Procès du Dr Rwamucyo à la cour d’Assises de Paris : observations et mises au point

Le procès intenté au Dr Eugène Rwamucyo par des associations proches du régime rwandais actuel que sont le CPCR, IBUKA, Survie, LICRA et FIDH est caractérisé par une politisation à outrance et une obsession à faire condamner l’accusé. C’est ce qui ressort des audiences de cette deuxième semaine de procès, avec un bémol : le témoignage de Jean Kambanda.

 

La diabolisation de l’accusé par un profil intentionnellement mal présenté et interprété

 

Tout au long de ces deux semaine de procès, Eugène Rwamucyo a été à chaque occasion et souvent à contretemps, affublé par ses accusateurs de tous les attributs qui ne lui pourtant ressemblent en aucune manière. Florilèges !

 

Eugène Rwamucyo, un hutu extrémiste du Nord

 

Le terme “Hutu extrémiste” lancé comme tel, sans explication, est absurde. En effet, il n’est ni politiquement ni philosophiquement justifiable. Le concept “extrémisme” s’emploie pour classer une idéologie ou conviction sur une échelle politique ou philosophique donnée.

 

Or, il ne saurait s’appliquer sur le fait d’être Hutu car l’ethnie n’est pas une idéologie ou une croyance. On ne peut jamais montrer que tel Hutu est “extrémiste’’ ou ‘‘modéré” sans au préalable dire par rapport à quelle échelle ethnique on le classe et comment on l’a mesuré. On est moins ou plus hutu par rapport à quoi? Le sang hutu qui circule en lui ou le modèle physiologique officiel et admis d’un hutu, ou alors à quelle “idéologie hutu”?

 

Dr Rwamucyo, né d’un parent hutu père de la République

 

Eugène Rwamucyo étant né en 1959, année de la révolution sociale par laquelle  le peuple a rejeté la monarchie féodale qui la maintenait en esclavage pour opter pour la démocratie et la République. Que son père soit issu de cette majorité qui s’est libéré du joug de la tyrannie ne peut lui être reproché, maintenant que cette monarchie féodale a été restaurée au Rwanda en 1994.

 

Actionnaire de la RTLM

 

Avoir acquis des actions dans une « société par actions à responsabilité limitée » (SARL) qui avait dans ses branches un volet média (radio, TV) ne peut jamais être assimilé à un crime dans un système capitaliste. Même le FPR, qui a conquis le pays en 1994, l’a compris et s’y conforme car plusieurs de ses hautes personnalités qui étaient parmi les plus importants actionnaires de la RTLM n’ont jamais été inquiétées pour cela. Il y a lieu de citer entre autres Boniface Rucagu ou Christophe Bazivamo. Le premier a été gouverneur, député, sénateur, etc. Le second a été plusieurs fois ministre, longtemps vice-président du parti-Etat FPR et est actuellement secrétaire général adjoint de l’EAC  (East African Community) pour le compte du Rwanda.

 

Comment alors, le petit actionnaire qu’aurait été Eugène Rwamucyo, devrait en être condamné?

 

Dr Rwamucyo, ami de Ferdinand Nahimana, Jean Bosco Barayagwiza, Pasteur Musabe et même de Jean Kambanda

 

Cette accusation est ridicule et surréaliste! Comment peut-on reprocher à quelqu’un d’être né dans une même région qu’un autre alors que ce n’est pas lui-même qui a décidé du lieu de sa naissance?

Comment reprocher à un étudiant d’avoir croisé et donc connu d’autres compatriotes étudiants à l’étranger?

Comment reprocher à un citoyen, en plus cadre administratif et académique,d’avoir connu le chef du Gouvernement de son pays ?

Mais dans ce procès politique, on accuse tout cela à Eugène Rwamucyo.

 

Ces amitiés méritent un peu d’explications. Ferdinand Nahimana est natif de Gatonde comme Eugène Rwamucyo et était son ainé parmi les intellectuels de cette communedu Nord du pays. Comment ne pouvait-il pas le connaitre même sans être ami car n’étant pas de la même génération?

De même, Jean Bosco Barayagwiza et Pasteur Musabe ont été, pendant de longues années, étudiants rwandais en URSS où Eugène Rwamucyo a aussi étudié. Comment incriminer un étudiant rwandais envoyé à des milliers de kilomètres de son pays d’avoir connus des compatriotes qui, comme lui, y vivaient?

 

Dr Rwamucyo est allé accueillir et écouter le Premier ministre Jean Kambanda de passage à l’UNR de Butare le 14 mai 1994.

 

Jean Kambanda a été nommé Premier ministre du gouvernement intérimaire mis en place le 09 avril 1994 après l’assassinat du président Habyarimana le 06 avril 1994. Comment alors peut-on incriminer un cadre, médecin, qu’était le Dr Eugène Rwamucyo, d’être allé accueillir et écouter un Chef du gouvernement du pays qui était de passage dans la région où il a été affecté par le gouvernement ?

