanda et de l’Ouganda, l’économie des ressources naturelles (coltan, or, cassitérite, etc.).

 

Parmi les groupes armés les plus influents apparaît le M23, né en 2012 d’une mutinerie d’anciens membres du CNDP. Ce mouvement a été relancé dans les années 2020-2025, et est accusé par plusieurs rapports onusiens et chercheurs d’être soutenu militairement par le Rwanda, malgré les dénégations de Kigali.

 

Les accords de Washington, du 4 décembre 2025, ont été présentés comme un tournant historique pour l’Est de la RDC et la région des Grands Lacs. Mais sur le terrain, la situation reste explosive : le M23 poursuit ses offensives, les civils continuent de mourir et de fuir, et la stabilité semble encore loin.

 

Paradoxe : on a toujours noté le manque de réaction de la part de la Communauté Internationale face au macabre bilan des 3 décennies. Plusieurs rapports d’experts et des organisations de défense des droits de l’homme n’ont cessé de présenter des rapports détaillés et précis dénonçant les crimes de guerre et contre l’humanité que le régime de Paul Kagame du Rwanda a continué de commettre en RDC. Mais tous ces rapports n’ont eu aucune suite, ni de la part de l’ONU, ni des Puissances Occidentales, soutiens traditionnels de la dictature de Paul Kagame du Rwanda.

 

Le plus parlant de ces rapports est celui connu sous l’appellation de « Mapping Report ».

Publié en 2010, le Rapport Mapping du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme fut l’une des enquêtes les plus vastes jamais réalisées sur les crimes commis en Afrique centrale. Couvrant la période de 1993 à 2003, il documente 617 incidents de violations graves des droits humains : massacres, violences sexuelles, exécutions sommaires, tortures, déplacements forcés et attaques systématiques contre des civils. Pourtant, malgré sa gravité, le rapport a été discrètement enterré.

 

Récents actes du Rwanda et constat de la Communauté Internationale

 

Depuis 2022, et notamment en 2024-2025, le M23 a lancé une offensive majeure contre les forces gouvernementales congolaises dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Il s’est emparé de grandes villes, comme Goma et Bukavu, aggravant une crise déjà gravissime : selon les Nations Unies, des milliers de civils ont été tués lors de ces combats, des dizaines de milliers déplacés, et plus de 7 millions de personnes contraintes de fuir leurs foyers en 2025. Réactions timides et purement théoriques, comme la Résolution 2773 du Conseil de Sécurité !

 

Et c’est dans ce climat que le régime du Rwanda de Paul Kagame lance à la Communauté Internationale un défi énorme.

 

Ce défi est son offensive de début décembre 2025, lancée au Sud-Kivu et à la frontière du Burundi. La prise de la ville d’Uvira, dans le Sud-Kivu, frontalière du Burundi, entraîne des risques sérieux et imminents d’escalade régionale et menace directement la sécurité des pays frontaliers. En particulier le Burundi, qui se retrouve ainsi coupé de la RDC, car seule frontière terrestre avec ce pays est désormais occupée par les troupes rwandaises du M23, qui menacent directement sa capitale économique, Bujumbura, située à une dizaine de kilomètres de cette frontière. Et comme on pouvait s’y attendre, le Rwanda justifie la violation de ses engagements par de faux prétextes, comme : la neutralisation des FDLR ou la présence des troupes du Burundi en RDC.

 

Prétextes fallacieux, longtemps et toujours avancés par le régime de Paul Kagame

 

L’auto-victimisation : la menace que constitueraient les FDLR, comme clef de voûte de la diplomatie rwandaise. Le Rwanda serait engagé dans une bataille existentielle contre les FDLR, un groupe présenté par la narrative rwandaise depuis 30 ans comme le prolongement intact des auteurs du génocide de 1994, l’existence d’une menace génocidaire permanente qui justifierait tout, y compris les incursions en RDC. Ce récit s’effondre pourtant à l’examen. Les FDLR ne représentent pas une menace stratégique pour le Rwanda.

 

Le récit salvateur : la prévention du « génocide des Tutsi du Congo ». Kigali et ses relais ont construit, patiemment, une nouvelle narrative : les Tutsi congolais, les Banyamulenge et les communautés rwandophones seraient au bord d’un génocide en RDC. Si les Tutsi du Congo sont « au bord du génocide », alors toute action militaire devient une opération humanitaire.

 

Demandes précises et concrètes

 

Pour la crédibilité et la cohérence de la Communauté Internationale, des mesures concrètes et contraignantes devraient rapidement être prises contre le Rwanda de Paul Kagame.

