Evolution de la guerre à l’Est de la RDC. Vers l’ouverture d’un autre front au Sud-Kivu?
Paul Kagame compte ouvrir un nouveau front au Sud Kivu avec le Burundi comme “passage obligé et dégât collatéral”.
En ce début novembre 2024, le conflit à l’Est de la RDC déclenché en 2021 par le général Paul Kagame du Rwanda sous la couverture d’une rébellion attribuée aux Tutsi congolais et dénommée M23, est dans une phase confuse.
En effet, un commentateur selon ses sources et sa connaissance de la géopolitique régionale aurait sa vision et pourrait toujours la justifier. Alors qu’un autre aurait une vision opposée et même contradictoire mais que lui aussi pourrait parfaitement justifier.
Ainsi certains analystes estiment que le conflit touche à sa fin car des accords de paix sont en train d’être progressivement signés entre le Rwanda et la RDC à Luanda en Angola.
D’autres par contre estiment que la guerre est toujours en cours car le M23/Kagame continue sa progression dans la conquête de territoires au Nord Kivu causant encore des milliers de déplacés chassés de leurs biens pour vivre dans des camps de fortune.
D’autres estiment même que la balkanisation de la RDC est déjà consommée car toute la province du Nord Kivu, (sauf son chef lieu Goma mais jusqu’à quand?) est sous le contrôle du M23/Kagame qui y a déjà installé une administration parallèle , donc un Etat dans l’Etat et que ceux qui ont été chassés de leurs terres n’y reviendront pas ; ils ont perdu tout espoir car maintenus dans des camps depuis bientôt 3 ans.
C’est dans ce cadre que nous nous proposons d’analyser et d’exposer la situation à partir des critères et des signes concrets et tangibles et à partir de là entrevoir les perspectives d’avenir.
Situation début novembre 2024
La situation politico-diplomatique en RDC par rapport à cette guerre et la situation militaire sur le terrain au Nord Kivu se présentent globalement comme suit:
Même si, pour amuser la galerie, un “Etat-Major conjoint FARDC-RDF“, sous commandement de l’Angola, a été officiellement installé en grandes pompes à Goma ce 05 novembre 2024, force est de reconnaitre que le processus dit de Luanda pour désigner ainsi les efforts de la médiation du président de l’Angola Joao Lorenço pour réunir Paul Kagame et Félix Tshisekedi autour d’une même table et au final signer un “Accord de Paix” censé mettre fin à cette guerre, est clairement dans l’impasse, ce qui était d’ailleurs prévisible.
Dans ce processus de jeu de dupes, les dés sont pipés: les malentendus, les doubles langages, les quiproquos, … sont devenus la règle et ont pris la part belle au souci de résoudre ce conflit. Pourtant, dans une affaire aussi sensible et vitale car touchant l’avenir et la survie même de la Nation, la clarté doit être de rigueur, ce qui n’est pas le cas à Luanda.
Ainsi, des cessez-le-feu sont signés et aussitôt rompus car l’un des signataires déclare ne pas être en guerre au moment où ses combattants sur le terrain déclarent n’être pas concernés par les décisions qui sortent de Luanda. Cas du Rwanda et de son M23.
De même, l’une des parties, – la RDC -, exige le retrait total des troupes de l’autre partie – le Rwanda – sur son territoire et ce dernier dément avoir des troupes en RDC mais donne comme concession “la levée de son dispositif défensif” mais dont personne ne sait où ce dispositif est installé et en quoi cela intéresserait la RDC envahie.
Et puis, le Rwanda exige à la RDC de neutraliser et de démanteler un groupe dénommé FDLR et la RDC accepte. Mais sans au préalable savoir ce que le Rwanda entend par FDLR car dans d’autres circonstances, il les confond aux réfugiés hutu rwandais ou burundais vivant en RDC ou nés là-bas depuis 1994, ou avec des résidus et survivants parmi des ex-FAR vaincues en 1994 dont les plus jeunes auraient actuellement au moins 60 ans d’âge. Plus grave, le Rwanda n’exclut pas de considérer tous les hutu du Nord et du Sud Kivu congolais de souche comme FDLR afin de justifier les invasions récurrentes et à volonté de ces provinces.
En RDC même, des signes apparents et criants font apparaître l’énervement et la lassitude de la société congolaise.
Classe politique
Déjà début septembre 2024, la classe politique en RDC notamment l’opposition, voyant cette impasse dans laquelle s’est engouffré le pays et l’état de guerre permanent à l’Est, avait proposé un dialogue national pour, entre autres, trouver ensemble des solutions idoines pour ramener la paix à l’Est du pays.
L’appel reste sans réponse mais il caractérise la situation chaotique dans laquelle se trouve le régime sur ce sujet vital.
Société civile
La société civile, autrement dit la voix des sans voix, est l’observateur le plus avisé et crédible car vivant avec la population meurtrie, ne cesse d’élever sa voix et en arrive même à poser des questions précises à chacun des décideurs qui sont aux sommet de l’Etat pour leur demander des explications car le peuple en a assez et est sidéré par l’inaction ou les errements du gouvernement. C’est le sens d’une lettre ouverte adressée à certaines autorités le 04 novembre 2024.
Et comme pour narguer davantage le gouvernement de la RDC et dire aux populations du Nord Kivu que leur sort est désormais dans les mains de Paul Kagame installé officiellement à Goma par l’Angola, ce 05 novembre 2024 a eu lieu une cérémonie de passation des pouvoirs à Goma.
