RDC/Goma : Chasse à l’homme des Rwandais à la « morphologie tutsi »
Goma a vécu dans la terreur ce lundi 9 juillet. Et pour cause, des jeunes gens en colère ont pris d’assaut les quartiers généraux de la Huitième région militaire (le siège du commandement militaire du Nord-Kivu), réclamant qu’on leur donne des armes pour qu’ils aillent s’occuper du M23 si les FARDC en sont incapables.
Mais ce n’est pas tout. Ces jeunes se sont attaqués aux ressortissants rwandais et à ceux et celles qui peuvent en avoir l’air, dans les rues, mais aussi au sein des universités et autres écoles de la ville. Pour ce qui ne le saurez pas, de nombreux rwandais traversent chaque jour la frontière pour suivre les cours à Goma où les études coûtent relativement moins cher, et où – c’est peut-être aussi important – les cours sont (encore) dispensés en Français. D’autres y viennent simplement pour affaires, pour y travailler, pour des courses, ou simplement en promenade.
Les révoltés de Goma sont pour la plupart des jeunes motards, badauds et autres incontrôlables. Ils en veulent aux rwandais, en particulier ceux de « morphologie Tutsi » au prétexte que « leur pays agresse encore une fois la RDC ». C’est après que ces derniers jours les rebelles du M23 aient fait une progression spectaculaire dans le territoire de Rutshuru dont la limite australe est située à seulement quelque 30 kilomètres au nord de la capitale provinciale Goma.
Après la prise vendredi de la cité de Bunagana à la frontière congolo-ougandaise ainsi que de la localité de Jomba, les hommes fidèles à Sultano Makenga (ou à Bosco Ntaganda, je n’en sais plus rien) ont pris samedi et dimanche le contrôle de Rutshuru (le chef-lieu du territoire de ce nom), de la cité de Kiwanja (la plus importante agglomération de ce territoire), ainsi que de nombreux autres villages environnants, dont Rumangabo, om se trouve une importante base militaire.
Les FARDC ont pris le large, butins au dos
Hormis Bunagana, Jomba et Rubare où les troupes gouvernementales ont tenté de résister à la déferlante du M23, partout ailleurs il n’y a pas eu de combats, ou presque. Les FARDC ont déserté leurs positions avant l’arrivée des rebelles. Ce qu’ils n’auraient pas oublié dans leur fuite c’est de dépouiller la population de ses biens. Des témoignages concordants font état de pillages à Kiwanja et dans les autres villages le long de la route vers Goma.
Aussi le M23 ne se prive-t-il pas de surfer sur cet élément (quoique répréhensible, cette méconduite de quelques militaires FARDC n’était ni généralisé, ni systématique) pour se faire passer pour une troupe de sauveurs. Déjà ce soir on pouvait entendre sur certains médias des journalistes raconter que dans les contrées conquises la population « se dit soulagée de ce départ des FARDC et réjouie de l’arrivée des hommes du M23 ». La guerre des nerfs est engagée, et les FARDC ont tout à y perdre, comme sur les autres fronts d’ailleurs…
Chasse aux rwandais ou manipulation ?
Pendant ce temps, et comme si l’opprobre des FARDC sur le front militaire ne suffisait pas, à Goma c’est un autre front qui s’est ouvert ce lundi contre les ressortissants rwandais vrais ou vraisemblables.
Pour certains, cette chasse ouverte aux « rwandais » est le signe d’une exaspération de la population de Goma qui, non seulement est déçue de son armée, mais aussi anxieuse à l’idée que Goma pourrait être la prochaine cible des mutins.
Pour d’autres, dont le gouverneur de province Julien Paluku, ces jeunes gens « ont été payés » pour s’attaquer aux Tutsi et aux ressortissants rwandais afin de donner à ces derniers (dont les troupes seraient déjà infiltrées dans la ville) une fausse raison d’attaquer la ville de Goma.
Qui dit vrai ? Je vous laisse deviner, si c’est possible.
