Scandale politico-religieux en Norvège : l’ambassadrice du Rwanda, Diane Gashumba, s’en prend à un prêtre catholique

Les faits

Le samedi 27 juillet 2025, un couple d’origine rwandaise établi en Norvège célébrait son mariage à Moss. Le marié étant neveu de l’Abbé Fortunatus Rudakemwa – prêtre rwandais exerçant son ministère au Canada – c’est tout naturellement que celui-ci avait été sollicité pour célébrer la messe nuptiale. Dûment autorisé par son diocèse via un “Celebret”, l’Abbé Fortunatus avait reçu l’accord de l’Église locale pour officier.

 

Mais à la surprise générale, l’ambassadrice du Rwanda dans les pays nordiques (Norvège, Suède, Danemark), Diane Gashumba, a tenté de faire interdire à l’Abbé Fortunatus de célébrer la messe. Motif invoqué ? Ce dernier ne serait pas membre du parti au pouvoir (FPR) et serait même, selon ses accusations, un “génocidaire”. Une déclaration sans fondement et d’une extrême gravité.

 

Malgré cette ingérence, la messe a bien été célébrée par l’Abbé Fortunatus, dans le respect des règles de l’Église catholique. En revanche, l’autre prêtre rwandais invité pour co-célébrer la cérémonie, un certain Ingabire, tout droit venu du Rwanda, a été contraint de se désister, vraisemblablement par peur de représailles du régime de Kigali. Il est à noter que ce prêtre est le fils de Boniface Rucagu, figure emblématique du régime depuis 1994, ayant servi aussi bien sous le MRND que sous le FPR.

 

Poussant le zèle jusqu’au bout, l’ambassadrice a publiquement menacé de refuser désormais tout service consulaire à ce couple de jeunes mariés, en représailles à leur choix du célébrant.

 

Qui est l’Abbé Fortunatus Rudakemwa ?

 

Né en 1961 à Cyangugu, Fortunatus Rudakemwa est un prêtre rwandais ordonné en 1988. Il a suivi ses études au Petit Séminaire de Nyundo, puis au Grand Séminaire de Nyakibanda. Après quelques années de ministère au Rwanda, il est envoyé en 1993 à l’Université de Rome, où il obtiendra un doctorat en Histoire. Il rentre au Rwanda en 2003 avant de s’installer au Canada, où il exerce aujourd’hui au sein du diocèse de Pembroke (Ontario). Il est actuellement en mission à Notre-Dame-du-Lac de Kipawa, au Québec.

 

Le profil de Diane Gashumba

 

Médecin de formation, Diane Gashumba a brièvement exercé la médecine avant d’être propulsée au poste de ministre de la Santé. Devenue ensuite diplomate sans réelle préparation, elle a été nommée ambassadrice du Rwanda dans les pays scandinaves. Son comportement à Moss démontre non seulement une incompréhension profonde de la fonction diplomatique, mais aussi un abus manifeste de pouvoir.

 

Une ingérence inacceptable

 

Les actes posés par l’ambassadrice Gashumba sont graves à plusieurs niveaux :

  1. Atteinte à la liberté religieuse et aux affaires de l’Église :
    L’Abbé Fortunatus avait obtenu toutes les autorisations canoniques requises. L’Église catholique, selon son droit, est seule compétente pour désigner les prêtres autorisés à célébrer la messe. En s’opposant à cette célébration, Mme Gashumba s’est immiscée dans un domaine strictement religieux, ce qui constitue une violation manifeste du principe de séparation des sphères religieuse et étatique.
  2. Atteinte à la vie privée et familiale :
    Le mariage célébré à Moss était une cérémonie privée, familiale, autorisée et religieusement encadrée. Rien ne justifie qu’un représentant d’État interfère dans un tel événement.
  3. Diffamation :
    Les accusations infondées de “génocidaire” portées contre un prêtre en exercice constituent une diffamation grave, juridiquement répréhensible dans tous les États de droit.

 

Un scandale politique et diplomatique

 

Cet incident constitue sans ambiguïté un scandale politique et diplomatique. Il démontre, une fois encore, le zèle idéologique de certains représentants du régime de Paul Kagame, prêts à instrumentaliser leurs fonctions diplomatiques pour régler des comptes politiques, même dans un cadre religieux et familial.

 

Malheureusement, ce genre d’excès passe souvent sous silence du fait de la tolérance, voire de la complaisance dont jouit encore le régime de Kigali auprès de certaines puissances occidentales.

 

Conséquences envisageables

 

  1. Réaction de l’Église catholique :
    Le diocèse local norvégien ainsi que celui de Pembroke, au Canada, pourraient protester officiellement contre cette ingérence. Le Vatican lui-même, en tant qu’État, serait légitimé à exprimer son indignation face à cette attaque contre l’un de ses prêtres.
  2. Actions en justice :
    La famille du couple marié pourrait porter plainte pour atteinte à la vie privée et trouble de cérémonie. L’Abbé Fortunatus pourrait quant à lui poursuivre Diane Gashumba pour diffamation et outrage public, avec demande de dommages-intérêts.

 

Conclusion

 

Ce scandale devrait servir de leçon à d’autres représentants zélés du régime rwandais, prompts à réprimer toute voix perçue comme dissidente, y compris dans des espaces sacrés comme l’Église. Il faut espérer que de telles dérives ne se reproduisent pas ailleurs, notamment au Canada où officie l’Abbé Fortunatus.

 

La diplomatie, même au service d’un régime autoritaire, n’autorise ni l’arrogance ni la diffamation, encore moins l’ingérence dans des cérémonies religieuses.

 

Emmanuel Neretse
Août 2025

 

 

 

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