Relations interethniques au Rwanda : Jean Damascène Bizimana, « ministre de l’unité » ou plutôt « ministre de la haine et la ségrégation »?
Introduction et contexte
A travers les réseaux sociaux notamment X ( anciennement Tweeter) Jean Damascène Bizimana a échangé ce début juillet 2025 avec Jean Luc Habyarimana et Antoine Mukiza Zigiranyirazo respectivement fils de feu le Président Juvénal Habyarimana et de Monsieur Protais Zigiranyirazo.
Signe que ces échanges entre deux camps idéologiquement aux antipodes furent riches en enseignements, mercredi le 09 /7/2025 le site du média gouvernemental et du parti-Etat FPR qu’est Igihe a jugé bon de publier la synthèse de ces échanges en Kinyarwanda avec un titre ronflant mais dont le contenu constitue une apologie au mensonge et à la calomnie comme nous allons le voir dans cette courte analyse.
Parce que les répliques de Jean Luc et Antoine étaient en français nous donnons aussi
chronologiquement ces échanges sur Twitter pour que les lecteurs puissent avoir tous les éléments pour juger d’eux-mêmes le raisonnement du “ministre” Bizimana par rapport à celui des simples citoyens Jean Luc Habyarimana et Antoine Mukiza Zigiranyirazo.
L’homme
Souvent et même chaque fois quand on veut bien comprendre le comportement bizarre ou les agissements inhumains ou immoraux d’un individu, il est nécessaire de connaître son parcours de vie depuis son enfance. Cet exercice permet de déceler le pourquoi de sa déchéance comme être humain. C’est pourquoi il faut savoir qui est Jean Damascène Bizimana pour essayer de comprendre sinon s’expliquer sur la consécration de sa vie à la ségrégation et la haine de tout ce qui est Hutu.
Jean Damascène Bizimana est né en 1962 d’un notable Tutsi du nom de Gakara Antoine à Cyanika dans l’ancienne chefferie du Bufundu qui sera la préfecture de Gikongoro sous la République. Lors des troubles qui ont accompagné la révolution sociale de 1959 et le remplacement de la monarchie féodale par la République entre 1960-1964, il fut accueilli avec toute la famille Gakara et élevé par le bourgmestre de la nouvelle commune de Karama, un hutu qui s’appelait Bizimana François Xavier.
Pour remercier et honorer le bourgmestre Bizimana pour son hospitalité et sa bonté envers les Tutsi, le Tutsi Gakara François Xavier décida de donner le nom de Bizimana à son fils ainé, qui deviendra l’actuel ministre Jean Damascène Bizimana.
Le jeune Tutsi fils de Gakara Antoine fit ses études primaires à la paroisse de Cyanika et secondaires à l’Ecole normale primaire de Runyombyi où il est sorti avec un diplôme de moniteur du primaire ( D5) qui ne permet pas l’accès aux établissements d’enseignement supérieur.
Après quelques années comme enseignant à l’école primaire de Cyanika et ayant exprimé son désir de se consacrer à la vie religieuse, il fut envoyé au Noviciat des Pères Blancs de Bukavu pour compléter les études secondaires donnant accès à l’enseignement supérieur. Ensuite il fut envoyé par la même congrégation des “Pères Blancs” en France, précisément à Toulouse pour suivre une formation religieuse.
Après, les études il quitta les ordres religieux et demanda l’exil en France. Après son exil volontaire en France, il est revenu au Rwanda après la conquête militaire du pays par le FPR. De retour au Rwanda, il a occupé le poste de Président de la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide, CNLG, avant d’être élevé au rang de ministre, poste qu’il occupe actuellement.
Thèses de JD Bizimana. Accusations et preuves fournies
En gros Jean Damascène Bizimana assène à Jean Luc et à Antoine Mukiza que leurs pères étaient des extrémistes Hutu qui haissaient et discriminaient les Tutsi au Rwanda durant la 1 ère et la 2è République. Et pour donner du poids à ses calomnies il cite des cas suivants:
*Il évoque un arrêté présidentiel datant de 1966 qui, selon lui, interdisait le retour des réfugiés Tutsi au Rwanda.