Quoi qu’il en soit cette chasse à l’homme est une insulte à l’humanité et un sale jeu qui ne peut qu’aggraver une situation déjà assez délétère. La xénophobie a apporté à la RDC et à cette région malheur, larmes, et guerres. Et on croit s’en servir pour calmer une situation ou gagner une guerre? Franchement, c’est du délire…
Si ceux qui font ces actes croient aimer le Congo et le servir, ils se trompent sur toute la ligne. Cela ne peut être que contre productif. Par exemple, ça donne une raison au Rwanda de brandir (encore) son drapeau de victime, et de tourner la situation en sa faveur alors même que l’opinion internationale lui en voulait de soutenir (d’après le rapport des experts onusiens) la rébellion du M23. Ce dernier pourrait aussi s’empresser de prendre la ville pour « sécuriser la communauté Tutsi » menacée. Quoi de plus légitime !
J’espère vivement que ça ne va pas se répéter. Les autorités ont tout intérêt à s’en assurer. Je ne veux pas être prophète sur ce coup-ci ! Quant à la version du gouverneur (qui me semble avoir pris quelques leçons accélérées auprès d’un certain Lambert MENDE), je doute qu’elle soit sérieuse, car à voir la manière dont Rutshuru a été pris en si peu de temps et sans grand péril, l’on peut se demander si le M23 a besoin de se donner un faux prétexte afin d’attaquer Goma. Prions seulement qu’il ne le veuille jamais, car en dehors de ça je ne vois pas de bouclier qui lui fasse peur. L’on peut chanter à longueur des journées et dans toutes les langues que le soutien du Rwanda est la seule explication à cet exploit, cela ne change rien. Ils pourraient avancer inexorablement.
Dans un communiqué publié ce lundi, et dont j’ai vu une copie, le M23 a annoncé qu’il avait décidé de se retirer de toutes les localités qu’il avait conquises ces derniers jours, et de les laisser sous le contrôle de la « Police nationale congolaise » et de la Monusco. En s’adressant aux médias nationaux et internationaux à Bunagana ce même lundi, le leader (officiel) du M23, le colonel Sultani Makenga, a indiqué que cette décision avait été prise parce que le M23 n’a pas l’ambition d’occuper le terrain, mais veut simplement convaincre le gouvernement à engager des pourparlers avec lui. Pour Makenga, la PNC et la Monusco sont qualifiées pour assurer la protection des civils et de leurs biens; ses militaires resteront dans leurs quarties de Runyoni et Mbuzi.
Il n’ a pourtant pas manqué d’avertir les FARDC que toute tentative de reprendre le contrôle de ces localités donnerait lieu à une réaction « rapide et énergique du M23 », allant jusqu’à menacer de poursuivre alors les FARDC aussi loin qu’il le pourra. Ce qui ne trompe pas les analystes avertis sur le jeu de ce Mouvement.
Le territoire de Rutshuru est depuis 2009 sous le contrôle d’éléments de police issus du CNDP. Or, il est désormais évident que le CNDP et le M23 ne sont qu’un. Déjà, le communiqué de presse susévoqué porte sur son entête l’emblème et le nom du CNDP à gauche, et ceux du M23 à droite, quoiqu’il n’est signé que par Sultani Makenga.
Les FARDC sont-elles à mesure de se ressaisir ?
Rien n’est moins sûr. Lorsque, au début de cette insurrection, l’on a vu des bataillons entiers être déployés depuis Kindu, Ituri, Kisangani et ailleurs avec comme objectif affiché d’ « écraser les mutins », peu de gens étaient prêts à parier que l’on parlerait encore du M23 deux mois plus tard. Pourtant on n’a jamais parlé de lui autant qu’aujourd’hui. L’on ne compte plus le nombre de militaires congolais qui ont fui vers l’Ouganda, et qui y ont été humiliés. Le M23 semble être plus fort que jamais. Il a dit avoir fait d’importantes prises d’armes (ainsi même si un pays étrangers lui en rajoutait d’autres personne ne se doutera de rien). Côté FARDC, l’organisation, l’entretien, la nourriture, la paie, et surtout la discipline se font toujours attendre. Résultat: on a des troupes démoralisées, démotivées, démobilisées. Ce n’est vraiment pas l’état idéal pour affronter un ennemi aussi redoutable qu’imprévisible…
Le gouvernement lui se perd dans des conférences et des diplomaties sans fin. Tel un malade qui, au lieu de prendre sa pilule, court dans tous les sens chercher des exorcistes. Dieu sait si le ciel (ou l’enfer) l’entendra. Mais espérons ! Déjà que nous ne vivons plus que d’espérer…
Envoyé par jean-mobert dans Le blog de Jean-Mobert N’Senga ! le 10/07/2012 01:47:00 AM
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