Dans un communiqué il est dit : “Ce mécanisme doit également suivre la mise en place du plan de neutralisation du mouvement FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, groupe rebelle hutu formé à l’origine d’anciens génocidaires rwandais) et le désengagement des forces, ainsi que “la levée des mesures de défense du Rwanda”.
Mais nulle part on ne dit clairement que le Rwanda devrait retirer ses troupes de la RDC pourtant estimées à un effectif de plus de 4000 hommes. Qui est dupe dans ce jeu?
A la longue la position d’équilibriste du Gouvernement de la RDC est intenable. Il ne pourra pas longtemps continuer à leurrer les populations du Nord Kivu en leur racontant qu’il aurait négocié la paix alors qu’elles restent chassées de leurs biens et en souffrance dans les camps de fortune et en même temps se garder d’exiger à Kagame des déclarations claires en ce qui concernent ses troupes pour ne pas heurter les médiateurs. A un moment il devra clarifier au peuple sa position et ses prises de décisions.
De son coté, Paul Kagame et son FPR constatent la perte progressive de l’audience de leurs mensonges et prétextes chaque fois avancés depuis 3 décennies pour justifier ses agressions et violations du droit international. De là, il entrevoit aussi la perte possible de l’immunité et l’impunité pour ses crimes de toutes sortes. Il devra donc concevoir et appliquer un plan B.
Enfin, les deux protagonistes, Paul Kagame et le gouvernement congolais, sont dans l’incertitude sur l’impact que l’élection du nouveau président des Etats Unis d’Amérique en l’occurence Donald Trump. Cette nouvelle donne aura des répercussions sur ce conflit et sur la région des Grands Lacs en général. Même si Donald Trump est décrit comme portant peu d’intérêt pour l’Afrique, le fait qu’il soit aussi imprévisible peut réserver des surprises. Chacun d’eux s’y prépare en mettant sur la balance toutes les hypothèses. C’est ainsi que Paul Kagame vient de prendre les devants en dévoilant sa nouvelle stratégie.
Nouvelle stratégie de Paul Kagame
Face à cette situation, le président Paul Kagame, sûrement conseillé par ses créateurs et commanditaires pour la déstabilisation et l’exploitation illégale des richesses de la région, est en train de mettre en marche une autre approche opérationnelle dans la guerre de conquête qu’il doit mener en RDC. Il envisage en effet d’ouvrir un nouveau front au Sud Kivu et au passage de déstabiliser le Burundi et au mieux y changer de régime pour y installer une dictature à son image et par les siens.
Signes avant coureurs
Discours de Kabarebe et de Nduhungirehe
A quelques jours d’intervalles, le bras droit de Kagame le général James Kabarebe et officiellement l’adjoint du ministre des Affaires étrangères car son Secrétaire d’Etat pour l’EAC (East African Community) et donc son patron (en réalité son subordonné car Hutu de service) Olivier JP Nduhungirehe, ont fait des déclarations à la presse d’apparence contradictoires mais au final complémentaires.
L’un s’en est pris à la RDC à qui il impute l’état de guerre dans lequel il doit toujours être plongé car le Congo lui-même comme Etat serait voué à être toujours envahi par le Rwanda depuis le 19è siècle!
L’autre s’en est pris au régime démocratique du CNDD-FDD actuel au pouvoir au Burundi qui n’aurait pas droit d’exister à côté de la dictature du FPR au Rwanda car il y aurait risque de le contaminer – entendez: contamination par la démocratie.
Les accusations en miroir déjà lancées
Autre signe qui ne trompe pas: le régime du FPR est passé maître en accusation en miroir en rendant ses victimes – passés ou à venir – des “bourreaux” au moment où les véritables bourreaux sont présentés comme victimes.
C’est ainsi qu’un média de propagande du régime FPR vient de lancer les premières accusations en miroir indiquant clairement que Paul Kagame va ouvrir un nouveau front au Sud Kivu en passant par le Burundi.
L’article du 04 novembre 2024 de Samson Kasujja publié dans « the greatlakeeyes » précise en effet :
« Des militaires burundais et congolais installent un camp militaire secret dans le territoire d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RDC, afin de coordonner des groupes armés négatifs visant à déstabiliser le Rwanda voisin. Le camp de Kitoga devrait accueillir des membres des groupes terroristes du FLN et des FDLR, entre autres. À partir du camp, le Burundi fournira un passage aux terroristes pour attaquer le Rwanda depuis la forêt de Kibira qui borde la forêt de Nyungwe du côté du Rwanda ».
Conséquences prévisibles, alerte et quelques recommandations
La guerre de basse intensité va donc continuer si pas au Nord Kivu mais certainement au Sud Kivu. Et pendant ce temps le Burundi va être plongé dans une guerre de haute intensité et destructrice en hommes et en matériels étant donné sa situation géographique et socio-culturelle par rapport à l’ennemi à qui il fera face à savoir le régime dictatorial de Paul Kagame du Rwanda.
Ceci est une alerte que nous sonnons et un cri d’alarme que nous lançons aux monde et particulièrement aux personnes physiques ou morales éprises de paix (s’il en existe encore par les temps qui courent !) de tout faire pour éviter à l’Est de la RDC et surtout au Burundi le sort qu’a subi le Rwanda de 1990 à nos jours et cela de la part du même mal absolu à savoir le Front Patriotique Rwandais (FPR) de Paul Kagame.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Emmanuel Neretse
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