*Il brandit, dans son esprit, une note que le colonel Juvénal Habyarimana alors ministre de la Garde nationale aurait adressée, en 1968, au directeur de l’immigration et lui interdisant de délivrer un passeport à un prêtre du Diocèse de Nyundo parce qu’il était Tutsi.
*Il évoque aussi le groupe de réflexion mis en place en 1975 par le premier gouvernement de Habyarimana qui devait réfléchir et donner ses avis et considérations sur la problématique des réfugiés rwandais éparpillés dans les pays voisins.
*Il cite aussi, en les déformant, les propos du président Habyarimana réagissant à l’expulsion des milliers de personnes d’Ouganda vers le Rwanda par Milton Obote en 1982.
*Enfin, il exhibe la position du Comité Central du MRND de 1987 sur la problématique des réfugiés comme étant une preuve que le régime du MRND dont, la devise était “paix et unité pour le développement”, excluait les Tutsi.
Ces fausses affirmations de JD Bizimana appellent des remarques suivantes:
De façon générale, tout rwandais de l’époque et tout historien de bonne foi sait bien que le président Habyarimana, tout comme Protais Zigiranyirazo, n’ont jamais été des ethnistes et anti-tutsi.
Tout le monde sait que dès sa prise du pouvoir en 1973 jusqu’en 1994, le président Habyarimana nommait un ou deux ministres tutsi dans tous ses gouvernements. Bien plus, parmi ses amis personnels ou par relations professionnelles ou d’affaires il y avait plusieurs Tutsi. Et au cours de ces échanges, les interlocuteurs de JD Bizimana lui ont cité quelques noms mais que l’on peut encore citer à une autre occasion.
En ce qui concerne Protais Zigiranyirazo, on pourrait tout lui reprocher sauf être “anti-Tutsi”. Non seulement il a été élevé et a grandi dans un milieu où cet antagonisme Hutu-Tutsi n’existait pas mais il a, par la suite, noué des relations familiales même intimes avec des Tutsi et avec qui, il est en étroite relation jusqu’aujourd’hui.
L’analyse détaillée des thèses de JD Bizimana le met à nu.
Comme un manipulateur et falsificateur de profession et menteur de tempérament tel qu’il apparait sur la scène politique du régime du FRP, ses références sont l’objet de confusions et d’amalgames de façon qu’elles ne doivent jamais être prises comme véridiques.
Ainsi:
* Il prétend que Juvénal Habyarimana comme ministre de la Garde nationale aurait décrété qu’aucun Tutsi ne devrait pas recevoir de passeport lui permettant de sortir du pays. Ce faisant il confond intentionnellement un avis et considération d’un échelon administratif chargé d’un dossier particulier à des « directives gouvernementales » donc d’ordre géneral pour tout les dossiers. C’est le cas de la demande de passeport de ce prêtre catholique qu’il évoque, même à supposer que cette correspondance aurait existé et la suite qu’en aurait donné le service d’Immigration, ceci ne pourrait point être prise comme une loi ou un décret gouvernemental.
Dans ce domaine tout fonctionnaire ou agent a le droit de donner son avis sur un dossier particulier selon les circonstances et sans prétention que l’avis serait suivi car n’étant pas une loi.
*Comme tous les services du régime FPR le font depuis 1994, JD Bizimana manipule et falsifie les documents du ministère de la Défense et de l’Etat Major sous le régime Habyarimana trouvés dans les archives sur lesquelles il a mis la main à sa prise de Kigali. Il en est de même des archives personnelles du Président Habyarimana.
*JD Bizimana, un faux historien mais calomniateur de profession, désinforme et manipule l’opinion sur base des textes de loi mal interprétés ou sortis de leur contexte. Il en est ainsi de l’Arrêté présidentiel de 1966 fixant les règles de gestion des biens fonciers laissés par les réfugiés, les modalités en cas de leur retour et la cohabitation avec les nouveaux occupants. Ce qui est tout à fait normal et logique mais aussi du devoir de tout gouvernement responsable.