 

Avant tout et en priorité, pour montrer que l’Accord signé à Washington le 04 Décembre 2025 serait toujours en vigueur ou constituerait le socle de cette paix signée mais introuvable, les troupes rwandaises sous l’AFC/M23 doivent immédiatement évacuer les cités et zones conquises après le 04 Décembre 2025, afin de geler la ligne de front où il se trouvait à la signature de cet Accord. Un ultimatum de maximum 48 heures devrait être donné au Rwanda, et donc à ses supplétifs de l’AFC/M23. Une exigence non négociable.

 

Ce qui semble partiellement acquis, après le communiqué de AFC/M23 daté du 15 Décembre 2025, et disant que ce mouvement armé va retirer ses troupes de la ville d’Uvira, lien de ce communiqué.

 

Même si, comme toujours, les forces de Paul Kagame en RDC, que sont le AFC/M23, traînent les pieds, et même font diversion pour calmer et berner le président Trump, selon certains observateurs. En effet, plusieurs zones d’ombre demeurent sur les modalités d’application de sa décision.

 

La première concerne le calendrier précis de ce retrait : le groupe rebelle n’en donne aucun. Force est de constater que, sur le terrain, ses hommes étaient toujours présents dans les rues d’Uvira, vendredi le 19 décembre 2025.

 

Ensuite, celui-ci ne fournit aucune indication claire sur l’ampleur de son repli : l’AFC/M23 en parle pour la ville d’Uvira, mais pas pour le territoire d’Uvira, une entité administrative beaucoup plus large. S’il se cantonne à n’évacuer que la cité d’Uvira (et encore !), il conservera donc une part importante des gains territoriaux qu’il a réalisés ces derniers jours.

 

D’ailleurs, les États-Unis, médiateur dans cet accord violé par Kagame, ne s’y trompent pas, car ils ont exigé que : « Le retrait des M23 et son allié, le Rwanda, d’Uvira ne suffit pas. Ils doivent se retirer jusqu’à 75 km de la ville d’Uvira. » lors du Conseil de l’ONU, du vendredi 19 décembre 2025.

 

Les plus sceptiques sont donc convaincus que les troupes de FARC/M23 de Kagame ont simplement retiré leurs uniformes, revêtu des tenues civiles et caché leurs armes dans des maisons de civils pour faire baisser la pression américaine. Ils sont donc encore sur place, mais infiltrés dans certains quartiers. Ainsi, ils cherchent à endormir l’opinion pendant qu’ils se réorganisent. Ils seraient restés dans la ville pour commettre des dégâts. En effet, les mêmes militaires de AFC/M23 restés à Uvira en tenue civile vont commencer à tuer chaque nuit, puis coller ces crimes aux FARDC et aux Wazalendo. Puis, Paul Kagame réclamera leur « retour » pour soi-disant protéger la population, la même population que ses hommes auront eux-mêmes tuée.

 

Attendons le constat que va faire le gouvernement de la RDC et de ses forces de sécurité de ce retrait annoncé des troupes ennemies de la ville d’Uvira. Sachant que des sanctions américaines sont attendues dès la semaine du 21 au 27 décembre 2025. On verra si la salve et la sévérité de ces sanctions tiendront compte de ce retrait annoncé des supplétifs de Paul Kagame d’Uvira. Et d’après nos sources, le Gouvernement de RDC aurait réclamé des sanctions précises, que nous reprenons dans cette analyse. On verra s’il aura été comprise.

 

Entretemps, le même AFC/M23 continue sa progression vers Fizi-Baraka, et les combats l’opposent aux FARDC et aux Wazalendo qui tentent de le stopper au niveau de Makobola. Et au Nord Kivu, les mêmes troupes rwandaises de l’AFC/M23 ont conquis les villages d’IHULA et IBUGA, dans le Walikale, après d’intenses combats toute la journée de jeudi 18 décembre 2025, contre les Wazalendo d’auto-défense, mal armés.

 

Que dire aux acteurs principaux dans cette tragédie, que sont les FARDC ?

 

En vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, tout État dispose d’un droit inhérent et inaliénable à la légitime défense, en cas d’agression armée. Or, aucun État ne peut exercer ce droit sans Forces Armées efficaces. Donc, dans ce conflit militaire que lui a imposé l’hégémonique conquérant Paul Kagame, la RDC devrait mettre autant d’efforts, sinon davantage, qu’elle en a mis dans sa diplomatie, pour enfin commencer à se faire entendre par la Communauté Internationale, pour rendre les FARDC plus performantes et efficaces sur le champ de bataille, et abandonner sa seule tactique de « repli stratégique » face à chaque offensive ennemie. Les FARDC devraient se convaincre que dans une guerre de défense du territoire national, l’objectif est « le terrain » et non « le nombre d’ennemis à tuer ou à capturer ».