 

Témoignage de l’ancien Premier ministre Jean Kambanda

 

Le témoignage de Jean Kambanda est exceptionnel et historique. En effet Jean Kambanda actuellement en détention au Sénégal comme prisonnier politique de l’ONU condamné par le TPIR. Il fut Premier ministre du gouvernement intérimaire du Rwanda mis en place le 09 avril 1994 après l’assassinat du président Juvénal Habyarimana et ses proches dans un attentat du 06 avril 1994.

 

A ce titre, Jean Kambanda fut parmi les hutu aux affaires sous le régime renversé par le FPR en juillet 1994 à être poursuivi et arrêté pour être jugé par un tribunal que l’ONU venait de créer à cet effet, à savoir le TPIR. Son siège était situé à Arusha en Tanzanie. Sa Chambre d’appel se trouvait à La Haye (Pays-Bas).

 

Le TPIR a achevé ses travaux le 31 décembre 2015 avec un bilan mitigé et très critiqué par de nombreux experts. Les dossiers encore pendants au TPIR ont été repris par le Mécanisme pour les Tribunaux Pénaux Internationaux (MTPI) installé à La Haye aux Pays Bas. Son bilan, après 20 ans, se résume à peu près à celui-ci : 93 inculpés, 61 condamnés, 14 acquittés, 3 décédés avant leurs procès,  2 dont les actes d’accusation ont été retirés, 6 fugitifs déclarés déjà décédés,1 renvoyé au MTPI, 2 renvoyés aux juridictions nationales, 4 renvoyés au Rwanda.

 

Curieusement, pendant ces 20 ans, les procureurs successifs de ce tribunal n’ont jamais pu trouver les preuves du chef d’accusation principal à savoir “entente en vue de commettre le génocide”, alors que c’est sur cela que l’accusation et les appuis des conquérants sous la houlette de Paul Kagame comptaient s’appuyer pour faire admettre la théorie de “planification du génocide”. Un seul parmi eux en fut condamné. C’est l’ancien Premier ministre Jean Kambanda.

 

Mais ce que l’on n’a jamais révélé à l’opinion publique et que l’on fait tout pour étouffer, c’est que le Premier ministre Jean Kambanda en a été condamné sans procès suite à la procédure du système anglo-saxon du “plaider coupable” et que son accord lui fut arraché sous la torture morale qui a duré pendant plus de 6 mois en isolement total.

 

Depuis lors, Jean Kambanda ne cesse de demander la reprise de son procès pour qu’il puisse répondre des accusations portées contre lui mais ne pas être condamné sur base des aveux lui arrachés sous la torture. Il vient de publier deux livres à ce sujet[1].

 

Il faut rappeler que dans cette procédure judiciaire en usage dans les pays anglophones, un accusé peut négocier avec le procureur, pour, d’un côté, épargner au tribunal un long procès en plaidant coupable, mais en retour, recevoir de ce tribunal une condamnation à une légère peine et même symbolique.

 

C’est ce que le TPIR a proposé à Jean Kambanda dont la famille (femme et enfants), était pris en otages : le même TPIR lui proposait de plaider coupable pour qu’en retour le TPIR installe sa famille dans un pays sûr et loin du Rwanda.

 

Comme le TPIR faisait pression sur lui en lui donnant au téléphone sa femme et ses enfants pour le supplier d’accepter afin de les sauver (en fait une torture psychologique et morale terrible), il a accepté de plaider coupable.

 

Mais comme le TPIR de l’ONU comptait sur cet aveu pour faire admettre la planification du génocide par les Hutu et que celui qui était leur Premier ministre venait de l’avouer, il a été satisfait et n’a pas respecté ses engagements dans l’accord du plaider coupable ; il a condamné, sans procès, Jean Kambanda, à la plus lourde peine, à savoir la réclusion à perpétuité.

 

Actuellement il est clair et évident qu’un aveu arraché sous la torture ne peut être tenu en compte et donc qu’une condamnation d’un torturé sans procès est illégale, ce à quoi se bat Jean Kambanda et qu’il a soulevé aussi devant la cour d’Assises de Paris.

 

Il apparaît donc clairement que le régime du FPR de Kagame et les organisations qui ont pour vocation de défendre ses intérêts et surtout de lui assurer l’impunité pour ses crimes, comme le CPCR, Survie, Ibuka, FIDH, LICRA, sont obsédées par cette notion de “planification du génocide” ; les deux procès en cours à Paris, celui du Dr Eugène Rwamucyo et celui du Dr Charles Onana, leur en donnent l’occasion. C’est donc la politique qui tente d’instrumentaliser la justice.

 

Emmanuel Neretse

 


[1]Jean Kambanda, Rwanda, Face à l’Apocalypse de 1994. EME  Editions, Louvain-la-Neuve, Belgique, 2012.
Jean Kambanda. Les Interahamwe du FPR- RPF Killers, Editions Sources du Nil, Lille, France, 2020.

 

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