*De même, le groupe de réflexion sollicité en 1975 uniquement à titre consultatif ne pouvait pas décréter ou voter une loi quelconque et encore moins sur les réfugiés. C’était un groupe dont les conseils devaient être soumis au gouvernement et autres instances habilitées pour leur permettre de décider. Dans ce cas précis aucune loi ou décret n’en n’est sorti pour avaliser les réflexions de ce groupe.
*JD Bizimana sème la confusion et fait des amalgames à propos du discours du Président Habyarimana tenus en Belgique devant les étudiants en 1982.
Pourtant ce discours du président était clair, cohérent et complètement dans les normes démocratiques et diplomatiques si on l’analyse selon ses trois niveaux.
Il a souligné qu’il fallait distinguer parmi cette masses de déplacés, ceux qui sont réfugiés rwandais de ceux qui sont citoyens ougandais;
Il a énoncé le principe de reconnaissance des rwandais vivant et installés à l’étranger mais jouissant des mêmes droits que ceux de la métropole: c’est la fameuse Diaspora actuellement à la mode sous le FPR;
Enfin il a appelé à chaque fois considérer la réalité démographique du Rwanda par rapport à sa superficie chaque fois quand on étudie un problème de déplacement des populations. Ce qui constituait une vision de sagesse et pas du tout de fermeture du Rwanda aux Tutsi comme voudrait le faire admettre le manipulateur JD Bizimana.
*De même, la déclaration du Comité Central du MRND de 1986 voulait souligner la réalité démographique du Rwanda mais jamais un refus d’accueillir les réfugiés. La preuve c’est que si ça aurait été les cas, le Rwanda aurait alors violé ouvertement la charte des Nations Unies qui a institué le HCR en 1950 et que le Rwanda a ratifié dès son indépendance. Ce qui lui aurait causé de lourdes sanctions pour violation de la charte de l’ONU. Or il n’en fut rien car tout le monde, sauf les Tutsi de mauvaise foi qui projetaient de rentrer les armes à la main, ont compris qu’il s’agissait d’une approche réaliste et humanitaire sur le problème des réfugiés rwandais mais pas un refus du Rwanda de les laisser rentrer “en paix”!
Sur la personne-même de Jean Damascène Bizimana
Comme ayant été un enfant Tutsi qui fut accueilli en 1960-61 lorsqu’il était bébé dans une famille Hutu de sa région de naissance, qui l’a élevé et lui a tout donné (amour, éducation et scolarité jusqu’au secondaire, soins de santé, sécurité…) mais qui dans son âge adulte s’est transformé en un militant extrémiste Tutsi anti-Hutu, même ses bienfaiteurs qu’il connait, il est décevant et étonnant.
Il est décevant comme ancien élève d’une école normale (D5) donc destiné à enseigner au primaire, qui semble ne rien comprendre de la pédagogie et encore moins de la méthodologie quand il se met à désinformer l’opinion publique.
Il est décevant et déconcertant comme un ancien séminariste destiné à la prêtrise même s’il a défroqué mais qui semble avoir fait le vœu non pas de chasteté mais de mensonge et de désinformation…, afin de réécrire l’Histoire du Rwanda.
Enfin il s’est trompé de carrière comme un soi-disant politicien chargé de l’unité nationale dans un gouvernement tutsi mais qui passe son temps à prêcher la haine et à faire la chasse aux hutu du Rwanda et d’ailleurs. Même si ce n’est pas le titre officiel qu’il porte, il est bel et bien “ ministre de la Haine et la Ségrégation contre les Hutu au Rwanda.”
Un tel individu n’a rien à dire et surtout rien à apprendre aux jeunes générations comme celle de Jean Luc Habyarimana et Antoine Mukiza Zigiranyirazo.
Jane Mugeni
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