Compte-rendu des audiences dans la cour d’Assises de Bruxelles les 11 et 12 décembre 2023. Procès Séraphin Twahirwa et Pierre Basabose

Un de nos lecteurs, qui a assisté aux audiences des 11 et 12 /12/2023  dans le procès d’assises de Pierre Basabose et de Séraphin Twahirwa, nous a transmis des notes éparses qu’il a prises lors des plaidoiries. Nous les reproduisons comme telles car elles ont le mérite de montrer le climat qui régnait dans le prétoire aux dates indiquées.

 

 

Lundi 11 décembre vers 11h30

 

La parole a été donnée à Maître Hirsch, avocate des parties civiles. Elle a dit entre autres aux jurés (11 femmes, 3 hommes d’âge moyen, la quarantaine ou trentaine) que c’est la première fois qu’on (ils) pourra(ont) juger ici pour viols !

 

Madame Trachte  et son époux Pierre Trachte, parents de la députée et ex Ministre régionale écolo Barbara Trachte, revendiquent être à l’origine, depuis 1994 des parties civiles avec Me Eric Gillet, retraité à présent.

 

Mardi 12 décembre 2023 vers 9h30

 

Maître Lurquin  a commencé sa réplique.

 

Nous entendons : le procès dure depuis 2007, depuis 2007 jusque 2020 je demande qu’on interroge mon client Twahirwa Seraphin. Le tribunal lui répond : « je n’interrogerai pas votre client, cela ne sert à rien, si vous ne m’obligez pas, je ne le ferai pas ». Maître Lurquin a donc obligé par la procédure qui le permet.

 

Il faut prouver au-delà de tout doute raisonnable que c’est M. Twahirwa qui a frappé et qui a tué. Il n’y a pas d’acte de décès. Le juge d’instruction n’a pas fait de commission rogatoire, ne s’est pas déplacé.

 

On des témoins qui sont des victimes. Il y a des témoins qui mentent parce qu’ils sont payés ou parce qu’ils ont intérêt (ils ont déjà été condamnés par tribunal international ou Gacaca, ainsi tel témoin accuse et demande une réduction de sa peine en échange.

 

-Au tribunal, on commence par dire « on travaille à charge et à décharge » mais on n’a jamais travaillé dans ce cas ici à décharge !

 

-S’adressant aux jurés : concernant la mort de Jean-Marie Vianney…, avez-vous un témoin au-delà de tout doute raisonnable qui dit : « c’est lui qui l’a fait (tué) ? ».

 

-On dit qu’on va juger des crimes de guerre, mais les crimes de guerre, cela concerne L’ARMEE, or, Twahirwa n’est pas de l’armée !

 

-On n’a pas intégré dans ce jugement tout ce qu’a fait le tribunal international, or on peut ou devrait le faire, c’est chose jugée !

 

Dans son témoignage, Bikindi n’a pas un mot sur Twahirwa. Il y a eu 6 procès ici, on ne parle pas de Twahirwa jusqu’à ce qu’on l’arrête en 2020. Autorité de la chose jugée. Bikindi a été condamné à 15 ans de prison pour chanson incitative, pas pour participation aux massacres.

 

-Guichaoua dans son livre « de la guerre au génocide », parle de « prégénocide », terme que vous avez mis en circulation.

 

Maître Flamme

 

-En 1994, j’ai rencontré M Lurquin dans un camps au Rwanda, un père portait son enfant à la fosse commune, le regard des enfants était vide, il régnait cholera, typhus, Médecins sans frontières étaient désespérés.

 

-En se déplaçant, on constate que ce beau pays des mille collines était VIDE, comme si une bombe à neutrons était tombée, tous les arbres étaient coupés pour faire du feu. Du feu et de l’eau, et le volcan… volcan qui plus tard fit éruption, détruisant la belle ville de Goma.

 

– En Angleterre, dans le tribunal il est écrit « Honni soit qui mal y pense », en effet, à Londres, on parlait français dans le temps.

 

-L’ambassadeur qui a témoigné a dit « il y a deux évangiles (concernant événements Rwanda), celui-ci est celui auquel je ne souscris pas ».

 

-Franklin Kuti dans son livre « le procès équitable » dit que l’absence de preuves suffisantes ne peut qu’être favorable au détenu… le doute du juge doit profiter à l’accusé…l’opinion la moins favorable à l’accusé doit s’en remettre à celle des autres ».

 

-le juge doit produire des éléments de preuves à la décharge du prévenu.

 

-Les mots volent, les écrits restent, madame Hirsch a dit « le génocide va entrer dans ce prétoire », MAIS : ce qui rentre aussi dans cette salle, c’est L’ESPOIR, espoir pour le client dont je demande avec beaucoup de confiance l’acquittement. Pourquoi l’espoir ? Parce qu’un pays qui a été traité comme il l’a été, avec le dieu qu’il avait Imana, quel beau nom qu’Imana , dieu qui a été remplacé ensuite par notre dieu. Espoir, espoir de pouvoir retourner dans leur beau pays.

 

-Des repentis, on en a vu ici, ainsi la femme qui a dit qu’elle faisait semblant quand elle parlait. Lurquin, au Rwanda, a été enfermé un jour et on lui a refusé de voir son client, ça c’est le FPR, vous imaginez, pour un avocat, ne pas pouvoir voir son client !

 

-le professeur Vandermeersch a écrit « Droit de la procédure pénale », celui qui juge doit se poser 3 questions :

-la version parait elle plausible

-s’il y a doute raisonnable apporté par la défense, l’accusé doit être acquitté

-le raisonnement doit être cohérent et logique, l’élément doit pouvoir s’imposer à TOUS

Vous devez former votre propre conviction fondée sur des preuves et moyens présentés ici.