 

En plus, les FARDC devraient oser prendre des initiatives dans cette guerre, et ne pas laisser à l’ennemi le monopole de déterminer le sort de cette guerre, en décidant quelle action mener, quand et où… comme bon lui semble, comme c’est le cas depuis l’agression de leur pays par le Rwanda de Paul Kagame.

 

Car un des principes qui guident un chef militaire dit que : « L’officier, tout en exécutant les ordres de ses supérieurs, doit être capable de prendre des initiatives et les assumer. Si l’initiative devient heureuse, il en est décoré. Si elle est malheureuse, il en est sanctionné. »

 

Sinon, sans poids militaire de ses FARDC sur le terrain, les efforts diplomatiques du gouvernement, si énormes soient-ils, ne pèseront pas grand-chose pour l’instauration de la paix à l’Est de la RDC et l’autorité de l’État sur toute l’étendue de son territoire.

 

Enfin, les mesures suivantes devraient être immédiatement prises contre le Rwanda.

 

D’abord, les Forces rwandaises de défense (RDF) doivent se retirer du territoire congolais. Et ceci, en application de la résolution 2773, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Il faut sans tarder déterrer le Mapping Report et mettre en pratique ses recommandations.

 

Parmi ces recommandations, prioriser la création d’un Tribunal Spécial de l’ONU, qui devra juger les crimes de guerre et contre l’Humanité, voire de génocide, commis par le Rwanda de Paul Kagame en RDC depuis 1996, comme l’avait déjà signalé le Secrétaire Général de l’ONU de l’époque, dans sa lettre de juin 1998.

 

C’est aussi l’occasion de demander solennellement aux Puissances et Instances internationales, précises, individuellement ou de concert, que sont : les États Unis d’Amérique, la Grande Bretagne, la France, l’Union Européenne, le Conseil de Sécurité de l’ONU, d’infliger des sanctions au Rwanda, chacune selon ses compétences et possibilités.

 

Sans être exhaustif, on peut citer :

  • Exclure le Rwanda du système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication),
  • Couper toute aide directe et non humanitaire au gouvernement du Rwanda,
  • Prendre des sanctions diplomatiques et économiques contre les proches de Paul Kagame, comme les interdictions de voyage, blocage de leurs comptes bancaires dans ces puissances. À commencer par les luxueuses résidences et propriétés au nom de son fils, Ivan Cyomoro Kagame, dans le quartier des célébrités de Hollywood, en Californie. Il y est installé comme milliardaire dès l’âge de 20 ans, sans que l’on sache comment il a gagné cette immense fortune, à part être le fils aîné du dictateur Paul Kagame du Rwanda.
  • Interdire les activités de sa société commerciale privée, mais enregistrée sous le nom de son parti-État, FPR. Cette méga-société se nomme « Crystal Ventures ».
  • Décréter un embargo sur les armes à destination du Rwanda.

 

À noter que le chantage de Paul Kagame, qu’il agirait en cas de sanctions de l’ONU, à savoir retirer ses forces déployées dans certains pays dans le cadre des missions de maintien de la paix de l’ONU (Casques Bleus), n’est point à prendre en compte.

 

En effet, c’est Paul Kagame lui-même qui perdrait beaucoup s’il n’envoyait plus des milliers de ses troupes dans ces missions de l’ONU. Avec une armée pléthorique et monoethnique (plus de 100 000 hommes) sur un minuscule territoire surpeuplé, le dictateur Paul Kagame du Rwanda est soulagé quand il peut déployer régulièrement à l’étranger plus de 20 000 hommes de son armée, en plus, équipés et payés par l’ONU. Leur retour massif au Rwanda créerait un climat de mécontentement propice aux mutineries de toute sorte, sans oublier l’impact de cette armée pléthorique, sous-payée et inoccupée, sur la vie socio-économique du pays.

 

Il aura donc toujours intérêt à fournir en grand nombre ses troupes à l’ONU.

C’est pourquoi, par contre, il faudrait penser, comme sanction, aussi à exclure le Rwanda parmi les pays pouvant fournir à l’ONU des forces de maintien de la paix, étant donné que celles du Rwanda de Paul Kagame sont vouées à troubler la paix dans la région des Grands Lacs.

 

Emmanuel Neretse

 

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