Vous devez motiver votre jugement.

 

-Madame la magistrate fédérale. Mon client a un casier judiciaire vierge. Madame la magistrate fédérale prétend que mon client aurait participé à l’entrainement des Interhamwe, or, le général qui a témoigné ici a dit qu’il n’y avait pas d’entrainement en 1993.

 

-Parallèlement, on n’a pas poursuivi le FPR pour les exactions commises à Kibebo, on ne poursuit jamais le FPR.

 

– On parle de financement Radio RTLM. Le professeur Reyntjens a dit : « on a fait la radio RTLM parce qu’on s’ennuyait, il fallait se distraire ».

 

Madame la magistrate fédérale a dit avec un sourire pas très bien placé : « il y a l’internement, aussi ». On va le soigner ? Henri Heymans, collègue de l’école de droit a consacré sa vie à ce sujet.  La loi ne le permet pas. En effet, il n’y a pas eu d’audience contradictoire. Je n’ai jamais été invité à une audience, donc le rapport n’est pas légal. Il faut recommencer.

-La cour a parlé d’impressionnisme, en droit, cela n’existe pas, il faut « REALISME » ! IL FAUT DES FAITS ETABLIS ! IL N Y A QUE DES TEMOIGNAGES, IL N Y A PAS DE PREUVES MATERIELLES !

 

– La lettre de Kagame adressée à son bureau à Bruxelles est la seule preuve matérielle, et c’est la défense qui l’a fournie !

 

-Au sujet de mon client, on a dit ici : « c’était un homme magnanime, il écoutait tout le monde, il laissait les gens sans argent se servir sans garantie d’être payé »

Madame Hirsch a suivi deux procès de génocide, les autres procès étaient pour crimes de guerre, …

La première cliente de madame Hirsch a dit qu’elle ne connaissait pas Basabose « mais on se constitue parties civiles ».

 

-Les beaux parents de Basabose ont été enterrés vivants !!!!! par le FPR, certains disent que c’est les militaires inkotany (fpr) qui ont tué à la paroisse. On reproche à Basabose l’omission, OR,  L’OMISSION EN DROIT N EXISTE PAS !!!! quand on est commandant, colonel, etc., on est reconnu responsable, or, Basabose n’était rien !!!!

 

-On dit « le régime (Habyarimana) était criminel, alors on pouvait attaquer », MAIS NON, IL Y A EU INVASION DU PAYS (à partir d’Ouganda).

 

-On dit « il était membre du MRND », est-ce suffisant ? Mais NON, le MRND était le parti unique au Rwanda, un bébé qui naissait était MRND ;

 

-C’est absurde ceci. L’absurdité est irrationnelle. Vous dites « il y a un fil rouge » !!! Lequel ? des pointillés ? C’est la justice des VAINQUEURS ! Reyntjens l’a dit. Les juges doivent juger ce qui est présenté par un procureur !

 

-Le 10 aout 1994, la lettre de Kagame lue par maître Chris Black. C’est moi qui la dépose et c’est le juge fédéral, le procureur devait la connaître.

 

-Reyntjens a dit « il n’y avait pas des bons et des méchants, il n’y avait que des méchants ».

 

-Basabose n’a jamais participé à rien, on dit qu’il était richissime, donc il a pu financer, mais on n’est pas dans un cirque ici, où sont les preuves ???

 

-Depuis 2 semaines, on ne parle plus que de Basabose, des témoins inventent des histoires hallucinantes dont de financement !!! quel Financement ? Les réunions ne sont pas rémunérées, réunions ou non, il s’agit de fantasmes, parce qu’il était riche ! Il avait une « grande maison », mais il a tout perdu !!!!! Ses beaux parents enterrés vivants, son frère, son père assassinés !

 

-la Magistrate fédérale a dit « il était riche ». C’est un problème, quand on est africain ! On ne lui pardonne pas d’être riche ! On prend les biens de la population qui fuit.

 

-IL EST AINSI DES PAUVRES GENS SUR QUI ON S’ACHARNE …. Poème d’Emile Verhaeren

 

-Maître Hirsch dit que l’épouse de Basabose était Tutsi, c’est faux, elle est en Hollande, ses parents ont été enterrés vivants, son père était un riche commerçant, était hutu.

 

-J’ai confiance en votre jugement, il est dit qu’il vaut mieux vaut un coupable en liberté qu’ un innocent en prison.

Si on doute, il faut acquitter, sinon cela va vous poursuivre pour la fin de vos jours.

 

-Dans l’arrêt, il est écrit : « dans une certaine confusion, l’accusé insère des éléments épars », « il faut que les arguments soient vérifiables ».

Vous n’avez pas le droit de dire cela, mes arguments sont vérifiables ! Je n’ai jamais entendu cela en X années de barreau !!!!!!

 

Ensuite, la parole est donnée aux accusés

Ils saluent chacun la justice !

Basabose : j’ai été soigné en Belgique après qu’on ait tiré sur moi, je ne suis plus jamais retourné au Rwanda. J’ai fait un commerce au Congo, puis en Belgique. J’ai arrêté le commerce quand on m’a mis en prison. J’ai été accusé d’avoir tué des gens. On dit que nous faisions partie des Interhamwe. Je ne connaissais pas Twahirwa quand j’étais au Rwanda. Je ne l’ai connu qu’ici quand il venait acheter des bananes et des patates douces.

Au Rwanda j’avais acheté ma maison en vente publique avant 94.

 

Jane Mugeni

 

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